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E. do REGO

IL EXISTE MILLE MANIERES DE MENTIR, MAIS UNE SEULE DE DIRE LA VERITE.

Le Mensonge peut courir un an, la vérité le rattrape en un jour, dit le sage Haoussa .

Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse continueront de glorifier le chasseur.










Friday, April 30, 2010

“Diski dance” : une choré pour la coupe du monde

La danse vient des bidonvilles où en argot “diski” signifie “football”. 



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Friday, April 23, 2010

Nouvelles de la Guadeloupe






Claude Ribbe
Vendredi 23 Avril 2010

Nouvelles de la Guadeloupe
n se doute que je ne suis pas déplacé en Guadeloupe pour bronzer. De retour sur le terrain, j’ai eu le plaisir de me rappeler pourquoi les racistes me vouent une telle haine. J’aurais dû comprendre plus tôt que le 3 juillet 1974, le jour où un Guadeloupéen (d’origine) est enfin entré à l’École normale, était évidemment pour eux (les racistes) un jour de deuil. Mais quel plaisir de croiser les gens pour la dignité desquels je me bats. Il me semble, d’après les réflexions des plus jeunes qui me saluent, que ce combat a du sens et que ce sens est bien compris. En fait, mon travail ne consiste qu'à servir de contrepoids à ceux qui tirent l’outre-mer vers le bas pour mieux l’exploiter ou pour mieux permettre à leurs maîtres de l’exploiter. Nous les connaissons bien. Ici, en Guadeloupe, le malaise est partout perceptible. Le racisme ? Un tabou dont il n’est sans doute pas prudent de parler sur cette île. Sur les affiches des publicités, ceux qui représentent l’ « identité guadeloupéenne » sont toujours très clairs de peau. Les Békés, les « Syriens » (pour les non initiés : commerçants d’origine syro-libanaise), les élus, les « expats », ceux qui voyagent dans les classes supérieures d’Air France aux frais de la République, vont très bien. RAS. Les autres, les « noirs », la plèbe, le lumpen, n’ont pas l’air d’exister. Un euro le yaourt ? Les plus pauvres - c'est à dire à peu près tout le monde - se nourrissent de patates, de racines au chlordécone. Ils deviennent obèses à force d'avaler ce qu’ils peuvent et s’efforcent de croire qu’ils sont des Français à part entière. Ils sont calmes. Pour l’instant. Vingt cinq à trente pour cent de chômeurs. Six exportations pour cent importations de métropole. Tout va bien. Merci Paris. Pour résumer : malgré les luttes menées l’an passé, les gendarmes, les préfets et les magistrats sont toujours métropolitains, les hôpitaux psychiatriques certainement bien remplis et la vie toujours aussi chère. Une fois et demie à deux fois plus chère qu’en métropole, d’après mes vérifications ! Comment les gens d’ici peuvent-ils arriver à se nourrir ? Mystère et bouche cousue. Il n’y a que le rhum qui soit meilleur marché, ce qui est une incitation, pour ceux qui se posent trop de questions, à trouver, sinon des réponses, du moins une échappatoire. Ici, sous l’un des volcans les plus dangereux du monde, en pleine zone de risque sismique maximum, avec la dengue en prime (400 cas par semaine dans l’indifférence complète de la métropole), en attendant que ça pète (car si ça continue, c'est inévitable) la culture, c’est le luxe. Et le luxe, forcément, c’est cher. Un livre vendu à 19,90 euros à Paris – le mien par exemple - arrive en Guadeloupe avec un retard d’une semaine à un mois, augmenté de 3 euros qui représentent, paraît-il, le prix du transport. Une contradiction flagrante au principe du prix du livre unique imposé par la loi Lang. Et tout est comme ça. Il me semble que la moindre des choses serait que, pour les ouvrages ayant une valeur culturelle, et en particulier un intérêt pour le département d’outre mer concerné, l’État prenne au moins en charge le coût de ce transport de sorte que le principe du prix unique du livre et celui de la continuité territoriale soient respectés. N’est-ce pas Monsieur le ministre de la Culture ? Votre dernier voyage en Guadeloupe remonte à quand, au fait ? Le secteur du livre est très menacé en Guadeloupe comme dans tous les DOM. Je ne m’explique toujours pas que les radios nationales France Culture et France Musique ne soient pas diffusées en Guadeloupe, ce qui ne peut être un hasard. Sans doute, l’État et Radio France considèrent-ils que les Français d’outre mer son trop arriérés pour mériter de capter des radios dites « culturelles ». À moins que l’on craigne que les Guadeloupéens s'aperçoivent qu'on les méprise à Paris dans les sphères du pouvoir économique, politique et culturel; qu’un Finkielkraut dispose d’une tribune sur France Culture tandis que les Antillo-Guyanais (je ne parle pas des imbéciles dont le métier est de se prosterner devant le maître) y sont généralement traités comme des étrangers dérangeants et problématiques. En ce qui me concerne, non seulement, je n’y dispose pas de tribune, mais en dix ans, je crois n’avoir été invité qu’une seule fois sur France Culture. On y a cependant plus d’une fois cité mon nom pour m’insulter, en particulier au moment de la sortie du Crime de Napoléon. Ici pas de journaux, sauf France Antilles et les innombrables publications hippiques. Et Internet – pour celui qui ne fait que passer - c’est quand on peut. Le haut débit est plutôt moyen. La télévision reste allumée toute la journée. On y voit des séries lamentables achetées à bas prix où des héros et des héroïnes à la peau claire totalement décérébrés évoquent leur misère affective. Pour les mères, un seul espoir : avoir un enfant sportif. Le football. Normal, avec la sélection naturelle de l’esclavage, seuls les plus costauds ont survécu. Les plus révoltés, eux, sont passés à la casserole. Malgré tout, Guadeloupéens, on compte sur vous pour que ça change. En douceur, je l’espère.



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Thursday, April 22, 2010

Noam Chomsky Has ‘Never Seen Anything Like This’



Posted on Apr 19, 2010



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Tuesday, April 20, 2010

Dorothy Height, Dorothy Height activist, dies at 98



WASHINGTON – Dorothy Height, the leading female voice of the 1960s civil rights movement and a participant in historic marches with Dr. Martin Luther King Jr. and others, died Tuesday. She was 98.
Height, whose activism on behalf of women and minorities dated to the New Deal, led the National Council of Negro Women for 40 years. She continued actively speaking out into her 90s, often getting rousing ovations at events around Washington, where she was immediately recognized by the bright, colorful hats she almost always wore.
She died at Howard University Hospital, where she had been in serious condition for weeks.
In a statement, President Barack Obama called her "the godmother of the civil rights movement" and a hero to Americans.
"Dr. Height devoted her life to those struggling for equality ... and served as the only woman at the highest level of the Civil Rights Movement — witnessing every march and milestone along the way," Obama said.
It was the second death of a major civil rights figure in less than a week. Benjamin L. Hooks, the former longtime head of the National Association for the Advancement of Colored People, died Thursday in Memphis at 85.
As a teenager, Height marched in New York's Times Square shouting, "Stop the lynching." In the 1950s and 1960s, she was the leading woman helping King and other activists orchestrate the civil rights movement, often reminding the men heading the movement not to underestimate their women counterparts.
One of Height's sayings was, "If the time is not ripe, we have to ripen the time." She liked to quote 19th century abolitionist Frederick Douglass, who said that the three effective ways to fight for justice are to "agitate, agitate, agitate."
Height was on the platform at the Lincoln Memorial, sitting only a few feet from King, when he gave his famous "I have a dream" speech at the March on Washingtonin 1963.

"He spoke longer than he was supposed to speak," Height recalled in a 1997 Associated Press interview. But after he was done, it was clear King's speech would echo for generations, she said, "because it gripped everybody."
She lamented that the feeling of unity created by the 1963 march had faded, and that the civil rights movement of the 1990s was on the defensive and many black families were still not economically secure.
"We have come a long way, but too many people are not better off," she said. "This is my life's work. It is NOT a job."
When Obama won the presidential election in November 2008, Height told Washington TV station WTTG that she was overwhelmed with emotion.
"People ask me, did I ever dream it would happen, and I said, `If you didn't have the dream, you couldn't have worked on it," she said.
Height became president of the National Council of Negro Women in 1957 and held the post until 1997, when she was 85. She remained chairman of the group.
She received the Presidential Medal of Freedom in 1994 from President Bill Clinton.
To celebrate Height's 90th birthday in March 2002, friends and supporters raised $5 million to enable her organization to pay off the mortgage on its Washington headquarters. The donors included Oprah Winfrey and Don King.
Height was born in Richmond, Va., and the family moved to the Pittsburgh area when she was four. She earned bachelor's and master's degrees from New York University and did postgraduate work at Columbia University and the New York School of Social Work. (She had been turned away by Barnard College because it already had its quota of two black women.)
In 1937, while she was working at the Harlem YWCA, Height met famed educator Mary McLeod Bethune, the founder of the National Council of Negro Women, andfirst lady Eleanor Roosevelt, who had come to speak at a meeting of Bethune's organization. Height eventually rose to leadership roles in both the council and the YWCA.
The late activist C. DeLores Tucker once called Height an icon to all African-American women.
"I call Rosa Parks the mother of the civil rights movement," Tucker said in 1997. "Dorothy Height is the queen."


