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Wednesday, June 10, 2009

L’Afrique n’est plus l’eldorado des entreprises françaises

Concurrence de l’Asie, vieillissement des réseaux


Un forum « alternatif et citoyen » s’est tenu en marge du XXIIIe sommet Afrique-France de Bamako (Mali), fin novembre. Les participants y ont dénoncé le « néocolonialisme » de Paris, notamment le soutien à certains régimes autoritaires (Togo, Gabon…). Cette contestation de l’ingérence française se produit alors que des entreprises comme Pinault ou Bolloré, autrefois très présentes, semblent se désintéresser du continent noir.

Par Anne-Valérie Hoh et Barbara Vignaux

« En Afrique francophone, notre problème n’est pas d’identifier de nouveaux investisseurs privés, mais d’empêcher ceux qui sont là de partir. » Ce constat de M. Anthony Bouthelier, président délégué du Conseil des investisseurs (français) en Afrique noire (CIAN), est confirmé par M. Jean-Pierre Barbier, directeur du département Afrique centrale, australe et océan indien de l’Agence française du développement (AFD) : « Le désinvestissement des entreprises françaises a bel et bien commencé, et a été accéléré par les événements en Côte d’Ivoire. » En effet, en dehors des petits entrepreneurs (dont une partie a été ruinée par la dévaluation du franc CFA en 1994) (1), la présence économique hexagonale en Afrique se résume désormais à une vingtaine de groupes moyens et grands. Parmi eux : Bouygues et Vinci (construction), CFAO (distribution spécialisée), Rougier (bois), Total (hydrocarbures) (2), Castel (bière), Dagris (coton), la Compagnie fruitière, Bolloré et CMA-CGM (logistique et transport), Veolia (eau), Accor (hôtellerie), Air France, BNP Paribas, Société générale (banque)...

Il est loin le temps où, durant la guerre froide, les groupes français, très bien implantés en Afrique francophone, contrôlaient plus de la moitié des marchés au Gabon, en Côte d’Ivoire, au Cameroun ou au Sénégal, et enregistraient des profits considérables avec le soutien de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface). Au milieu des années 1980 encore, le Gabon représentait la moitié des réserves prouvées d’Elf Aquitaine, et des passerelles avaient été installées entre le service de documentation extérieure et de contre-espionnage (Sdece), le Quai d’Orsay et la compagnie pétrolière publique. En 1964, le rétablissement de Léon M’Ba à la présidence du Gabon, après un éphémère coup d’Etat, sera la première ingérence manifeste de la « Françafrique » – mêlant intérêts politiques, économiques, commerciaux et appétits individuels, comme au Congo-Brazzaville, au Togo, en Centrafrique (3). La corruption et la prévarication révélées par l’« affaire Elf » demeurent les symboles de ces douteux mariages effectués aux frais des populations locales (4).

Désormais, le retrait des entreprises françaises est sensible dans des secteurs longtemps dominés, comme l’exploitation de l’eau ou le bois. Ainsi, après avoir quitté la Guinée-Equatoriale et le Mozambique, et annoncé son retrait du Mali, Bouygues – via ses filiales Saur et Sodeci – souhaite se désengager de Côte d’Ivoire. Veolia (ex-Vivendi Environnement) a cessé ses activités au Tchad, au terme d’un contrat de gestion de trois ans, après la renationalisation de la société locale. Cette nouvelle attitude des firmes de l’eau dépasse toutefois le cadre des relations franco-africaines, et s’inscrit, selon M. Maurice Bernard, chef de projet au département infrastructures et développement urbain à l’AFD, « dans un mouvement général de retrait des sociétés multinationales issues des pays en développement, au profit de l’Europe, des Etats-Unis et des grands pays émergents d’Asie, l’Inde et la Chine ».

