Le président gabonais Omar Bongo Ondimba, au pouvoir depuis 41 ans, est mort dimanche à l'âge de 74 ans. Doyen des chefs d’État africains, cet allié et sponsor des gouvernants français ne sera pas parvenu, en quatre décennies au pouvoir, à tirer le Gabon de la pauvreté, malgré des revenus pétroliers faramineux
Jacques Chirac ne pouvait se retenir de l’appeler publiquement « Monsieur le doyen », faisant grincer les dents de l’intéressé. Passé les quarante années au pouvoir, quel qualificatif trouver ? El Hadj Omar Bongo Ondimba, né Albert-Bernard Bongo est décédé dimanche 7 juin à l’âge de 74 ans, selon une information du point.fr recoupée par une source proche du ministère français des affaires étrangères. Avec lui disparaît l’une des figures les plus emblématiques de l’Afrique post-coloniale. L’arrivée au pouvoir de cet ancien employé des postes devenu collaborateur des services secrets français résulta du choix de Jacques Foccart.
Le « Monsieur Afrique » de l’Élysée était arrivé à la conclusion que le bras droit du président Léon Mba, placé au pouvoir par la France à l’Indépendance, « qui n’avait pas une grande formation mais qui avait de la personnalité, du courage et de la volonté, était le plus capable », racontera Jacques Foccart dans ses mémoires. Une audience avec le général de Gaulle et un dîner chez le couple Foccart feront office d’entretien d’embauche pour le jeune homme à peine trentenaire, bombardé vice-président en 1966, puis « élu » l’année suivante en tant que candidat du parti unique intitulé, non sans ironie, le Parti démocratique gabonais (PDG).
La montée en puissance de la production pétrolière forgera le mode de gouvernement de celui qui se convertit en 1973 à l’islam. Une conversion surprise destinée, selon Foccart, à « se mettre dans les bonnes grâces du roi Fayçal (d’Arabie saoudite), afin de faire admettre le Gabon à l’Opep, et de Kadhafi, qui sait récompenser de tels gestes ». Introduit très jeune au sein de la franc-maçonnerie, Omar Bongo utilisera à outrance ce ressort, vis-à-vis de ses alliés français comme avec ses homologues africains, dont il « initiera » un bon nombre.
Une gestion patrimoniale de l'Etat
Cette « politique du ventre » s’étend bientôt à la classe politique et dans une moindre mesure aux Gabonais dans leur ensemble. Contraint en 1990, après des émeutes et le discours de François Mitterrand à La Baule, d’organiser des élections multipartites, Omar Bongo mettra dès-lors un point d’honneur à acheter la fidélité de ses opposants. Certains de ses adversaires les plus acharnés se mueront ainsi en dociles ministres. Quant aux réfractaires, plus d’un mourra précocement.
Le même principe de dépendance s’applique aux diverses catégories de la population gabonaise, notamment les fonctionnaires, constamment maintenus dans l’attente du versement d’arriérés de salaires, concédé comme une faveur. La redistribution s’accomplit aussi lors des campagnes électorales et à l’occasion des « fêtes tournantes », désignant la rotation région par région de la fête nationale.
Fin connaisseur de la carte électorale française
Ce fonctionnement s’étend aux relations internationales, dans un tête-à-tête avec l’ancienne puissance coloniale. Fin connaisseur de la carte électorale française, Omar Bongo repère et parraine généreusement les étoiles montantes de la politique, au point d’en faire des obligées. « Les subsides de Bongo servent à tout le monde lors des élections françaises et créent une sorte de colonialisme à l’envers », analysera l’ancien directeur de la DGSE, Pierre Marion.
Malgré leur incongruité, les énormes dettes de l’État gabonais seront épongées par Paris. En contrepartie, un vote important au Conseil de sécurité, un otage à libérer, une opposition à « apaiser » ou à activer trouveront toujours « le doyen » disponible, portefeuille ouvert. Le Gabon accueille une base militaire française, héberge les mercenaires intervenant au Biafra, ou sert de transitaire pour les armes envoyées par Paris à son beau-père, le président congolais Denis Sassou-Nguesso.
Utilisation de fonds pétroliers
Deux mois plus tard, il est muté dans des conditions humiliantes et remplacé par un intime de Nicolas Sarkozy, qui réserve au « Palais du bord de mer » de Libreville son premier déplacement. Le président Sarkozy lui-même avait réservé son premier coup de téléphone de président élu à Omar Bongo , pour le remercier de ses « conseils », et avait inclus le Gabon dans son premier déplacement en Afrique.
Le 6 mai dernier, un communiqué laconique annonce que le président Bongo a décidé « la suspension momentanée de ses activités » de chef d’État » afin de « se ressourcer » après avoir vécu pendant « plus de trois ans (…) une épreuve particulièrement difficile avec la maladie de son épouse », Édith Lucie, décédée trois semaines auparavant à Rabat. « Il se repose chez lui, ici, au Gabon », affirme un porte-parole, qui n’ignore pourtant pas que le président a déjà quitté le pays à bord d’un avion médicalisé. Pas vers la France, quelques jours après qu’une magistrate a jugée recevable une nouvelle plainte le visant, mais vers une clinique privée de Barcelone. Le cancer intestinal pour lequel il y était traité l’a finalement emporté.
Charmeur manipulateur
Une guerre feutrée oppose son fils, Ali Ben Bongo , ministre de la défense, à Paul Toungui, ministre des affaires étrangères et époux de la fille et directrice de cabinet d’Omar Bongo , Pascaline. Le général à la retraite Idriss Ngari, originaire du Haut-Ogooué comme Omar Bongo et l’essentiel de sa garde prétorienne, manoeuvre également. Aucun d’eux n’envisage autre chose qu’une succession dynastique ou clanique, bien que cette perspective soit potentiellement porteuse de chaos.
Laurent d'ERSU |
Wikio
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