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Monday, April 19, 2010

19 avril 1943 Le ghetto de Varsovie se soulève



Le 19 avril 1943, les derniers Juifs du ghetto de Varsovie se soulèvent contre leurs oppresseurs. Sans espoir de survie, encore moins de victoire, ils vont tenir tête héroïquement aux soldats et SS allemands pendant un mois.
C'est le premier soulèvement d'une ville dans l'Europe nazie et une manifestation éclatante de la capacité de résistance des juifs.
Des héros ordinaires
Le chef du soulèvement, Mordechai Anilewicz, est un jeune Juif ordinaire, fils d'une poissonnière, à l'opposé des héros de cinéma. Comme les autres insurgés, il n'a aucune formation ni aucune prédisposition pour l'action militaire. Rien, dans son enfance, ne laisse entrevoir de prédispositions à l'héroïsme. Rien sinon la conscience du bien et du mal, du devoir et de la lâcheté.
Le 23 avril 1943, il écrit dans une dernière lettre :
«Les Allemands ont fui par deux fois du ghetto. L'une de nos compagnies a résisté 40 minutes et une autre s'est battue pendant plus de six heures... Nos pertes en vies humaines sont faibles et ceci est également une réussite...
Grâce à notre radio, nous avons entendu une merveilleuse émission relatant notre lutte. Le fait que l'on parle de nous hors du ghetto nous donne du courage.
Soyez en paix, mes amis de l'extérieur ! Peut-être serons-nous témoins d'un miracle et nous reverrons-nous un jour. J'en doute ! J'en doute fort !
 