Les opérateurs hexagonaux délaissent aussi le secteur forestier, dans lequel s’illustrèrent M. François Pinault et la famille de Bernard-Henri Lévy : Bolloré a vendu ses parts dans les plantations du continent, Thanry a cédé l’ensemble de ses concessions à des Chinois de Hongkong, sauf au Gabon ; Leroy a été racheté par des Portugais... Reste Rougier, un groupe de taille intermédiaire (146 millions d’euros en 2004, pour un résultat net de 1,4 million d’euros) – plus petit, par exemple, que l’allemand Danzer. Enfin, les Français ont peu participé au récent « bond » de l’investissement direct à l’étranger (IDE) en Afrique subsaharienne : la France se classe en quatrième position, avec 4 % du stock d’IDE, contre 13 % pour le Royaume-Uni, 8 % pour les Etats-Unis, et 5 % pour les Pays-Bas (5). Cette progression a surtout été le fait « d’Asiatiques, d’Américains et de Sud-Africains, devenus les premiers investisseurs sur le continent, mais guère de Français », constate M. Barbier.

La géographie de l’implantation des groupes français en Afrique a, elle aussi, évolué : l’activité se porte désormais vers les bordures méditerranéenne, méridionale et orientale du continent, au détriment de l’Afrique de l’Ouest et centrale, plus pauvre, plus instable et moins peuplée. Dans certains pays, le retrait hexagonal est très marqué, comme en Centrafrique. « Il n’y a pratiquement plus aucun secteur économique avec une présence significative des entreprises françaises », estime le ministre centrafricain des affaires étrangères Jean-Paul Ngoupandé (6). Ainsi, sur les dix créations d’entreprises et les onze acquisitions réalisées ces cinq dernières années par CFAO (groupe Pinault-Printemps-Redoute), la plupart l’ont été dans le nord et l’est du continent. Bouygues a débuté sa réorientation vers l’Afrique du Nord à la fin des années 1980. Et le vice-président de Bolloré (et président du comité Afrique du Medef (7) international), M. Michel Roussin, également ancien ministre de la coopération de M. Edouard Balladur, d’expliquer : « Désormais, les flux commerciaux en provenance d’Asie seront sans doute plus conséquents que ceux en provenance d’Europe, d’où l’importance accordée par le groupe Bolloré à l’Afrique de l’Est, en particulier l’Ethiopie, où il étudie l’implantation d’une première agence. »

Total lui-même, l’héritier d’Elf, clame qu’il a « normalisé » sa présence sur le continent. Le géant français réalise plus de la moitié de sa production quotidienne continentale – 813 000 barils équivalent pétrole (gaz compris), 30 % de son total mondial – au Nigeria et en Angola, hors de l’ancien « pré carré ». Avec quelque 110 milliards de barils, l’Afrique détient 9,4 % des réserves pétrolières mondiales (contre 7,6 % en 1984). Or, dans ce secteur stratégique, la diversité des sources d’approvisionnement est vitale. D’où l’offensive de Pékin, dans le cadre de grands contrats d’Etat à Etat dépourvus de toute conditionnalité politique (Angola, Congo-Brazzaville...), et les efforts de Washington pour s’assurer une part croissante du pétrole africain. Total, qui reste le premier opérateur international privé du continent, se voit ainsi concurrencé par les Etats-Unis en Afrique francophone, comme au Tchad, et dans les nouveaux pays producteurs, comme en Guinée-Equatoriale.

Le désengagement français et sa réorientation ont plusieurs causes. En premier lieu, la chute du mur de Berlin puis l’ouverture vers l’est ont dirigé l’intérêt politique de Paris – et les flux financiers – vers l’Europe centrale et orientale. Très peu de groupes hexagonaux disposent encore d’une stratégie africaine : « Hors pétrole, l’Afrique attire moins de 5 % des investissements étrangers directs de la France, elle n’est clairement plus stratégique pour nous », constate ainsi M. Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Dans la compétition mondiale, l’Afrique subsaharienne se caractérise par l’étroitesse de son marché, avec un produit intérieur brut (PIB) de quelque 248 milliards d’euros, inférieur à celui de l’Australie. La moitié des habitants n’y disposent que d’un dollar par jour (8).

En deuxième lieu, la « normalisation » de la présence française est encouragée par l’ouverture à marche forcée du continent sous la houlette de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). La globalisation fait tomber les remparts qui protégeaient les groupes nationaux de la concurrence internationale : marchés captifs (pharmacie), monopoles ou oligopoles (transport aérien, téléphonie filaire), aides publiques (infrastructures), routine sans risque de certaines activités (banque de dépôt)... Les Français doivent désormais affronter la concurrence, notamment celle des Chinois (9).

