La France passe pour le pays des droits de l’homme et se pose volontiers en donneuse de leçons en matière d’antiracisme. La réalité est tout autre : la France a inventé le racisme vers la fin du XVIIIe siècle et l’a imposé au monde dès le début du siècle suivant, à la faveur de la dictature napoléonienne que de prétendus historiens essaient encore de présenter comme une période heureuse de l’histoire. Le fait d’assigner des êtres humains à une prétendue « race » a servi au XVIIIe siècle à masquer la réalité du présent : les Français trafiquaient des êtres humains et exploitaient les survivants dans des territoires conquis par la violence et baptisés « nouveau monde » comme s’ils n’avaient jamais existé auparavant. Aujourd’hui, le fait d’alimenter un débat artificiel sur les statistiques dites ethniques (un mot inventé par le théoricien ultra raciste Vacher de Lapouge) est simplement une manière de maintenir le statu quo raciste en France et de nier le passé. Le racisme en France est une réalité d’autant plus effrayante qu’elle n’est pas reconnue. Il suffit d’aller dans n’importe quel restaurant parisien pour se rendre compte que les Afro-Français sont relégués aux cuisines, tandis que le personnel de service est sélectionné selon la blancheur de la peau. Tout le monde le sait. Personne n’en parle. Il suffit de regarder la composition de l’Assemblée nationale pour comprendre qu’elle est recrutée selon des critères de « race » qui ne se disent pas, mais que le système électoral impose. Tous les médias français sont de même quasi-exclusivement composés de journalistes recrutés à la couleur, excepté quelques Afro-alibis sélectionnés en fonction de leur sottise, de leur soumission et de leur propension à véhiculer le racisme ambiant. Et quand on invite de prétendus « noirs » à s’exprimer, on choisit toujours les plus bêtes, les plus incultes, dans l’espoir de désespérer les autres. Ainsi ce sont généralement les sportifs ou les chanteurs qui s’expriment sur les questions philosophiques ou historiques, trop imbus d’eux-mêmes pour se rendre compte à quel point ils sont manipulés et ridiculisés. En France, ce sont les gens à la peau blanche et les gens à la peau blanche uniquement qui ont le droit de parler des autres, de dire ce qu’ils sont, ce qui leur convient. Une loi a été votée en 2001 pour rendre hommage aux descendants d’esclaves. Un comité pour la mémoire de l’esclavage a été nommé à la hâte au moment où la France perpétrait un coup d’État contre Haïti afin de nier le passé esclavagiste. Ce comité a totalement été dépourvu de moyens pour qu’on soit bien sûr qu’il ne serve vraiment à rien et ne fasse rien. Ne pouvant rien faire, il n’a donc rien fait et n’a même pas eu le droit, en 2008, d’organiser la partie officielle de la journée pour la mémoire de l’esclavage dont on se souviendra longtemps. Tous les efforts sont allés dans le sens de la division et les plus diviseurs étaient bien entendu ceux qui prétendaient tenir un discours d’unité fondé sur la « race ». Aujourd’hui certains journalistes, en réalité activistes de la pensée raciste, tentent encore d’introduire des statistiques « ethniques », contre tous les principes de la République française, bafoués il est vrai par la pratique. L’idée est de nier le « métissage » qui fait toute la spécificité française, les « métis » étant bien entendu considérés par les racistes comme « noirs » (voir le cas du général Dumas ou du chevalier de Saint-George). Au moment où les Antilles se sont mises en révolution (sans même attendre, comme en 1789 la réunion des états généraux dont les représentants, soit dit en passant étaient, même à l’époque, élus et non pas choisis par le pouvoir), un pesant silence pèse sur le renouvellement du comité pour la mémoire de l’esclavage, dont les membres ont cessé d’être officiellement en fonctions depuis la mi-janvier, mais qui ne sont pas renouvelés. Des rumeurs laissent entendre que le président de la République, au lieu d’affirmer, comme on pourrait s’y attendre vu les circonstances, son attachement à la communauté afro-antillaise de France, qui se trouve majoritairement concentrée dans la région parisienne, fuirait cette communauté le jour du 10 mai 2009 pour se rendre à Bordeaux, ancien port négrier, certes, mais ville nullement emblématique de l’esclavage. La traite s’est pratiquée notamment à partir de Bordeaux. Mais c’est aux Antilles, pas à Bordeaux, que l’esclavage a été perpétré. C’est donc là où vivent les Antillais de métropole et pas ailleurs que l’esclavage doit être évoqué pour rendre hommage aux descendants d’esclaves, là où ils sont. Le président de la République ne semble pas avoir d’opinion arrêtée sur la question. Il paraît s’en remettre à des conseillers sur lesquels on espère qu’il finira par s’interroger : quelles sont au fait les raisons pour lesquelles il a choisi ceux là précisément ? On espère que même si ces conseillers ne comprennent rien ou ne veulent rien comprendre, il est bien conscient, lui, le président de tous les Français, que l’endroit où il se trouvera le 10 mai prochain, la composition de son comité pour la mémoire (et l’histoire...) de l’esclavage, son attitude à l’égard des statistiques racistes, condamnées par Simone Veil, et bien sûr la question de la Légion d’honneur du général Dumas détermineront - et pour longtemps - l’attitude des Antillais à son égard. Les vrais Antillais, bien sûr, pas ceux qui lui lèchent les semelles à Paris, dans l’espoir qu’on leur jette quelques os à rogner. La France a été obligée d'abolir l'esclavage et elle a perdu ses colonies. Mais il y a en France des descendants d'esclaves et des descendants d'indigènes. Ils ont une histoire. Ils représentent un quart état. Si la classe dirigeante persiste à nier l'existence de ce quart état, à mépriser ses héros, à manipuler son histoire, personne n'est en mesure de prévoir ce qui se passera. L'offense à la mémoire peut coûter au moins aussi cher que l'aveugelemnt face aux inégalités sociales.