Le rêve de ma vie s'est réalisé. L'auto-défense du ghetto est une réalité. La résistance juive armée et la vengeance se matérialisent. Je suis témoin du merveilleux combat des héros juifs...» (source : Yad Vashem, Jérusalem)
Le retour des ghettos
Quand, en 1939, les Allemands occupent l'ouest de la Pologne, ils rencontrent sur place des communautés juives très importantes, qui représentent en moyenne dix pour cent de la population mais sont concentrées dans les villes où elles ont développé une culture originale. Varsovie, par exemple, compte 380.000 juifs sur 1.300.000 habitants.
La majorité des trois millions de juifs polonais d'avant-guerre parlent et écrivent leyiddish, une langue qui mêle l'allemand et l'hébreu. Ils font du commerce, publient des livres et composent des chansons dans cette langue. Ils éduquent aussi leurs enfants en yiddish, le polonais, le russe et l'allemand étant réservés à l'enseignement supérieur.
En Pologne comme en Tchécoslovaquie et dans tous les autres pays d'Europe centrale et orientale que viendront à occuper les nazis, les Juifs sont progressivement regroupés dans des quartiers clos sous surveillance policière, des«ghettos» d'un nouveau genre où ils sont amenés à survivre dans l'ignorance de leur avenir.
À l'origine des ghettos
Les ghettos du Moyen Âge sont nés du souci des juifs de se regrouper pour mieux résister aux exactions et aux pogroms.
A Fès (ou Fez), au Maroc, en 1438, est établi le premier «mellah» ou quartier réservé aux juifs. En invitant les juifs de sa capitale à s'établir dans ce quartier, le souverain veut les soustraire aux violences que leur font subir les musulmans.
Pour les mêmes raisons, en 1516, est établi à Venise le premier quartier réservé du monde chrétien. Il se situe sur un terrain proche d'une fonderie, où étaient jetés les déchets de celle-ci. D'où le nom de ghetto donné à ce quartier (du vieil italien «ghettare», jeter). Le mot connaîtra hélas une triste fortune.
Les nazis avancent le même prétexte que leurs lointains prédécesseurs pour créer de nouveaux ghettos, quitte à susciter eux-mêmes des pogroms. Dans les faits, leurs ghettos sont un premier pas vers l'élimination des Juifs.
En 1939-1940, encore incertains sur le sort à réserver aux Juifs, les nazis veulent en premier lieu les mettre à l'écart du reste de la population et les briser en tant qu'êtres humains et communauté sociale. Ils veulent aussi, tant qu'à faire, exploiter leur force de travail et les dépouiller de leurs biens.
Les ghettos vont remplir ces fonctions avant que le relais ne soit pris par les camps d'extermination, à partir de la fin 1941. On recense à la fin de la Seconde Guerre mondiale un millier de ghettos, de la Pologne à la Grèce : les plus petits comptent quelques centaines de personnes, les plus grands des dizaines ou des centaines de milliers, comme à Varsovie, le plus grand, ou à Lodz.
Cette «ghettoïsation» ne semble pas avoir été planifiée à Berlin. Elle est le produit d'initiatives locales.
Le ghetto de Varsovie
En novembre 1940, quelques mois à peine après l'invasion allemande, les Juifs de la capitale polonaise et des environs, au nombre d'environ un demi-million, sont regroupés dans un quartier transformé en ghetto et isolé du reste de la ville par des barrières, des murs et des façades aveugles.
Le quartier étant coupé en deux par une artère, les Juifs passent d'un côté à l'autre par une passerelle. Le ghetto occupe 300 hectares, soit une densité d'environ 150.000 habitant/km2 (c'est quatre à cinq fois plus que le maximum observé dans une ville normale).
Les habitants se voient accorder par l'occupant une ration quotidienne de 184 calories. C'est dix fois moins que le minimum indispensable au maintien en bonne santé et qui plus est, cette nourriture se présente sous une forme rebutante (pain noir, légumes défraîchis, viandes avariées....). Autrement dit, pour simplement survivre, les Juifs du ghetto, toutes classes sociales confondues, vont devoir chercher d'autres sources d'approvisionnement et celles-là ne leur seront accessibles que par des petits boulots, des trafics illicites ou le marché noir.
Les anciennes élites intellectuelles se déclassent faute d'être utiles à la survie du groupe tandis qu'accèdent au sommet de la hiérarchie sociale les truands et mafieux en tous genres. Ceux-là sont en effet les mieux outillés pour gérer les trafics avec les Allemands et les Polonais de l'extérieur. Pour faire circuler les objets de valeur et l'argent caché dans les bas de laine, ils organisent des monts-de-piété ou... des cercles de jeux. Troublant paradoxe : ces brutes, en général, soutiennent les mouvements de résistance et apportent leur écot aux associations d'entraide.
Les gens qui le peuvent s'emploient dans les ateliers du ghetto. Leurs principaux donneurs d'ordres sont les fournisseurs de l'armée allemande. Pour les soldats de la Wehrmacht, ils produisent en particulier des pièces d'habillement.
Au final, on estime que les habitants du ghetto de Varsovie arrivent à une moyenne de 600 calories par jour, ce qui reste globalement très insuffisant et entretient la disette. Cette situation humiliante et déstabilisante va se prolonger pendant près de dix-huit mois, jusqu'aux premières déportations. Dix-huit mois pendant lesquels chacun essaie simplement de survivre.
La surpopulation, le manque d'hygiène, le manque de nourriture et de médicaments, les épidémies et les famines, le froid et la chaleur, les humiliation et brutalités de tous ordres ont raison d'un grand nombre d'habitants du ghetto, faibles, attachés à des principes d'un autre âge ou malchanceux. Beaucoup meurent soit de faim, soit de maladie. À moins que leur chemin ne croise celui d'un SS en vadrouille dans le ghetto qui, sur un caprice, va les battre ou les abattre.
Dans les hôpitaux, les médecins confrontés à un manque cruel de médicaments sont confrontés à de douloureux cas de conscience : vaut-il mieux réserver les médicaments disponibles aux malades qui ont les plus grandes chances de survie et sacrifier les autres, ou plutôt les répartir de façon équitable jusqu'à épuisement des stocks, avec la quasi-certitude de perdre tous les malades à brève échéance ?...
Malgré ces tragédies - ou à cause d'elles -, les habitants du ghetto entretiennent une vie culturelle intense. C'est, pour beaucoup, une façon de s'accrocher à la vie... La présence de 40 à 50 musiciens de niveau international conduit à la formation d'un orchestre symphonique. Il donne en deux ans 50 concerts payants en faisant salle comble, cela malgré le danger qu'il y a à sortir de chez soi ! Notons aussi que le ghetto inclut, outre les synagogues, quatre églises en activité pour quelques milliers de Juifs convertis au christianisme, lesquels n'en sont pas moins persécutés par les nazis !
La «Grande Déportation»
Comme tous les ghettos, celui de Varsovie est administré par un conseil juif («Judenraat»). Un ingénieur, Adam Czerniakow, a été désigné par la mairie de Varsovie pour le présider. Le 22 juillet 1942, les Allemands lui demandent une liste d'enfants en vue de les transférer vers l'Est, dans des camps de travail (c'est le motif officiel).
Il est possible qu'Adam Czerniakow ait eu des informations sur la vraie nature de ces convois par le biais de Juifs évadés du camp d'extermination de Chelmno. Plus vraisemblablement a-t-il considéré qu'envoyer des enfants dans des camps de travail revenait de toute façon à les condamner à mort. En homme d'honneur, il ne supporte pas de participer à cette infamie et choisit de se suicider. Il laisse une lettre émouvante à ses coreligionnaires pour s'excuser de son geste mais ne fournit aucune information sur ce qu'il aurait pu savoir du sort des futurs déportés.
C'est donc sans Czerniakow que les Allemands entament la «Grande déportation»... Jour après jour, 5.000 à 6.000 personnes sont emmenées à la Umschlagplatz et, de là, transférées en train vers Treblinka. À chaque habitant du ghetto qui s'inscrit pour le pseudo-camp de travail, les Allemands donnent trois kilos de pain et un pot de confiture ! Cela suffit à lever bien des hésitations ! On se dit : «Pourquoi nous donneraient-ils du pain s'ils voulaient nous massacrer ?».
Le 12 septembre 1942, quand cette première déportation s'achève, il ne reste que 60.000 survivants dans un ghetto dont la surface a été drastiquement réduite par les Allemands.
Compromissions à Lodz
Lodz, troisième ville de Pologne, n'a pas été, comme Varsovie et Cracovie, enclavée dans le «Gouvernement général», entité territoriale destinée par les nazis au regroupement des Polonais, mais annexée au Grand Reich.
Sa communauté juive est donc, à titre transitoire, enfermée dans un ghetto hermétique. Dans les faits, celui-ci va perdurer jusqu'en août 1944, soit plus longtemps qu'aucun autre, du fait de l'installation en son sein d'importantes industries textiles. Ce complexe industriel résulte de la coopération entre le président du conseil juif du ghetto et le commandant allemand de la place. Ledit président, un sioniste octogénaire du nom de Rumkovski, voit dans sa fonction la consécration de sa vie. Insensé, il rêve de constituer à Lodz, avec la bienveillance des Allemands, un mini-État juif dont il serait le chef. Ainsi pousse-t-il la folie jusqu'à faire imprimer des timbres à son effigie.
Plus gravement, il coopère avec les Allemands lorsque ceux-ci entament les déportations et réclament les enfants ! Dans une proclamation au ton déchirant, il explique à ses coreligionnaires que les livrer est sans doute la moins mauvaise façon de préserver l'avenir. Mais ses compromissions ne serviront à rien : tous les survivants du ghetto de Lodz, lui compris, seront déportés dans les camps d'extermination.
La révolte
Le 18 janvier 1943, au plus fort de la Seconde Guerre mondiale, tandis que laWehrmacht est prise au piège à Stalingrad, les Allemands entament une deuxième«Aktion» (déportation). Mais cette fois, les ultimes survivants du ghetto de Varsovie n'ont plus guère de doute sur le sort qui les attend...
Parmi eux figurent une centaine de responsables de mouvements de jeunesse. Ces jeunes gens ont travaillé dans des fermes jusqu'en novembre 1942 avant d'être reconduits au ghetto par les Allemands. Ils n'ont pas connu les famines et les tourments des deux premières années du ghetto et ont conservé leur énergie intacte. Ils organisent immédiatement la résistance. Ils s'enfuient, se cachent et ripostent aux tentatives allemandes tant bien que mal, avec les pauvres armes dont ils disposent.
Ces résistants déploient une énergie phénoménale pour aménager des caches souterraines et des bunkers de fortune sous les habitations. Ils espèrent de la sorte se donner les moyens de résister plusieurs mois aux Allemands.
Le 19 avril 1943, quand 850 soldats allemands pénètrent en force dans le ghetto pour liquider celui-ci, les résistants les attendent de pied ferme, barricadés dans leurs bunkers et leurs caves. Au nombre de 3.000 environ, ils sont regroupés principalement dans l'Organisation des Combattants Juifs, commandée par Mordechai Anilewicz, et l'Union Juive Armée de Pawel Frenkiel. 600 seulement disposent d'armes à feu.
Les hommes d'Anilewicz se cachent dans tout le ghetto cependant que ceux de Frenkiel tentent d'arrêter les Allemands à l'entrée du quartier.
Le général SS Jürgen Stroop, qui dirige l'opération, est pris de court par la rébellion. Il fait venir 2000 hommes et des chars en renfort. Dès lors, les Allemands vont incendier systématiquement les immeubles et propulser du gaz dans les souterrains pour en déloger les résistants, immeuble par immeuble, cave par cave. Ces derniers, malgré le déluge de moyens déployé par l'ennemi, vont tenir pendant un mois.
6.000 Juifs trouvent la mort dans les combats ou se suicident (c'est le cas de Mordechai Alinewicz, le 8 mai 1943), 7000 sont fusillés sur place. Les autres sont déportés. Une poignée de miraculés vont échapper à la mort en s'enfuyant par les égoûts. Parmi eux, Marek Edelman. Il va rejoindre la résistance non-communiste et mettra un point d'honneur à demeurer en Pologne après la chute du nazisme, poursuivant la lutte contre toutes les oppressions. Il mourra couvert d'honneurs le 2 octobre 2009, à 90 ans.
Le ghetto est rasé sitôt l'insurrection écrasée. Cette absolue tragédie va devenir pour les Juifs et les adversaires du nazisme le symbole de l'esprit de résistance et du renouveau.
André Larané.
Contrition
Le 7 décembre 1970, le chancelier allemand Willy Brandt se rend en Pologne et signe le traité de Varsovie par lequel la République Fédérale Allemande reconnaît la frontière germano-polonaise de l’Oder-Neisse, imposée par les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale.
Après la signature, le chancelier se rend au Mémorial du résistant juif du ghetto, pour un dépôt de gerbe. Il se recueille et s’incline, puis, à la surprise générale, contre toutes les règles protocolaires, ploie les jambes et se met à genoux. Pendant de longues secondes, il demeure dans cette attitude d’humilité inhabituelle aux hommes d’État, faisant acte de contrition au nom du peuple allemand.