Demande de commission d’enquête

Le secteur de la construction, est soumis à une telle compétition que le leader mondial Colas (groupe Bouygues), battu d’avance, ne prend plus la peine de participer à certains appels d’offres. L’aide de l’AFD étant déliée de toute condition de nationalité depuis le 1er janvier 2002, certains s’inquiètent de voir les Chinois rafler une part croissante des projets soutenus par cette institution. Leur présence – comme celle des Indiens, Malais et autres Asiatiques – pourrait pourtant dynamiser les entreprises françaises, remarque M. Roussin : « C’est à nous d’être imaginatifs, de monter des joint-ventures, de proposer de nouveaux services, etc. »

En troisième lieu, le redéploiement économique français s’explique par l’instabilité chronique du continent, que les événements de Côte d’Ivoire n’ont fait qu’illustrer. Une série de crises secoue l’Afrique de l’Ouest et centrale, zone privilégiée de la présence hexagonale, comme en Centrafrique ou en République démocratique du Congo (ex-Zaïre). La vie des affaires est perturbée par l’incertitude juridique, les soubresauts politiques, la corruption, les difficultés des recouvrements. A Niamey (Niger), Veolia aurait le plus grand mal à recouvrer le tiers de la facture d’eau des institutions publiques, présidence et armée comprises. « Le différentiel de compétitivité entre l’Afrique et la moyenne mondiale est de 20 %, en raison de coûts financiers plus élevés, de difficultés logistiques, du coût de l’encadrement expatrié et du facteur risque », résume M. Eric Dahlström, directeur des opérations Afrique et Moyen-Orient d’Imperial Tobacco (qui a racheté la branche tabac de Bolloré).

Enfin, à ces tendances générales s’ajoutent des difficultés spécifiques liées à l’histoire de la présence hexagonale sur le continent noir. « Le capitalisme postcolonial français a longtemps vécu de ses situations de rente et de ses relations privilégiées avec le politique », explique M. Hugon, de l’IRIS. Protégé de la concurrence extérieure par ses positions monopolistiques et ses liens étroits avec le monde politique, le capitalisme français pouvait prospérer tranquillement. Or, quoiqu’on prête au premier ministre Dominique de Villepin de solides relations avec les réseaux vieillissants de la « Françafrique » (10), la tendance de fond est celle d’un désengagement continu de Paris et d’une « disjonction progressive des sphères militaire, économique, politique et culturelle de la présence française en Afrique depuis le début des années 1980 », selon l’expression d’Achille Mbembé, chercheur à l’université de Witwatersrand, en Afrique du Sud.

Plusieurs députés français réclament d’ailleurs une commission d’enquête sur les comptes de la Coface, dont les dettes ne cessent d’augmenter (11). « La “Françafrique” est morte, non pas terrassée par la vertu citoyenne, bien tardive à se manifester, mais de ses hésitations, de son incapacité à s’adapter à l’Afrique et au monde, qui ont profondément changé », confirment les journalistes Antoine Glaser et Stephen Smith (12). La crise en Côte d’Ivoire a en outre révélé le ressentiment des populations locales contre les pratiques françaises, et la tentation des gouvernants de choisir d’autres partenaires (13).

Cependant, le mélange des genres politico-économiques demeure une réalité dans certains cas. Ainsi, l’obtention, sans appel d’offres, de la concession du port autonome d’Abidjan par la SETV (Bolloré), début 2004, a fait couler beaucoup d’encre. Objet d’un véritable bras de fer entre des autorités politiques et économiques ivoiriennes concurrentes, le contrat de concession et d’exploitation du premier port d’Afrique de l’Ouest a finalement été attribué au groupe français, qui affirme s’être tenu à sa ligne de conduite officielle : la non-ingérence. Selon un ancien du groupe, ce renouvellement serait une compensation pour l’exploitation à perte, au plus fort de la crise traversée par la Côte d’Ivoire depuis septembre 2002, de la ligne de chemin de fer Sitarail conduisant de Ouagadougou à Abidjan. Dans l’ensemble, constate M. Paul Lignières, associé du cabinet d’avocats Linklaters, les entreprises françaises manifestent toujours une « sensibilité un peu différente » de celle de leurs homologues étrangères : elles sont « souvent plus attachées à leur indépendance vis-à-vis des financiers anglo-saxons que vis-à-vis des politiques français »...

