Par Claude Ribbe, mercredi 24 juin 2009
Le Président de la République française va s’envoler pour les Antilles cinq mois après une crise d’autant plus grave qu’elle était prévisible, même si les rares personnes à l’entrevoir étaient raillées. L’aspect visible de cette crise, c’est une revendication sociale dont une majorité de Français a jugé qu’elle était juste, même si d’autres ne comprenaient pas. L’aspect caché, c’est le mépris voué par l’ensemble de la classe politique aux Antillais et à leur histoire. Cet aspect ne saurait être occulté plus longtemps. Rendre hommage aux dissidents antillais de 1940, c’est bien. C’et même très bien. Mais l’histoire des Antilles ne se résume pas à l’histoire du XXe siècle. Tous les Antillais ont été des dissidents. Rendre hommage à tous les esclaves dont les enfants sont les Antillais d’aujourd’hui et qui tous, par leur résistance, active ou passive, ont lutté pour leur dignité et pour que la notion de droits de l’homme prenne tout son sens, ce serait mieux. Il faudra bien un jour admettre que si les Antilles sont françaises, c’est parce que la France y a pratiqué l’esclavage et que l’esclavage est une ignominie que la République n’a jamais souffert. L’esclavage a été aboli, mais il a laissé des traces et c’est à cause de ces traces que la population des Antilles s’est soulevée cet hiver. Les Antilles d’aujourd’hui sont gangrenées, à tous niveaux, par les séquelles révoltantes de l’esclavage. Les Antilles sont traitées à part. Je ne parlerai même pas des inégalités sociales dont le monde entier est à présent informé. Prenons un autre exemple : que le Président essaie de capter France Culture et France Musique au pays de Césaire et du chevalier de Saint-George. Il n’y parviendra pas. Les « nègres » n’auraient besoin ni de Culture ni de Musique classique ? Est-ce cela l’indivisibilité de la République ? Je ne demande pas de repentance pour mes compatriotes. Je demande que justice soit faite pour les morts et pour les vivants. Je ne demande pas l’aumône. Je demande l’équité. Vendredi 26 juin 2009, il va falloir un signe fort et courageux. Une femme guadeloupéenne ministre de l’Outre mer. C’est bien. C’est même très bien. Mais c’est normal. Cela aurait dû être fait depuis longtemps sans attendre que la menace d’une situation insurrectionnelle l’impose. Pour une femme qui émerge, combien d’hommes et de femmes jusque là sacrifiés ? Ce qui serait encore mieux, c’est cette phrase que j’attends depuis des années. Cette phrase que personne, jusqu’ici, n’a eu le courage de prononcer :
« J’ai décidé d’admettre, à titre posthume, le général Alexandre Dumas, né esclave dans une colonie française, premier général Antillais de l’histoire, dans l’ordre national de la Légion d’Honneur. »
J’aimerais qu’elle fût prononcée près de Basse-Terre, là où Delgrès et ses compagnons ont choisi la mort parce qu’on leur refusait la liberté.
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