Monday, April 12, 2010

13 avril 1943 Katyn, pomme de discorde entre Russes et Polonais

Le 13 avril 1943, la radio allemande annonce la découverte d'un charnier dans la forêt de Katyn, près de Smolensk, entre Pologne et Biélorussie. Il s'agirait des restes de 4.143 officiers polonais exécutés par les Soviétiques lorsque ceux-ci s'étaient emparés en 1939-1940 de la partie orientale du pays, conformément au pacte germano-soviétique.
Pendant plusieurs décennies, les communistes persisteront à rejeter le crime sur les nazis.
En 2007, le grand cinéaste polonais Andrzej Wajda (82 ans) a tiré un film témoignage remarquable de ce drame dont son propre père a été l'une des victimes.
Benjamin Fayet et André Larané.
Une révélation gênante
Dès l'été 1941, après leur entrée en guerre contre l'URSS, les Allemands avaient découvert dans la forêt de Katyn les dépouilles de quelques centaines de jeunes officiers polonais en uniforme, assassinés d'une balle dans la nuque et jetés dans des fosses communes. Les découvertes se multiplient dans les premiers jours d'avril 1943.
Le régime hitlérien, qui vient de subir à Stalingrad une cuisante défaite, décide de porter cette découverte sur la place publique avec l'espoir de dissocier les Soviétiques de leurs alliés anglo-saxons.
L'URSS nie immédiatement l'imputation du crime mais le gouvernement polonais en exil à Londres, dirigé par le général Wladislaw Sikorski, demande dès le lendemain une enquête de la Croix-Rouge internationale. Staline, fâché, rompt les relations diplomatiques avec lui le 23 avril.
Churchill, qui a besoin de Staline pour combattre Hitler, s'émeut de cette écharde au sein de l'alliance... Fort heureusement pour celle-ci, l'intransigeant Sikorski périt dans un accident d'avion à Gibraltar le 4 juillet 1943.
Pour plus de sûreté et afin d'affaiblir le gouvernement polonais en exil à Londres, Staline va créer le 31 décembre 1943 un Comité de Libération Nationale composé de communistes polonais (il sera plus tard appelé «Comité de Lublin»). Ce comité accepte sans sourciller la version soviétique sur les massacres de Katyn.
Un crime réfléchi
En attendant, dès mai 1943, une commission de la Croix-Rouge mène une enquête sur place avec, on s'en doute, l'aide diligente des Allemands. Elle aboutit à la conclusion irréfutable que les massacres ont été commis en avril et mai 1940, au moment où les Soviétiques occupaient la région. Mais par souci de ne pas alimenter la propagande nazie, la Croix-Rouge garde le secret sur le rapport.
Il apparaîtra plus tard que, dès mars 1940, les hommes du NKVD (la police politique soviétique) avaient reçu du Politburo (le gouvernement soviétique) et de son chef Staline l'ordre d'exécuter comme «contre-révolutionnaires» ceux de leurs prisonniers polonais qui appartenaient à l'élite intellectuelle du pays. C'était une mesure motivée d'abord par la volonté de revanche sur la défaite subie par l'Armée Rouge en 1920, ensuite et surtout par la volonté de préparer la mainmise soviétique sur la Pologne en éliminant d'emblée les fortes têtes susceptibles de s'y opposer !
C'est ainsi que sont exécutés à Katyn plusieurs milliers d'officiers extraits du camp de Kozielsk. Des massacres similaires ont lieu dans d'autres forêts du pays... On évalue au total à 22.000 le nombre d'officiers et de jeunes gens issus des élites intellectuelles et politiques du pays sommairement exécutés dans l'ensemble de la zone occupée par les Soviétiques.
Katyn et la guerre froide
Après la guerre, lors du procès de Nuremberg, les procureurs soviétiques tentent de faire inscrire le massacre de Katyn parmi les crimes de guerre imputables aux accusés nazis. Le tribunal se refuse heureusement à cette mascarade qui eut jeté le doute sur l'ensemble du dossier d'accusation.
Pendant plusieurs décennies, les Soviétiques et le gouvernement communiste de Varsovie vont tenter contre vents et marées d'effacer le souvenir de Katyn, allant jusqu'à ériger en symbole de la barbarie nazie un village homonyme, Khatyn, rasé par les Allemands.
Quand le crime paie...
Notons pour conclure que Staline a, d'une certaine manière, hélas, atteint son but : par le massacre délibéré des Polonais instruits, de concert avec Hitler, il a transformé le visage de la Pologne.
Celle-ci était avant la Seconde Guerre mondiale une société relativement moderne, tirée par des élites urbaines attachées à la laïcité, qu'elles fussent juives ou catholiques. Leur massacre délibéré et leur remplacement par des nouveaux venus issus du monde rural ont fait de la Pologne, en l'espace de deux générations, une société anachronique au cœur de l'Europe, attachée à la petite propriété paysanne et à une pratique religieuse traditionnelle, sinon passéiste.
Il a fallu attendre l'avènement de Karol Wojtyla (Jean-Paul II), la chute de l'URSS et l'adhésion de Varsovie à l'Union européenne pour que change cet état de fait.
Une archive vidéo de l'INA
En URSS, à Smolensk, découverte de corps de 10.000 officiers prisonniers de l'armée polonaise assassinés par les Soviets...


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Friday, April 09, 2010

Réflexions sur Obama et l'importance de faire entendre son opinion



Noam Chomsky   
Le ministre de la Défense Robert Gates a rencontré des dirigeants des Emirats Arabes Unis et de l’Arabie Saoudite la semaine dernière pour obtenir leur soutien à une nouvelle série de sanctions contre l’Iran et son programme d’enrichissement d’uranium. Tandis que l’administration Obama intensifie ses efforts pour obtenir l’appui de la Russie et de la Chine pour durcir les sanctions, la France et la Finlande on laissé entendre que l’Union Européenne pourrait prendre des mesures unilatérales contre l’Iran si aucune résolution n’était adoptée à l’ONU.
Tandis que les Etats-Unis, l’Union Européenne et Israel renforcent leurs pressions sur l’Iran, nous avons passé une heure en compagnie du linguiste et dissident mondialement connu, Noam Chomsky, dont la dernière conférence commence par une analyse critique de la politique des Etats-Unis à l’égard de l’Iran. (…)
Nous commençons par un extrait de sa conférence prononcée au Harvard Memorial Church à Cambridge, Massachussets.



Noam Chomsky : Il y a quelques jours, mon quotidien préféré, le London Financial Times, a identifié l’Iran comme le principal problème actuel en matière de politique étrangère pour Obama. L’article a été publié à l’occasion de l’échec d’Hillary Clinton à convaincre le Brésil de se joindre aux appels des Etats-Unis pour un durcissement des sanctions et de l’insistance du Président Lula à promouvoir les relations avec l’Iran, des relations commerciales, etc, en déclarant que l’Iran avait le droit d’enrichir de l’uranium pour produire de l’énergie nucléaire, comme tous les signataires du Traité de Non Prolifération.
Bien entendu, l’article a aussi présenté la position de Lula comme une sorte d’anomalie. Pourquoi ne se joint-il pas à la communauté internationale, au reste monde ? C’est une coutume intéressante, très caractéristique de l’emprise de la culture impérialiste, car que désigne le terme de « communauté internationale » ? Si on regarde les choses de près, on se rend compte que la « communauté internationale » désigne en fait les Etats-Unis et tous ceux qui sont d’accord avec eux. Tous les autres ne font pas partie du reste du monde. Ils sont ailleurs.
Il se trouve que dans le cas présent, la position de Lula correspond à celle de la majorité de la planète. Vous pouvez être d’accord avec ou pas, mais c’est la position, par exemple, des anciens pays du mouvement des non-alignés, de la majorité de pays du monde et de la grande majorité de leurs populations. Ils ont vigoureusement répété et défendu le droit de l’Iran à enrichir de l’uranium pour des objectifs pacifiques, en rappelant que ce pays est signataire du Traité de Non Prolifération, ce qui lui accorde ce droit. Mais ils ne font pas partie du reste monde.

Un autre groupe qui ne fait pas partie du reste monde est la population des Etats-Unis. Les derniers sondages que j’ai vus, publiés il y a deux ans, montraient qu’une grande majorité d’Américains pensaient que l’Iran avait le droit de développer une énergie nucléaire, mais pas une arme nucléaire, évidemment. En fait, selon ce sondage, sur tout un ensemble de sujets, les opinions exprimées par les Américains étaient pratiquement identiques à celles des Iraniens. Lorsque le sondage a été présenté à Washington lors d’une conférence de presse, le présentateur a fait remarquer que si les peuples avaient la possibilité de décider de la politique, les tensions et les conflits seraient probablement résolus.

C’était il y a deux ans. Depuis, il y a eu une énorme masse de propagande autour de la menace iranienne, etc. Je suppose que si le sondage était effectué aujourd’hui, les chiffres seraient différents. Mais c’était en 2007, il y a trois ans. A un moment donné donc, les Américains ne faisaient pas partie du reste du monde. La majorité de la population mondiale n’en faisaient pas partie et Lula, en exprimant une opinion largement partagée, n’en faisait pas partie non plus. On pourrait rajouter aussi qu’il est probablement la personnalité politique la plus populaire de la planète, mais cela non plus n’a pas d’importance.

Alors, que dire du conflit avec l’Iran et de la menace iranienne ? Une personne sain d’esprit ne voudrait pas voir l’Iran fabriquer des armes nucléaires. Personne, en fait. Sur cette question, l’accord est donc général. Et il y a effectivement un réel problème de prolifération d’armes nucléaires. C’est une affaire sérieuse. Et le discours d’Obama mentionne et insiste sur la nécessité de stopper la prolifération d’armes nucléaires et de réduire, et éventuellement éradiquer, de telles armes. Voilà pour le discours. Maintenant, voyons les faits.
Tout est devenu clair il y a quelques mois. Une fois de plus, le Conseil de Sécurité (des Nations Unies) a adopté une résolution, le numéro 1887 - je crois que c’était au mois d’Octobre – qui critiquait l’Iran pour n’avoir pas respecté les exigences du Conseil de Sécurité et qui appelait tous les états à signer le Traité de Non Prolifération et à résoudre leurs conflits sans proférer des menaces de recourir à la force. Cette dernière partie de la résolution n’a pas vraiment fait la une des journaux pour une raison bien simple : elle s’adressait à deux pays, les deux pays qui menacent régulièrement de recourir à la force, à savoir les Etats-Unis et Israël. La menace de recourir à la force est une violation de la Charte des Nations Unies, pour ceux qui lui accordent encore la moindre importance. On n’en parle jamais. Mais pratiquement tout le monde – et je parle là de toutes les tendances politiques – emploie la phrase rituelle de « toutes les options sont envisageables ». Ce qui constitue une menace.
Et la menace n’est pas une menace en l’air. Par exemple, Israël envoie ses sous-marins nucléaires, qui sont pratiquement indétectables, dans le Golfe, à distance de tir de leurs missiles nucléaires - Israël a beaucoup d’armes nucléaires – sur l’Iran. Les Etats-Unis et leurs alliés effectuent des exercices militaires dans la région, des exercices clairement dirigés contre l’Iran. Mais il y a un petit grain sable, parce que la Turquie refuse d’y participer, mais ils essaient de la convaincre. Nous avons donc affaire à des menaces, verbales et politiques. Israel envoie des sous-marins nucléaires et d’autres navires de guerre par le canal de Suez, avec l’accord tacite de l’Egypte, de la dictature egyptienne, un autre état de la région soumis aux Etats-Unis. Ce sont des menaces – répétées, verbales et concrètes.

