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Wednesday, June 10, 2009

Elf au service de l’Etat français

« UNE AFRIQUE SOUS INFLUENCE »


PILIER de l’influence de Paris en Afrique, le groupe pétrolier Elf Aquitaine étend ses réseaux depuis quarante ans sur le continent noir et dans la politique française. Un véritable système d’ingérence financière et politique s’est ainsi constitué. Cette activité, encore mystérieuse, fait l’objet d’investigations judiciaires, et l’ancien « chargé des affaires générales » d’Elf, M. Alfred Sirven, est en fuite. Des perquisitions ont été effectuées au siège parisien de la banque africaine du groupe, la Fiba.

Par Olivier Vallée

Rarement trois lettres auront tant fait parler d’elles, si ce n’est les sigles de la CIA ou du KGB. C’est d’ailleurs dans ces eaux de l’« intelligence » autant que dans celles de l’off-shore que plonge le documentaire « Une Afrique sous influence », réalisé pour la chaîne de télévision franco-allemande Arte (1) sur le groupe pétrolier français Elf Aquitaine. Le film commence avec le deuil français du pétrole saharien en 1962. De Georges Clemenceau au général de Gaulle, l’ambition d’un approvisionnement sous pavillon national hante Paris. Le miracle gabonais va offrir à la France gaullienne les moyens de ses ambitions, loin des concessions qu’il faut négocier avec les Anglo-Saxons dans les terres réservées du Proche-Orient.

C’est dans ce contexte, et à la suite de plusieurs fusions d’établissements divers, que naîtra en 1965 Elf Aquitaine, une appellation qui fleure bon le terroir. Mais la province pétrolière du Gabon, comme le reste de l’Afrique postcoloniale, sera secouée dans les années 1960 par la contestation de la rue et l’impatience des militaires. D’où l’entrée en scène des hommes des services secrets - comme MM. Maurice Robert, Robert Maloubier et d’autres, tous témoins passionnants de ce documentaire - qui « verrouillent » en première ligne la garde présidentielle, mais surtout le système politique et économique de la rente pétrolière.

Ces nouveaux légats choisissent un « correspondant », M. Omar Bongo. Leur credo, c’est l’ordre et la stabilité dont a besoin « l’émir de la République », Pierre Guillaumat, premier directeur du groupe pétrolier et homme-clé du gaullisme (2). L’élite des ingénieurs va se reposer sur le clan des hommes des services pour gérer l’imprévisible, l’impondérable, bref ce que les équations ne peuvent encadrer. Les nominations, les expulsions, la surveillance, la délation deviennent les missions d’une partie du Service de documentation et de contre-espionnage (Sdece), alors en pleine « gabonisation ». Les fonctionnaires du renseignement deviennent peu à peu - et officiellement - les contractuels de la société pétrolière Elf. D’une prétention nationale à sécuriser un pétrole vital pour la métropole, on passera à une logique de domination des réseaux politiques africains pour limiter tout risque de concurrence ou de remise en cause d’accords commerciaux avantageux pour Elf.

A partir de sa plate-forme gabonaise, Elf et son clan déploient une politique à l’échelle de l’ensemble du continent africain dans les années 60 et 70, en symbiose avec Jacques Foccart, conseiller africain de l’Elysée. On peut citer en particulier l’aventure du Biafra, qui devait compromettre les intérêts de Shell et de BP au Nigeria - elle n’empêchera pas M. Robert Maloubier, comme il l’explique devant les caméras, d’apprécier à Lagos la vodka de celui qu’il nomme le commissaire politique de l’ambassade d’Union soviétique...

Président du groupe au début des années 1980, M. Albin Chalandon ébranle peu ce système qui, en toute bonne conscience, pense qu’il sert fidèlement deux maîtres, l’Etat et Elf. Les serviteurs de la République s’accrochent de toute façon aux privilèges de l’or noir : c’est de mauvaise grâce qu’ils font place aux spécialistes de la politique et de la finance, qui veulent prendre le relais des espions et des baroudeurs. Dans cette guerre intérieure, ils seront aidés par le président Bongo, qui, ressources du pétrole aidant, a peu à peu conquis son autonomie à l’égard de ceux qui se croyaient ses mentors. M. Chalandon mise d’ailleurs davantage sur M. Denis Sassou N’Guesso, le successeur de M. Marien Ngouabi à la tête du Congo-Brazzaville, et sur le développement d’un coûteux champ pétrolifère congolais, Emeraude.

Le clan des « Gabonais » se fond alors dans les services et se réfugie dans le gaullisme d’outre-mer, non sans se rapprocher de l’extrême droite. Il garde la confiance des dirigeants d’Elf pour l’Afrique et celle des chefs d’Etat du golfe de Guinée. La distribution des prébendes à la classe politique française - dont l’affaire Roland Dumas constitue l’un des épisodes les plus récents et les plus connus - lie, pendant la « génération Mitterrand », Paris aussi bien que Brazzaville ou Yaoundé. L’ex-président du Conseil constitutionnel expliquera d’ailleurs une partie des importantes sommes en liquide dont il disposait par des honoraires versés par le président Bongo.

Dès le début des années 80, le politologue Jean-François Bayart évoque ces « métastases » africaines qui commencent à proliférer dans le corps politicien de la France. A cette époque, les agents de l’ombre d’Elf se consacrent d’ailleurs beaucoup plus à des montages financiers à partir d’Elf Aquitaine International, filiale suisse du groupe ins tallée à Genève, qu’à la formation de prétoriens ou à la lutte contre les compagnies rivales. L’enjeu : conserver la formidable rente africaine pour ouvrir de nouveaux horizons à la société pétrolière, des zones prometteuses de la Libye à l’Asie centrale.

