[ chronique ] Karim Jong ill ?
Souleymane Jules Diop Jeudi 4 Juin 2009
Ce me sera, songea-t-il, un Vous me direz que c’est de bonne guerre. Mais Karim Wade ne fait pas preuve de la moindre retenue, quand il s’agit d’assumer ses nombreuses charges ministérielles. Depuis la semaine dernière, je me demande s’il lui arrive d’avoir honte. Pour plastronner comme un prophète devant tant de ministères, il faut être dénué de tout sens du péché. La cinglante raclée du 22 mars n’est pas si lointaine, mais le fils du président de la République se comporte comme s’il a été sacré ce jour-là commandeur des croyants. Ce que les Sénégalais lui ont refusé dans les urnes, Karim Wade se l’arroge dans les cabinets ministériels. Il s’était déjà placé au rang protocolaire du ministre des Finances pour le toiser. Et pour constituer son cabinet, a fait appel à l’ennemi public numéro un d’Abdoulaye Diop, le gabelou Boubacar Camara. Il entend maintenant rogner dans les attributions jusqu’ici réservées au ministre des Finances. Le fils du chef de l’Etat est déjà ministre des Infrastructures, de l’aménagement du territoire, des Transports aériens, de la coopération internationale. Aussi loin, n’importe qui se serait arrêté, par crainte de tomber dans le ridicule. Mais la liste s’allonge de nouveau avec la fonction de chargé des pays d’Asie et du Moyen-Orient où son règne s’étend jusque dans les palais royaux les plus reculés. Abdoulaye Diop, sans le vouloir, en est réduit au statut peu glorieux d’agent comptable du gouvernement. Cheikh Tidiane Gadio, qui avait déjà fait part de sa frustration lors du sommet de l’Oci, est lui aussi renvoyé à ses premières amours. C’est un organisateur d’événements médiatiques et un porteur de valises, sans plus.
merveilleux professeur d'abrutissement.
Par cet imbécile, j'atteindrais à m'avilir.
François MAURIAC
Le seul qui prend des engagements financiers depuis la formation du gouvernement, que ce soit pour la création d’une nouvelle compagnie aérienne comme pour décider du sort qui sera réservé aux travailleurs d’Air Sénégal, c’est bien Karim Wade « himself ». Aucun ministre du gouvernement ne pouvait prendre à lui tout seul des décisions qui engagent financièrement l’Etat sans en aviser l’ordonnateur des dépenses, le ministre des Finances. Mais peut-on donner des ordres au donneur d’ordres ? Avec une frénésie qui n’a pas son pareil, le fils du président de la République « règle les problèmes ». C’est un peu comme si « les problèmes » n’attendaient que lui pour se régler d’eux-mêmes. Il est à ce point rapide avec sa baguette magique que les travailleurs d’Asi le trouvent « séduisant ». Il leur fait comprendre qu’ils n’ont pas de droits, mais qu’il leur donnera des droits ; qu’ils ne devaient pas être payés, mais qu’il les paiera. Face à tant de bonté, même des captifs de guerre se garderaient de prendre la fuite. Je ne lui trouve, pour ma part, aucun génie qui mérite que l’on se prosternât à ses pieds comme le font des gens de tous les milieux. Mais un travailleur d’Asi a carrément dit de lui qu’il avait la taille, le teint et tous les traits physiques du « prophète ». Ses collaborateurs avaient eux aussi fait le même constat mystique aux journalistes partis interviewer leur « prophète » à la veille des locales, mais c’était avant sa défaite mémorable. L’homme entretient le mystère sur sa personne sur sa personne par une série de disparitions et de silences. Au conseil des ministres, on ne voit passer que son ombre. Dans son grand ministère, il s’est désigné un porte-parole, chargé de parler en son nom.
C’est qu’à défaut de convaincre, Karim Wade se contente de séduire. Convaincre aurait nécessité des arguments soutenus et une logique discursive, ce qui fait trop de peine à son niveau de responsabilité. Mais où était donc le Conseiller financier d’Abdoulaye Wade quand la compagnie aérienne allait à la catastrophe ? S’il était si bien imbu de son sentiment nationaliste, pourquoi s’envolait-il en jet privé au lieu de voyager avec Asi ? Jusqu’à ce jour, aucun travailleur honnête ne peut dire avec précision d’où le fils du président de la République fait décoller ses avions lors de ses nombreux voyages. N’oubliez pas qu’il est arrivé que le père, la mère et le fils atterrissent le même jour à Dakar dans trois avions différents. Renseignements pris, ils avaient chacun des choses « à faire » dans leurs avions respectifs et ne voulaient pas être dérangés. Le président de la République devait à lui tout seul 9 milliards de francs Cfa à Air Sénégal international, qu’il réquisitionnait quand il voulait s’entourer de félons chargés de l’applaudir.
De nombreux analystes s’en étaient limités à constater une « ministérisation » de l’Anoci. Karim Wade représentait déjà son père auprès de nombreux chefs d’Etat. Il s’était déjà improvisé concepteur du nucléaire sénégalais auprès de Nicolas Sarkozy. Il a déjà été le négociateur de nombreux financements auprès de pays arabes. Mais c’est faire erreur que de penser qu’il s’agit là d’une simple confirmation. Ses prérogatives vont bien au-delà. Il lui fallait une lettre de recommandation de son père pour accéder à certaines coures royales. Il n’a plus besoin de ce sésame. Il avait besoin du ministre des Finances pour signer certaines conventions. Il pourra désormais agir seul.
Ce qui rend Karim Wade dangereux, c’est moins l’immensité de ses pouvoirs que son aversion pour tous ceux qui peuvent lui tenir tête. On croyait son amitié avec Abdoulaye Baldé à toute épreuve. Dès que le secrétaire général de la présidence de la République a commencé à lui dire non, l’enfer s’est ouvert sous ses pieds. Son chef de cabinet, membre de la Génération du concret, a été accusé de trafic de visas et chassé de la présidence de la République. Innocence Ntap, accueillie au Pds par le même Abdoulaye Baldé, a été faite ministre d’Etat en plein Conseil des ministres. Toutes ces manœuvres de déstabilisation ayant échoué, « l’ami » Baldé espérait, à la suite de sa victoire à Ziguinchor, un ministère important. Mais c’était sans compter avec la détermination d’Abdoulaye Wade. Après les élections locales, le président de la République avait décidé de le faire remplacer par Ousmane Masseck Ndiaye, un autre perdant de Saint-Louis. Pour punir Baldé de sa victoire et récompenser Karim Wade pour sa défaite, le président de la République a cherché la parade : « Au fond, j’ai vu vous vous entendez bien, et tu peux être un bon Directeur de cabinet pour Karim ». Refus du Secrétaire général de la présidence de se laisser humilier ainsi, qui décide tout bonnement de retourner à Ziguinchor s’occuper de sa mairie. Abdoulaye Wade a reculé pour ne pas créer le scandale, mais Abdoulaye Baldé connait le sort qui l’attend désormais. Le même qu’ont connu tous ceux qui, parce qu’ils ont refusé de se soumettre, ont été traités en ennemis. L’opposition, elle, considère à tort que tout ceci n’est que querelle domestique. De sorte que si l’on n’y prend garde, Karim Wade n’aura pour seul obstacle à son ambition que sa propre bêtise.
SJD
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