Ces menaces ont pour effet d’encourager l’Iran à développer un moyen de dissuasion. Qu’ils soient en train de le faire ou pas, je n’en sais rien. Peut-être qu’ils le sont. Mais s’ils le sont, la raison, et je crois que tout analyste sérieux serait d’accord, ce n’est pas parce qu’ils auraient l’intention d’utiliser des armes nucléaires. S’ils s’avisaient à ne serait-ce qu’armer un missile avec une tête nucléaire, c’est une hypothèse, le pays serait vitrifié en cinq minutes. Et personne ne croit que les religieux au pouvoir, quelle que soit l’opinion qu’on peut en avoir, ont des tendances suicidaires et veulent voir tout le pays, la société entière et tout leurs biens avec, partir en fumée. En fait, les hauts responsables des services de renseignement US, qui se sont exrpimés, estiment que la probabilité de voir l’Iran utiliser un jour une arme nucléaire est d’un pour cent, c’est-à-dire si faible qu’on ne peut pas vraiment l’estimer. Mais il est possible qu’ils développent de telles armes comme un moyen de dissuasion.
Un des historiens les plus importants en Israel, Martin van Creveld, il y a quelques années, après l’invasion de l’Irak, a écrit dans la presse internationale qu’il ne voulait bien sûr pas voir l’Iran se doter de l’arme nucléaire, mais que s’ils ne le faisaient pas, a-t-il dit, ils seraient fous. Les Etats-Unis venaient d’envahir l’Irak en sachant que le pays était sans défense. C’est une des raisons pour lesquelles ils se sont sentis en position de le faire. C’est facile à comprendre. Les dirigeants iraniens aussi le comprennent. Alors, pour citer van Crevels, « s’ils ne sont pas en train de développer une arme de dissuasion nucléaire, ils sont fous ».

Qu’ils soient effectivement en train de le faire ou non est un autre débat. Mais il ne fait aucun doute que la position hostile et agressive des Etats-Unis et d’Israel constituent un facteur important pour les hauts dirigeants iraniens, pour décider ou non de développer une arme de dissuasion.
(fin de l’extrait de la conférence)

Amy Goodman : Nous sommes avec le professeur Noam Chomsky que nous avons interviewé au Harvard Memorial Church à Cambridge, Massachusetts. Ma première question porte sur son analyse de la politique étrangère du Président Obama

Noam Chomsky : Lorsqu’Obama a pris ses fonctions, ou lorsqu’il a été élu, un haut fonctionnaire de l’administration Bush – je crois qu’il s’agissait de Condoleezza Rice – a prédit que sa politique étrangère serait dans la continuation de celle du deuxième mandant de Bush. Le deuxième mandat de Bush était différent du premier. Le premier mandat était agressif, arrogant, envers le monde entier, y compris les alliés, et il a produit un effet assez négatif – à cause de sa politique mais aussi à cause de son style – sur le prestige des Etats-Unis, qui est tombé plus bas que jamais auparavant. Ce qui portait atteinte aux intérêts de ceux qui décident de la politique étrangère – les milieux d’affaires et les sociétés privées, les décideurs, etc. Il y a donc eu beaucoup de critiques de leur part au cours du premier mandat. Le deuxième mandant était quelque peu différent. D’abord, les personnages les plus extrémistes ont été débarqués. Rumsfeld, Wolfowitz, quelques autres, ont été envoyés se mettre au vert. Ils n’ont pas pu se débarrasser de Cheney, parce que Cheney était le gouvernement, et ils ne pouvaient pas se débarrasser du gouvernement. Mais beaucoup d’autres sont partis, et la politique est retournée à la norme, une norme plus ou moins centriste. C’est-à-dire qu’on parlait un peu plus de négociations, un peu moins d’agressions, ce genre de choses. Et on a adopté une attitude plus polie envers les alliés. Notre politique n’avait pas vraiment changé, mais elle était devenue plus présentable. C’était ça, la prédiction sur la politique d’Obama. Et c’est bien ce qui est arrivé.
En fait, il y a un exemple pour illustrer ce phénomène. Un peu anachronique, mais je crois qu’il s’applique. En 1962, au moment de la crise des missiles à Cuba, lorsque le monde a dangereusement frôlé le bord du précipice – le moment le plus dangereux de l’Histoire a dit Arthur Schlesinger, conseiller de Kennedy – au summum de la crise des missiles, les décideurs US envisageaient de prendre des mesures qui pouvaient détruire l’Europe, et la Grande-Bretagne en particulier, et ils le savaient. Ils étaient là, le plus sérieusement du monde, en train d’échafauder des scénarios qui se concluaient par la destruction de la Grande-Bretagne. En fait, non seulement ils prenaient ça au sérieux, mais ils prenaient même des mesures qui poussaient dans ce sens. Mais ils se sont bien gardés de le dire à la Grande-Bretagne. La Grande-Bretagne est censée entretenir une relation spéciale avec les Etats-Unis. Les Britanniques à l’époque étaient plutôt mécontents parce qu’ils n’arrivaient pas à savoir ce qui se tramait. Tout ce que le premier Ministre, MacMillan, arrivait à savoir, c’était ce que ses services de renseignement lui transmettaient. On en était donc là, avec l’élite parmi l’élite du pays qui dressait des plans qui pouvaient aboutir à la destruction de la Grande-Bretagne, sans les tenir informés.
C’est à ce stade qu’un haut conseiller de l’administration Kennedy – je crois qu’il s’agissait de Dean Acheson – est entré dans la discussion, et il a précisé la notion de « relation spéciale ». Il a dit que la relation spéciale avec la Grande-Bretagne signifiait que la Grande-Bretagne était notre lieutenant ; le terme de rigueur est « partenaire ». Et les Britanniques, bien sûr, aiment bien entendre ce mot. Eh bien, c’est ça la différence entre Bush et Obama. Bush leur disait simplement « vous êtes notre lieutenant. Si vous ne faites pas ce que l’on vous dit de faire, vous n’êtes plus utiles ». En fait, ce sont les termes que Colin Powell a employés à l’ONU, je crois. « Faites ce que nous vous disons de faire. Vous n’êtes que notre lieutenant, sinon oubliez... » C’est quelque chose de désagréable à entendre. On préfère entendre « vous êtes notre partenaire. » Vous savez, dans le genre « je vous aime ». Ensuite, discrètement, en coulisses, nous les traitons comme des lieutenants, mais ce n’est pas grave. Je pense que c’est là que réside la différence principale.

AG : Qu’en est-il du mouvement anti-guerre aux Etats-Unis ? Vous en avez fait partie, vous avez été très actif, depuis la guerre au Vietnam jusqu’à ce jour. Comment voyez-vous les choses par rapport à une personne pour laquelle beaucoup d’entre eux ont consacré d’énormes efforts à faire élire ?