Le comportement des firmes nationales peine à s’adapter à une nouvelle donne qui, sous la pression des organisations non gouvernementales et des associations altermondialistes, fait une part croissante à la « moralisation » des pratiques économiques en Afrique. Ainsi Total, qui a adhéré à l’Initiative sur la transparence des industries extractives lancée en 2002 à l’occasion du Sommet sur le développement durable de Johannesburg, ne participe pas à la campagne « Publiez ce que vous payez », organisée par un groupe d’ONG. Coordinateur, en France, de cette campagne, M. Michel Roy estime que, en invoquant la non-ingérence et la confidentialité de ses contrats, « Total tient un discours sur la transparence qui ne peut pas se traduire dans les faits ». Du coup, le groupe français se trouve au vingt et unième rang (sur vingt-quatre) des sociétés pétrolières les moins bien notées par ce collectif d’ONG. Or, constate Achille Mbembé, en Afrique, « les gens veulent une autre culture politique, qui se traduise par le retour à des valeurs de base ». Un désir qui s’exprime lentement : « Il y a un progrès, au moins sur le plan rhétorique, car auparavant la corruption était niée. »

Désormais, les grands groupes peuvent être interpellés sur les résultats de leurs activités. Ainsi, dans son dernier rapport consacré à l’IDE en Afrique, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) dresse un bilan très mitigé de la présence économique étrangère sur le continent : divergences d’intérêts entre les Etats hôtes et les entreprises (comme le développement d’enclaves sectorielles dans le pétrole ou les mines), politique d’incitations fiscales préjudiciable aux rentrées budgétaires, et absence d’entraînement des capitaux étrangers sur le tissu local. Pour les Français, longtemps dominants, sinon seuls (en Afrique francophone), le passif est lourd. Il décrédibilise le discours des entrepreneurs hexagonaux qui prétendent faire mieux que leurs concurrents asiatiques peu soucieux du développement local, des droits fondamentaux ou d’environnement (voir « Mélange des genres »). Ainsi, des associations comme les Amis de la Terre ou Survie se sont désormais fixé pour objectif de montrer que « l’extraterritorialité dans laquelle agissent les agents privés n’est pas la garantie systématique de l’impunité ». Les Amis de la terre se sont constitués partie civile en mars 2002 dans une action – jusque-là restée sans suite – devant la justice française, intentée par des villageois camerounais contre Rougier, pour « destruction de biens appartenant à autrui, faux et usage de faux, escroquerie, recel, corruption de fonctionnaire (14) ». Aussi l’AFD affiche-t-elle sa volonté de « soutenir les bonnes pratiques ». M. Mbembé souligne le « paradoxe » de cette situation : « Au moment où se produit un désengagement relatif des entreprises françaises, leur action dans les pays hôtes est de plus en plus vue comme du pillage. »

Les entreprises ne peuvent plus se contenter de créer « un îlot de prospérité dans un océan de misère », selon l’expression de M. Henri-Bernard Solignac-Lecomte, économiste au centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), par l’édification d’installations « maison » (école maison, hôpital maison, etc.). Il faut aller plus loin, contribuer à l’amélioration durable du tissu économique ou social local, en soutenant la création de PME, par exemple. Cela implique de repenser certaines pratiques. Ainsi, estime M. Marc Vézina, de l’association ps-Eau, « dans les petites villes et les villages, on pourrait très bien confier l’exploitation de l’eau communale à des opérateurs privés locaux, plutôt que de signer de gros contrats avec des groupes comme Veolia ou Saur ». Mais, ajoute-t-il, « entre les contrats d’affermage à la française et le régulateur à l’anglaise – imposés par la Banque mondiale –, il est bien difficile pour les Africains de trouver leur place ! ». Dans le secteur du bois, les pays producteurs manifestent également des exigences industrielles et fiscales croissantes afin de mieux servir le développement de leur pays. La transformation locale atteint désormais 40 à 100 % de la production de grumes, selon les essences et les pays. Et dans le bassin du Congo, indique M. Rougier, « la fiscalité a été multipliée par deux ou trois depuis cinq ans ».

