mardi 18 novembre 2008
L’automobile américaine obtiendra-t-elle une aide fédérale d’urgence de 25 milliards de dollars ? Jusqu’au 20 janvier prochain, la décision appartient largement aux républicains, qui occupent la Maison Blanche et qui disposent du moyen de paralyser une disposition parlementaire. Or, face à l’urgence, les amis du président George W. Bush paraissent avoir décidé que le meilleur cours est de ne rien faire même si General Motors menace de se déclarer en faillite avant la fin de l’année. A leurs yeux, sauver l’automobile américaine, ce serait sauver un système industriel qui accorde trop de place aux syndicats, puissants dans le Midwest et à Detroit, et consent à des rémunérations salariales excessives, ou en tout cas supérieures à ceux de la concurrence. « Les difficultés financières auxquelles font face les Trois Grands [General Motors, Ford, Chrysler] ne sont pas le produit de l’actuel ralentissement économique, a ainsi estimé le sénateur républicain de l’Alabama Richard Shelby, mais le produit d’une structure non compétitive liée à son organisation et à sa force de travail. » Les élus démocrates ne l’entendent pas ainsi. Ils sont disposés à aider l’industrie automobile, mais ils souhaitent en profiter pour l’obliger à produire davantage de véhicules économes en énergie.
Le contraste avec le sort réservé aux banques demeure assez frappant. Dans leur cas, des sommes gigantesques ont été engagées, sans contrepartie, et sans s’étendre sur leur responsabilité dans la situation difficile qu’elles rencontraient. En août dernier, le Wall Street Journal était en revanche monté au front pour s’opposer avec véhémence à toute aide fédérale à l’industrie automobile : « Un plan de sauvetage évitera la faillite mais il ne résoudra pas les problèmes fondamentaux de Detroit, qui fabrique des voitures que les Américains ne veulent pas acheter et qui accepte de signer des accords contractuels trop généreux et trop inflexibles avec les syndicats (1). » Depuis, ce même journal s’est néanmoins déclaré favorable au plan de sauvetage de 700 milliards concocté par l’administration Bush au profit des banques. Car Detroit n’est pas Wall Street. Et sacrifier un secteur industriel qui emploie, toutes activités confondues, près de 3 millions d’Américains, le prix n’apparaît pas trop lourd aux yeux de ceux qui tiennent encore pour quelques semaines les rênes à Washington s’il leur permet de porter un coup mortel à des syndicats déjà fort mal en point.
Après l’avoir emporté largement, en particulier dans les Etats industriels du Midwest, le président élu Barack Obama a fait part d’une disposition beaucoup plus accommodante : il ne laissera pas disparaître une activité automobile « qui est la colonne vertébrale de l’industrie américaine. »
(1) Editorial « The Next Bailout : Detroit », The Wall Street Journal, 21 août 2008.
Dans Le Monde diplomatique :
- « Les ouvriers roumains font reculer Renault » par Stéphane Luçon, juin 2008.
Avec leur main-d’œuvre réputée frugale, les pays de l’ex-bloc soviétique forment un paradis des délocalisations. Las ! Même les mécaniques les mieux rodées s’enrayent : en Roumanie, les salariés d’entreprises multinationales obtiennent de meilleurs salaires, malgré les menaces de... délocalisation.
- « Chantages ordinaires chez General Motors », par Rick Fantasia, mars 2006.
Chez l’équipementier américain Delphi comme chez General Motors, les dirigeants veulent imposer baisses de salaires, réductions de l’assurance-maladie et des fonds de retraite… au nom de la défense de l’emploi. Mais ils empochent des primes vertigineuses.
- « Les patrons américains en rêvent », par Olivier Appaix, juillet 2004.
les Américains dépensent plus pour leur santé que les autres Occidentaux. Mais ils sont moins protégés. Devant la faillite d’un système assis sur la concurrence entre assurances privées, même General Motors doute de la « libre entreprise »...
- « Une usine tellement moderne... », par Gilles Balbastre et Stéphane Binhas, janvier 2000.
Longtemps, les usines Renault ont servi de vitrine industrielle et sociale à l’ensemble du secteur automobile. La privatisation de l’ancienne Régie a accéléré sa banalisation. L’entreprise, qui s’internationalise, exporte à présent (chez Nissan, par exemple) les pratiques de rationalisation les plus brutales. Et elle importe les techniques d’exploitation « à la japonaise ».
Toujours disponible :
- « Demain, l’Amérique… », Manière de voir
n° 101, octobre-novembre 2008.
Embourbée dans deux conflits simultanés et confrontée à une crise majeure de l’immobilier et du système financier, l’Amérique réapprendrait l’humilité ? Ce numéro de notre bimestriel thématique explore cette question.
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