NC : Mon opinion, qui n’est pas très répandue, est que le mouvement anti-guerre est bien plus puissant aujourd’hui qu’il ne l’a été dans les années 60. Dans les années 60, il y eut un moment, en 1969, où le mouvement contre la guerre du Vietnam était très puissant. Mais il faut se souvenir que la guerre a commencé, qu’elle est devenue une vraie guerre ouverte, en 1962. A cette époque, 70.000 ou 80.000 personnes avaient déjà été tuées sous le régime fantoche du Sud Vietnam. Mais en 1962, Kennedy a lancé une guerre ouverte, en faisant bombarder le Sud Vietnam – les avions portaient les couleurs du Sud Vietnam, mais tout le monde savait de quoi il retournait et ça se disait ouvertement même – en autorisant le recours au napalm, l’utilisation d’armes chimiques pour détruire les cultures et la végétation. Il a lancé un programme qui a chassé des millions de personnes des campagnes qui se sont retrouvées regroupées dans ce qu’il faut bien appeler des camps de concentration pour, selon les termes employés, les « protéger de la guérilla » qui avait l’appui de la population, chose que le gouvernement savait parfaitement. On peut voir la même chose aujourd’hui en Afghanistan, si vous prenez la peine de lire entre les lignes les histoires sur la conquête de la ville de Marjah. Nous avons poussé la population vers des camps de concentration pour les protéger de ceux, les guérilleros, qu’ils soutiennent. Il s’agit d’une guerre, vous savez, d’une vraie guerre.
Il n’y a eu aucune protestation, littéralement. Il a fallu des années avant de voir les premiers signes de protestation. Ceux d’entre vous qui sont assez vieux se rappelleront peut-être qu’à Boston, une ville progressiste, au mois d’octobre 1965 – ça faisait déjà trois ans que des centaines de milliers de soldats US étaient occupés à ravager un pays, que la guerre s’était étendue à Nord Vietnam, et ainsi de suite – il y a eu la première tentative de manifestation publique contre la guerre. C’était en octobre 1965. Je devais y prendre la parole. Je n’ai pas pu dire un mot. La manifestation fut violemment dispersée. Beaucoup d’étudiants ont marché pour tenter de disperser la manifestation et il y avait aussi des centaines de policiers. Le lendemain, le Boston Globe, le quotidien le plus progressiste du pays, a consacré toute sa première page à dénoncer les manifestants, pas ceux qui les ont attaqués. Ils ont publié en plein milieu de la page la photo d’un soldat blessé, ce genre de choses. C’était au mois d’octobre 1965, il y avait des centaines de milliers de soldats là-bas, la guerre prenait de l’ampleur. Finalement, des années plus tard, en 1968, on a vu surgir un mouvement anti-guerre d’une certaine importance, vers 67, 68. A cette époque, le Sud Vietnam n’existait déjà plus. Le pays avait été virtuellement détruit. Et c’était la même chose pour une bonne partie du reste de l’Indochine. La guerre s’est poursuivie pendant encore de longues années, avec toutes les conséquences terribles, mais nous ne voulions pas voir la réalité en face, nous ne voulions même pas en parler. Cela dit, le mouvement anti-guerre a obtenu quelques résultats, mais bien plus tard.
Comparons à présent avec l’Irak. Il y a eu d’énormes manifestations avant même le déclenchement officiel de la guerre. Nous savons à présent que Blair et Bush mentaient tout simplement lorsqu’ils disaient qu’ils cherchaient une solution diplomatique. Ils avaient déjà déclenché la guerre. C’est ce qui ressort des fameux rapports de Downing Street (Downing Street Memos) en Angleterre. Il y a eu d’énormes manifestations. Et je crois qu’elles ont eu au moins un effet. La guerre américaine en Irak était déjà terrible. Elle a fait probablement un million de victimes, et chassé quelques millions d’autres hors du pays. C’était assez horrible. Mais cela aurait pu être bien pire. Ils auraient pu faire en Irak ce qu’ils avaient fait au Sud Vietnam. Ca n’a pas été le cas. Il n’y a pas eu de tapis de bombes sur tout le pays par des B52, il n’y a pas eu d’armes chimiques et ainsi de suite. Et je crois que c’est grâce au mouvement anti-guerre. La population était devenue plus civilisée. Je crois que c’est une des tristes réalités des années 60.

AG : Et l’Afghanistan ?
NC : L’Afghanistan est un cas intéressant. Cette guerre nous a été vendue comme une riposte « juste » - mais toutes les guerres sont « justes » - pour combattre le terrorisme, comme une riposte à une attaque terroriste. Cette idée est tellement ancrée qu’il me faudrait plus de temps pour en parler. L’important ici est que ce n’était pas là le véritable objectif de cette guerre.
Si l’objectif de cette guerre était d’isoler Al Qaeda, d’éradiquer le terrorisme, il y avait des moyens plus directs pour y arriver. Si vous retournez dans le passé, le mouvement djihadiste était très critique envers les attaques du 11 Septembre. Des fatwas étaient prononcés par les religieux les plus radicaux, de l’université Al Azhar par exemple, le principal centre théologique, qui condamnaient Al-Qaeda, Oussama Ben Laden et les attaques terroristes. Ils disaient que ce n’était pas musulman, qu’ils n’auraient jamais fait une chose pareille, etc. Alors, si on voulait réellement éradiquer le terrorisme, la chose la plus évidente à faire aurait été d’isoler Al-Qaeda, de tenter de gagner du soutien, y compris celui du mouvement djihadiste, et bien sûr celui de la population qu’ils essaient de mobiliser. Vous savez, les terroristes se voient comme une sorte d’avant-garde. Ils essaient de mobiliser les gens à leur cause. Tous les spécialistes du terrorisme le savent. On aurait donc pu le faire à ce moment-là, et on aurait pu procéder à l’identification des coupables ce qui, soi-dit en passant, était impossible parce qu’ils n’en savaient rien, chose qu’ils ont admis après coup. Mais ils auraient pu essayer de les identifier, les présenter à la justice – avec de vrais procès, sans tortures – ce qui aurait fortement réduit, sinon éradiqué, le terrorisme islamique.
Eh bien, ils ont fait tout le contraire. Ce qu’ils ont essayé de faire, c’est de mobiliser la population et le mouvement djihadiste en faveur d’Al-Qaeda. C’est exactement l’effet produit par l’invasion de l’Afghanistan suivie plus tard par celle de l’Irak. C’est aussi l’effet produit par Guantanamo et Bagram et d’autres centres de torture. Tous ceux qui y ont participé savent parfaitement qu’ils ont crée des terroristes.

AG : Pensez-vous qu’Obama devrait faire juger les prisonniers de Guantanamo à New-York ?

NC : Ca dépend si vous voulez faire partie des pays civilisés ou être un état voyou. Si vous voulez être un état voyou, faites ce qui vous plait. Vous pouvez torturer, tuer, tout ce que vous voulez. Si vous voulez faire partie du monde civilisé, et si vous voulez diminuer l’attrait du mouvement djihadiste extrémiste, alors faites les juger par des tribunaux civils.
En fait, le fait même qu’ils se trouvent à Guantanamo constitue un scandale. Cest quoi, Guantanamo ? Guantanamo a été volé à Cuba par la force des armes, il y a un siècle. Ils ont dit « donnez-nous Guantanamo, sinon… ». Cuba était alors sous occupation militaire. Ils appellent ça un traité, et le traité de Guantanamo, si vous voulez l’appeler ainsi, autorisait les Etats-Unis à l’utiliser comme base navale. Mais ce n’est pas à ça qu’elle sert. Elle a d’abord servi pour parquer les réfugiés haïtiens. Lorsque les haïtiens fuyaient les dictatures soutenues par les Etats-Unis, les Etats-Unis leur refusaient l’asile politique. On disait qu’ils n’étaient que des réfugiés économiques. Les gardes-côtes tentaient de les intercepter, et si certains arrivaient à passer, on les envoyait à Guantanamo. Voilà à quoi servait cette base.
En fait, la base sert à fabriquer des terroristes. Ce n’est pas mon opinion, c’est l’opinion de ceux qui y ont mené les interrogatoires, comme Matthew Alexander, qui a écrit un article à ce sujet. Il a dit que c’était un moyen très efficace pour fabriquer des terroristes. Un moyen qui inspire, qui transforme beaucoup de gens en terroristes, notamment ceux qui ont été arrêtés quelque part pour une raison quelconque.
Alors oui, si vous le voulez vraiment, si votre objectif est de réduire la menace du, disons, terrorisme islamiste, et si vous voulez faire partie du monde civilisé, vous devez les juger devant un tribunal civil. Mais la plupart de ceux qui sont à Guantanamo… c’est vraiment scandaleux... on y trouve des gamins de quinze ans qui ont été arrêtés parce qu’ils portaient un fusil au moment où le gouvernement des Etats-Unis envahissait leur pays. C’est ce qu’on appelle un terroriste. Et c’est probablement le cas pour l’écrasante majorité des prisonniers à Guantanamo. Si le but était d’être civilisé et de réduire la menace terroriste, on aurait du les enfermer dans une prison aux Etats-Unis. Ce n’est pas un problème de sécurité. Ils ne vont pas s’évader d’une prison de haute sécurité, et ils n’ont pas de pouvoirs magiques pour aller répandre un poison ou je ne sais quoi. Evidemment, une telle option n’arrangeait pas le gouvernement des Etats-Unis parce qu’il n’avait pas de preuves contre eux.
Ils ont été envoyés à Guantanamo avec l’idée de les soustraire aux droits garantis par les lois américaines. Vous pouvez toujours faire semblant qu’ils n’étaient pas sous la juridiction des Etats-Unis, et que les lois américaines ne s’appliquaient donc dans leur cas. Finalement, la Cour Suprême, après de longues hésitations, a fini par concéder qu’ils avaient bien des droits. L’administration Bush a accepté la décision. Pas Obama. L’administration Obama tente actuellement de faire annuler un jugement rendu par un juge de droite, nommé par Bush, qui a dit que la décision de la Cour Suprême s’appliquait aussi à la prison de Bagram, le centre de torture en Afghanistan. L’administration Obama tente de contrer ce jugement, ce qui signifie que la décision de la Cour Suprême n’est qu’une farce. Si vous voulez torturer quelqu’un, ne l’envoyez pas à Guantanamo parce que la Cour Suprême a déclaré qu’on ne pouvait pas torturer à Guantanamo ; alors vous l’envoyez à Bagram. Alors si vous arrêtez quelqu’un au Yémen, ou n’importe où, et que vous voulez le soustraire au droit international, au droit US par la même occasion, OK, pas de problème, envoyez-le à Bagram. C’est ça la position officielle de l’administration Obama.
C’est pour ces raisons que même les plus virulents spécialistes de l’anti-terrorisme, comme Michael Scheuer, disent que les meilleurs alliés d’Al Qaeda et d’Oussama Ben Laden sont les Etats-Unis, parce que nous faisons exactement ce qu’ils veulent que nous fassions. Ce qu’ils veulent, c’est vendre leur croisade au monde musulman, en disant qu’il y a des types qui cherchent à les tuer et qu’ils faut se défendre. Oui, vraiment, nous faisons tout ce qu’ils demandent.