La baisse tendancielle du nombre d’expatriés depuis vingt ans ouvre un espace à la promotion des cadres africains : moins de 200 expatriés pour CFAO (sur un effectif de 10 300 personnes), contre un millier dans les années 1980 ; une vingtaine à la Compagnie fruitière (sur 15 000) ; 60 pour 2 000 emplois directs chez Rougier ; 381 expatriés chez Bolloré sur 28 868 employés (permanents et temporaires). L’hexagone dispose d’un atout humain précieux mis en valeur par M. Didier Acouetey, fondateur et dirigeant d’AfricSearch, le premier cabinet de recrutement dédié à l’Afrique : « Des cadres d’origine africaine formés en France en nombre croissant, soucieux d’œuvrer de manière concrète au développement de l’Afrique. »

Cependant, la disparité des traitements entre expatriés et recrutés locaux continue de choquer. Dixit un cadre supérieur ivoirien de Bouygues : « En général, le problème, c’est le pourcentage de la masse salariale française par rapport à la masse salariale totale – mais cela reste un sujet tabou. » Et pourtant... « La nationalité des cadres n’est pas neutre sur la répartition des profits entre la maison mère et la filiale », témoigne un ancien cadre de la Banque mondiale. Mais ce sujet « techniquement compliqué et politiquement sensible » n’a jamais été « abordé de front ». Dans certains pays, comme le Gabon, relève la Cnuced, les rapatriements de bénéfices dépassent, certaines années, les entrées de capitaux étrangers ! En 2003, Libreville a cumulé 87,7 millions d’euros d’IDE pour des bénéfices rapatriés de 526 millions d’euros !

C’est dire que le continent reste, dans certains secteurs, une terre attrayante. La rentabilité serait de 5 % seulement dans l’eau potable et l’assainissement, autrefois très profitables, mais de 13 à 15 % dans l’électricité et de 20 à 25 % dans les télécommunications (15) ! Entreprise vieille de vingt ans détenue à 42 % par France Télécom depuis 1997 (et à 27 % par le gouvernement sénégalais), Sonatel représente la première capitalisation boursière sur la place régionale de Dakar (avec un doublement de son cours de Bourse, ces dix-huit derniers mois), et le premier contributeur fiscal du Sénégal. Son chiffre d’affaires a bondi de 30 % en 2004, à 400 millions d’euros, avec un résultat net de 100 millions d’euros.

En Côte d’Ivoire, malgré la destruction de onze de ses treize agences d’Abidjan en novembre 2004, Orange a continué à gagner de l’argent, grâce à une augmentation du parc de téléphones mobiles de 40 % en 2004. Aussi le directeur des opérations internationales de France Télécom et président de Sonatel, M. Marc Rennard, voit-il dans l’Afrique « une des zones au monde qui offrent le plus grand potentiel de croissance » en raison de son faible niveau d’équipement et de sa faible industrialisation. Alcatel profite également de l’expansion du secteur, et, comme d’autres, aura affaire à forte partie : le groupe chinois mi-privé mi-public ZTE, déjà présent dans quatorze pays africains, et dont l’ambition n’est rien de moins que de devenir « le premier fournisseur d’équipements de télécommunication du continent ».

Président de CFAO, M. Alain Viry souligne la facilité d’implantation sur le continent : « Il n’existe aucun obstacle réglementaire à la création d’une entreprise par des capitaux étrangers, ni de limite aux investissements par des non-résidents, sauf dans la partie méditerranéenne du continent. » Mais, pour tirer leur épingle du jeu, les groupes doivent revoir leur stratégie. L’invocation du risque, réel ou fantasmé, n’est pas sans avantage : « Il faut l’accepter et obtenir, en contrepartie, une meilleure rentabilité », assume M. Francis Rougier, président du directoire de Rougier SA. En outre, subtilement, la présence en Afrique « permet d’être invité au tour de table du développement durable et de communiquer sur le sujet », note un observateur sans illusions...