Pas plus que M. Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand ne remettra en cause directement le monde postcolonial d’Elf l’africaine. Homme de l’empire français, il attendra le sommet franco-africain de La Baule (1990) pour saluer l’inévitable vent du changement en Afrique francophone. Pendant ce temps, Elf Afrique organise ses finances et celles de ses associés africains via la FIBA (French Intercontinental Bank for Africa), détenue à 43 % par Elf, 50,9 % appartenant à des actionnaires privés, dont 35% à la famille Bongo (3). Quant au « M. Afrique » du groupe, M. André Tarallo, président d’Elf Gabon, il se dote d’une flotte d’avions Falcon et renforce la fraction corse du réseau, liée à l’ancien ministre de l’intérieur Charles Pasqua.

De mystérieux transferts

A partir de 1987, M. Loïk Le Floch-Prigent prend en main les destinées d’Elf. Dans le reportage de Jean-Michel Meurice et Fabrizio Calvi, il affirme que « la France en Afrique, c’est Chirac et Pasqua, car, pour l’Afrique, la France est gaullienne ». Un moule pratique pour Elf comme pour son PDG et son homme de confiance, M. Alfred Sirven : ils peuvent ainsi continuer à organiser le pompage financier à côté de celui du pétrole. Derrière le miroir sans tain, on laisse s’activer les hommes de M. Tarallo et on appelle à la rescousse les gouvernements de cohabitation lorsque des difficultés surviennent avec les gouvernements africains.

Mais, avec M. Sirven, une nouvelle strate de l’action de l’ombre se déploie. En Angola, où Elf compte ses plus beaux gisements qui lui confèrent un rôle majeur à côté de Chevron, M. Le Floch-Prigent n’hésitera pas à envoyer MM. Philippe Bohn et Yves Verwaede négocier avec l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita) de M. Jonas Savimbi. Mis en examen dans l’affaire Elf, l’ancien député européen (Démocratie libérale) Yves Verwaede a certifié qu’il avait effectué des missions auprès de l’Unita en Angola (4)...

Tout en entretenant ses anciennes relations avec l’Unita, Elf s’efforcera de présenter une façade respectable au gouvernement de Luanda : visites d’un diplomate détaché à son service (M. Bernard du Chaffaut), revues consacrées aux promesses du pays et prêts gagés sur les recettes pétrolières à venir de l’Etat angolais comme à Brazzaville. Ces derniers alimenteront la guerre contre l’Unita, qui, de l’aveu même de M. Le Floch-Prigent, recevait aussi des paiements de la société Elf... Reste à découvrir quelle part de ces mystérieux transferts a été récupérée par M. Savimbi et combien les intermédiaires en ont détourné en route...

L’ancien président congolais Pascal Lissouba a reconnu que, à l’instigation de M. Omar Bongo, il a reçu de l’argent d’Elf pour sa campagne électorale et a eu recours à des conseillers en renseignement comme M. Pierre-Yves Gilleron, rémunéré, d’après lui, également par Elf. Mais, après sa défaite, il a affirmé que les soldats de son adversaire, M. Sassou N’Guesso, avaient été ravitaillés en armes angolaises transportées par des barges de la société Elf - il portera même plainte contre le groupe à Paris, le 20 novembre 1997. Quoi qu’il en soit, dans sa précipitation à regagner son hôtel particulier parisien (payé avec la rente pétrolière), il a laissé derrière lui une documentation accablante sur le rôle de la FIBA dans les virements de millions de dollars aux marchands de mort qui livrèrent hélicoptères et bombes à son régime.

Les faits abondent, qui le démontrent : l’action d’Elf en Afrique reste largement mystérieuse, y compris après l’arrivée de M. Philippe Jaffré, devenu PDG de la société en 1993, et la privatisation du groupe. Si le témoignage des hommes interrogés dans l’enquête d’Arte est précieux, c’est qu’ils expriment comme leurs les objectifs pétroliers de la France, considérés comme intérêt national. De surcroît, ils manifestent l’invraisemblable assurance que donne l’illusion du pouvoir légitime et absolu procurée par l’argent et la puissance.

Couverture de leur enrichissement personnel, cette identification à une France en quête d’indépendance énergétique les a aveuglés au point qu’ils ne mesurèrent pas la capacité de résistance de présidents liges comme MM. Bongo, Lissouba, l’ancien chef d’Etat congolais, qu’ils pensaient manipuler, ou Eduardo Dos Santos. Là réside sans doute le côté désuet de ces soldats d’Elf, à l’heure où les batailles pour les gisements syriens, les aventures iraniennes et les marches de l’Asie appellent les acteurs modernes de l’ère de la « Totalisation (5) ».

Olivier Vallée.

1) Documentaire de Jean-Michel Meurice, Fabrizio Calvi et Laurence Dequay, une coproduction La Sept-Arte, MK2TV, diffusé le mercredi 12 avril 2000, à 20 h 45, sur Arte.

(2) Polytechnicien, fondateur de la direction générale des services spéciaux (DGSS), il sera ministre des armées du général de Gaulle.

(3) Lire Antoine Glaser et Stephen Smith, Ces Messieurs Afrique, Calmann-Lévy (tome I en 1992, tome II en 1997). En mars 2000, Elf a annoncé que la FIBA était en voie de démantèlement par décision de son conseil d’administration. Elle faisait par ailleurs l’objet d’investigations judiciaires et son siège a subi un cambriolage.

(4) Hervé Gattegno, « Elf Aquitaine International, ou les caramels d’Alfred Sirven », Le Monde, 22 décembre 1999.

(5) En octobre 1999, Elf a fusionné avec Total.


Olivier Vallée

Economiste, auteur de Pouvoirs et politiques en Af rique, Desclée de Brouwer, Paris, 1999.




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