AG : (…) Que pensez-vous de l’administration Obama et du conflit Israélo-palestinien ?

NC : Le conflit israélo-palestinien est un cas facile. Il y a un consensus international quasi-total depuis 35 ans maintenant sur ce qu’il convient de faire pour résoudre le problème – du moins à court terme - à savoir : deux états avec des frontières reconnues par toutes les parties, avec, selon les termes employés, « des modifications mineures et acceptées par les deux parties ». C’était d’ailleurs la politique officielle des Etats-Unis jusqu’à ce qu’ils décident un jour de s’évader du monde réel, au début des années 70. Et c’est un point de vue très largement partagé. En 1976, il y a même eu une résolution du Conseil de Sécurité appelant à une solution à deux états. Les Etats-Unis ont opposé leur veto. Et ça n’a pas cessé depuis. Je ne vais pas passer toute l’histoire en revue, mais si on en arrive directement au présent, le consensus est désormais quasi-total. Autour de ce consensus, on trouve tous les états arabes, et ce depuis longtemps. On trouve l’Iran, l’Organisation des Etats Islamiques. On trouve le Hamas. En fait, on trouve tout le monde sauf les Etats-Unis et Israël.
Que dit l’administration Obama ? C’est intéressant. Obama a cette grande vision, mais si vous regardez les choses de plus prés, en oubliant la vision et en examinant les faits, les choses changent. D’un côté, il demande poliment aux Israéliens de ne plus étendre leurs colonies, ce qui n’a pas de sens, parce que le problème, c’est l’existence même des colonies, pas leur extension. De plus, ces mots n’ont aucun sens. Il ne fait que répéter les propos de Bush. En fait, il cite ce que l’on appelle la Feuille de Route, le soi-disant accord officiel pour aller de l’avant. Il ne fait que le citer. Ca n’a aucun sens, mais ça fait malgré tout partie de sa grande vision.
D’un autre côté, et qui est plus intéressant, peu de temps après sa prise de fonction, il a donné son premier et jusqu’à présent son unique discours sur le conflit israélo-palestinien. C’était au moment où il présentait George Mitchell comme son négociateur, ce qui est un bon choix, si on lui donne les moyens de réussir. C’est à ce moment-là qu’Obama a expliqué ce qu’il avait l’intention de faire. C’était au moment de la main tendue vers le monde musulman. Il a dit, en parlant de la proposition de paix arabe, eh bien voilà ce que j’appelle une proposition constructive – c’était sa façon à lui de flatter les auteurs de la proposition. Puis il a enchainé, en déclarant, « Il est temps que les Arabes se conforment à leur proposition de paix et commencent à normaliser leurs relations avec Israël. » Obama est un homme instruit, intelligent. Je suppose qu’il choisit ses mots avec soin. Il savait parfaitement que ce n’était pas la proposition de paix arabe. La proposition de paix arabe reprenait les termes du consensus international et disait, dans l’éventualité de deux-états, que les états Arabes iraient même au-delà d’une normalisation des relations avec Israël. Obama en a extrait le corollaire, mais a omis la substance, ce qui est une façon comme une autre de déclarer que les Etats-Unis allaient se cantonner dans leur position de refus. Il n’aurait pas pu être plus clair.
Avec cet appel à cesser l’expansion des colonies, il a été un peu plus loin – pas lui, personnellement, mais ses porte-paroles lors des conférences de presse. On leur a demandé si l’administration allait faire quelque chose si Israël refusait. Ils ont répondu « non, c’est purement symbolique ». En fait, ils ont explicitement dit que l’administration ne ferait pas ce que George Bush père, lui, avait fait. George Bush père avait quelques petites punitions qu’il distribuait lorsqu’Israël s’entêtait à désobéir aux Etats-Unis. Clinton les a adoucies et Obama les a supprimées. Il a dit, « non, c’est juste symbolique. » Ce qui revient à dire à Benjamin Netanyahu « allez-y, faites ce que vous voulez. Nous dirons que nous sommes mécontents mais nous le ferons avec un clin d’œil complice, alors allez-y. En attendant, nous participerons, en vous envoyant des armes. Nous vous accorderons un soutien diplomatique et une participation active. » C’est cela, sa vision. Difficile d’être plus clair.
Que pouvons-nous faire ? Nous pouvons essayer de faire en sorte que les Etats-Unis rejoignent le monde réel. Dans ce cas précis, ce serait rejoindre le reste du monde. Rejoignez le monde réel et acceptez le consensus international et cessez de participer activement à son viol, c’est-à-dire aux actions de l’état d’Israël. J’aurais pu dire aux actions de l’état d’Israël et des Etats-Unis. Ce qu’Israël et les Etats-Unis sont en train de faire à Gaza et en Cisjordanie, c’est de détruire l’espoir d’une réalisation de ce consensus international.
Et je crois qu’il n’y pas beaucoup d’alternatives. En fait, de nombreux militants palestiniens eux-mêmes vont jusqu’à dire qu’il faut abandonner la solution de deux états et laisser Israël s’emparer de tous les territoires, éventuellement les annexer, pour ensuite passer à une lutte pour les droits civiques et une lutte similaire à celle contre l’apartheid. Ceux qui disent ça sont aveugles. Cela n’arrivera jamais. Les Etats-Unis et Israël ne laisseront pas faire. Ils continueront de faire exactement ce qu’ils sont en train de faire : étrangler Gaza, le détacher de la Cisjordanie, en violation des accords internationaux et, en Cisjordanie, s’emparer de tout ce qui les intéresse.

AG : Pouvez-vous nous parler de votre carrière, des moments où vous avez eu à faire des choix, à prendre des risques en quelque sorte. Que diriez-vous aux gens, aux jeunes notamment, sur la notion de courage en politique ?

NC : Je n’aime pas trop parler de moi. Cela n’a pas d’importance. Mais puisque vous me posez la question… J’ai été un militant toute ma vie, depuis mon enfance. Mais j’ai commencé à faire des choses concrètes lors de mon engagement dans le mouvement anti-guerre, vers 1962. En 1962, on voyait bien ce qui se passait. Ce n’était pas vraiment caché. Et j’ai décidé de m’impliquer en organisant le mouvement anti-guerre. Il n’y avait pas vraiment de risques, mais ça voulait dire qu’il fallait sacrifier pas mal de choses. Ce sont des combats dans lesquels on ne peut pas s’engager à moitié. Il faut s’y engager à fond, c’est une occupation à temps plein.