Certains groupes français ont ainsi su adapter leur périmètre d’activités. Passer du métier de transitaire à celui de logisticien axé sur la manutention et la gestion de terminaux portuaires, telle est l’ambition affichée par Bolloré, qui vient de céder ses navires (Delmas) et conteneurs en propriété à CMA-CGM. Le premier employeur français du continent (dont un gros effectif temporaire) tire ainsi parti du constat dressé par un ancien du groupe : « L’Afrique est comme une île, reliée au monde par les mers. Donc, qui tient les grues tient le continent ! »

Cette vente est la dernière d’une longue liste, commencée en 2001 avec la cession de la filière tabac et poursuivie en 2004 avec celle des activités « non stratégiques » de négoce de cacao et café en Côte d’Ivoire, et d’exploitation forestière au Cameroun. Après de multiples cessions (cuirs et peaux, vin, grande distribution), la centenaire CFAO occupe désormais des niches, étroites mais lucratives, dans la distribution automobile et la pharmacie. En 2005, son chiffre d’affaires devrait dépasser 2 milliards d’euros au terme d’un triplement ces dix dernières années ! Au total, l’écrasante majorité des membres du CIAN est bénéficiaire, quoique avec des variations parfois sensibles (16).

Si quelques groupes français tirent leur épingle de la nouvelle donne africaine, seule une nouvelle vision politique permettrait de relancer l’attrait économique pour le continent et de solder les comptes de la « Françafrique ».

Anne-Valérie Hoh et Barbara Vignaux.

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1) Lire Demba Moussa Dembélé, « Mauvais comptes du franc CFA », Le Monde diplomatique, juin 2004.

(2) Cette compagnie est issue de la fusion de Total, Fina et Elf.

(3) Lire François-Xavier Verschave, La Françafrique. Le plus long scandale de la République, Stock, Paris, 1998.

(4) Huit années d’instruction (1994-2001) ont révélé 183 millions d’euros de détournements de fonds, au profit, notamment, du financement de partis politiques français, tous bords confondus. Si les anciens ministres Charles Pasqua (RPR) et Roland Dumas (PS) ont bénéficié d’un non-lieu et d’une relaxe, l’ancien PDG Loïk Le Floch-Prigent a été condamné à cinq ans ferme. MM. Alfred Sirven et André Tarallo, l’ancien « Monsieur Afrique » du groupe, à quatre ans ferme. Lire Olivier Vallée, « Elf au service de l’Etat français », Le Monde diplomatique, avril 2000.

(5) Cependant, le continent africain ne reçoit que 2 à 3 % des flux mondiaux de capitaux. Cf. Cnuced, « Le Développement économique en Afrique : repenser le rôle de l’investissement étranger direct », Genève, septembre 2005.

(6) Jean-Paul Ngoupandé, L’Afrique sans la France. Histoire d’un divorce consommé, Albin Michel, Paris, 2002.

(7) Mouvement des entreprises de France.

(8) Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), Les objectifs du millénaire pour le développement, Economica, Paris, 2003.

(9) Lire Jean-Christophe Servant, « La Chine à l’assaut du marché africain », Le Monde diplomatique, mai 2005.

(10) Lire Anne-Cécile Robert, « Pas en notre nom ? », Manière de voir, no 79, « Résistances africaines », février-mars 2005.

(11) En 2005, le taux d’endettement financier brut du groupe se situe à 30 %, contre 20 % fin 2003.

(12) Antoine Glaser et Stephen Smith, Comment la France a perdu l’Afrique, Calmann-Lévy, Paris, 2005.

(13) Lire Boubacar Boris Diop, « Avertissement ivoirien à la « Françafrique » », Le Monde diplomatique, mars 2005. Les groupes français occupent une place dominante en Côte d’Ivoire dans l’eau et l’électricité (Bouygues) ou la téléphonie mobile (France télécom)... Cependant, ce sont les Etats-Unis qui détiennent les secteurs-clés du pétrole et du cacao. Lire Serge Michailof, « Côte d’Ivoire 2005 : bienvenue sur le Titanic ! », Commentaire, no 110, Paris, été 2005.

(14) Lire Arnaud Labrousse et François-Xavier Verschave, Les Pillards de la forêt. Exploitations criminelles en Afrique, Agone, Marseille, 2003.

(15) La Tribune, 25 août 2005.

(16) « Les entreprises françaises et l’Afrique 2005, 16e rapport », Moniteur du commerce international- CIAN, Paris, 30 décembre 2004-12 janvier 2005.


Anne-Valérie Hoh

Journaliste.

Barbara Vignaux

Journaliste.



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