AG : Etiez-vous déjà (un professeur) titularisé à l’époque ? En 1956 vous étiez enseignant au MIT (Massachussetts Institute of Technology)

NC : 1955. Je ne me souviens plus de l’année. Ca peut vous paraitre étrange aujourd’hui, mais le MIT à l’époque avait deux caractéristiques intéressantes. La première était qu’il était entièrement financé par le Pentagone. Je travaillais dans un laboratoire qui était financé à 100% par trois corps d’armée différents. La deuxième était que c’était le centre principal de résistance du mouvement anti-guerre. Je ne parle pas de critique ou de protestation, je parle de résistance, c’est-à-dire l’organisation d’activités de résistance, des activités illégales. Et le Pentagone s’en fichait parce que, contrairement à ce que beaucoup de gens croient, l’une des principales fonctions du Pentagone est de camoufler le mode de fonctionnement de l’économie. Les gens aiment à répéter qu’il s’agit d’une économie de marché libre, mais la plupart des inventions sont produites par le secteur public, les ordinateurs, l’internet, les avions, tout ça. En réalité, c’est le secteur public qui prend en charge les coûts de développement et qui assume les risques, et si quelque chose finit par marcher, on en fait cadeau au secteur privé. C’est ce qu’ils appellent le marché libre. Lorsque l’économie était tirée par les produits électroniques, c’est le Pentagone qui servait de couverture. On nous disait de faire ceci ou cela parce que les Russes allaient débarquer. En réalité, ils s’en fichaient.
J’ai commencé à m’impliquer en 1962. A l’époque, ça voulait dire que lorsque je donnais une conférence dans une église, c’était généralement devant 4 personnes, le prêtre, l’organisateur, un ivrogne qui était entré par hasard et un type qui voulait me tuer.
En 1966, 1965, j’ai tenté d’organiser – avec un ami , décédé depuis - une résistance nationale anti fisc. Nous avons obtenus quelques résultats. Nous avions donc pris quelques petits risques. Mais en 1966 une résistance plus sérieuse a commencé à s’organiser.

AG : Vous faisiez la grève de l’impôt ?
NC : Je n’ai pas payé mes impôts pendant des années. Dans mon cas, le fisc n’aurait eu aucun mal à se faire payer, il leur suffisait de le déduire de mon salaire. Mais les réactions du fisc étaient assez aléatoires pour ce que j’ai pu en juger. Certains pouvaient se voir confisquer leur maison. D’autres sont allés en prison. On peut donc dire qu’il y avait une sorte de risque liée à notre activité. Mais plus grave était le soutien direct à la résistance, soutenir les résistants, les déserteurs, etc. Cela a commencé en 1966 pour devenir public en 1967. Là, il y avait un véritable risque. Mon épouse et moi avions trois enfants. Elle est retournée à ses études, dix-sept ans après, parce que nous estimions que je pouvais finir en prison. Et je n’en suis pas passé bien loin. Le procès avait été programmé pour 1968 et j’étais le principal accusé. J’ai été sauvé, avec tous les autres, grâce à l’offensive du Têt. L’offensive du Têt a été déclenchée en janvier 1968 (offensive militaire décisive vietnamienne - NdT), et les milieux d’affaires US ont décidé que les Etats-Unis devaient se retirer, que la guerre devenait trop couteuse.

AG : De quoi étiez-vous accusé ?

NC : De conspiration pour échapper à la conscription, ou pour renverser le gouvernement ou quelque chose comme ça. Je pourrais vous parler de ces procès pour conspiration, c’est intéressant. Il m’arrivait d’en parler, mais cette fois-ci, c’était du concret, du réel. Si l’offensive du Têt n’avait pas été déclenchée, j’aurais probablement passé quelques années en prison.

AG : Vous êtes passé en procès ?

NC : Les procès ont été annulés au lendemain de l’offensive du Têt. Il y avait un procés qui avait déjà commencé, le procès Spock, où il n’y avait que des innocents sur le banc des accusés. Le jugement a été annulé en appel, mais surtout à cause de l’offensive du Têt. Les milieux d’affaires se sont contentés de dire « faites gaffe ». En fait, en 1968, ils ont envoyé un groupe de soi-disant « sages » - quelques hauts dirigeants de Wall Street – à Washington où ils ont remis au président ce qu’il faut bien appeler une liste de consignes. C’était un véritable jeu de pouvoirs. Ils ont dit au président Johnson « arrêtez les bombardements. N’essayez pas de vous faire réélire. Entamez les négociations et le retrait des troupes. » Et il a suivi les consignes au pied de la lettre. Puis Nixon est arrivé et a changé de méthode. La partie visible de l’escalade militaire a décliné. Je dis visible parce que les pires atrocités de la guerre ont été commises après, en 1969, puis la guerre s’est étendue au Cambodge et au Laos, où elle a empiré. Mais tous ces développements étaient plus ou moins cachés. Et ils le sont encore de nos jours. Mais la tension dans le pays est retombée et une de leurs décisions a été l’annulation des procès, parce que le gouvernement voulait faire la paix avec les étudiants. Ca aussi c’est une histoire intéressante. Toujours est-il que les procès ont été annulés.
Il y avait donc bien quelques risques. La désobéissance civile n’est pas une partie de plaisir. On peut se faire tabasser ou quelque chose dans ce genre, passer quelques jours en prison, ce qui n’est jamais agréable, mais ce n’est tout de même pas non plus le genre de risques que peuvent prendre des dissidents dans d’autres pays.
C’est une décision à prendre et qui vous appartient, parce qu’on ne peut pas y entrer qu’à moitié. Soit c’est sérieux et vous y allez carrément, soit vous participez à une manifestation, vous oubliez et vous retournez à votre travail et rien ne change. Les choses ne changent que par un travail dévoué et consciencieux.
Il parait qu’on n’a pas le droit de dire des choses gentilles sur le Parti Communiste, n’est-ce pas ? C’est comme une sorte de règle établie. Pourtant, une des raisons pour lesquelles le « New Deal » a fonctionné, qu’il a eu un impact, c’est parce qu’il y avait des gens qui étaient là, présents tous les jours, sur tous les fronts. Sur celui des droits civiques, du droit du travail, en train d’organiser, de faire ce qu’il y avait à faire, ils étaient là, prêts à faire tourner les machines à ronéotyper – il n’y avait pas d’internet à l’époque - et à organiser des manifestations. Ils avaient une mémoire. Le mouvement avait une mémoire, chose qu’elle n’a plus aujourd’hui. Aujourd’hui, tout le monde doit recommencer à partir de zéro. Mais à l’époque, le mouvement avait une mémoire, une sorte de tradition, et les gens étaient toujours présents. Et en examinant les choses de plus prés, vous constaterez que le mouvement était largement dirigé par le Parti Communiste. Ils ont fini par le détruire, et c’est ce qui manque aujourd’hui, ce genre d’individus dévoués qui comprennent qu’ils ne gagneront pas dés demain, qu’il va falloir travailler, qu’ils connaîtront de nombreuses défaites, qu’ils vivront des moments agités, et qu’il se passera beaucoup de choses désagréables, mais que s’ils persistent, ils arriveront à quelque chose. C’est grâce à ça que nous avons connu le mouvement pour les droits civiques et le mouvement ouvrier, et ainsi de suite.
Il y a une leçon à en tirer. Dans les années ’70, il y avait une coupure, très nette, très visible, entre l’opinion élitiste – les journaux, les universitaires d’Harvard, etc - et l’opinion publique. Je dis bien l’opinion publique et pas seulement le mouvement anti-guerre. Chez ces élites, celles qui ont le droit de s’exprimer – et que vous pouvez lire, c’est donc facile à vérifier – la condamnation la plus extrême de la guerre qu’on pouvait trouver était qu’il s’agissait d’une erreur qui s’est finalement révélée trop coûteuse. C’était la condamnation la plus ferme qu’on pouvait trouver chez ces gens-là. Quant à l’opinion publique, environ 70%, selon les sondages, disaient que ce n’était pas une « erreur », que la guerre était fondamentalement mauvaise et immorale. La coupure était donc très nette.
Je crois que la leçon à retenir, c’est par exemple, lorsqu’Obama était admiré pour son opposition à la guerre, parce qu’il trouvait que c’était une erreur. Là nous aurions du lui rappeler les généraux nazis, après la bataille de Stalingrad, qui, eux-aussi, trouvaient que c’était une erreur que de se battre sur deux fronts à la fois. Or, la question n’est pas de savoir si s’agit d’une erreur ; la question est de savoir si c’est fondamentalement mal et immoral. C’est ça la leçon que nous devons tirer. L’opinion publique le comprend déjà, mais il faut arriver à en faire quelque chose et à s’organiser.

AG : Je vais conclure avec une citation dont je n’arrive pas à retrouver l’auteur. « je revois ma vie et toutes les fois où je pensais avoir été trop loin, et à présent je réalise qu’en fait je n’avais pas été assez loin. »


Traduction VD pour le Grand Soir.
Source: Le Grand Soir
Source originale: democracy now 

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