Ils étaient partis en masse vers des cieux qu’ils croyaient plus cléments. Mais, depuis cette année, la tendance s’inverse. En cause : la crise mondiale, qui rend la vie d’exilé bien difficile.
Après quinze années passées à Londres, Willem De Klerk éprouvait une certaine appréhension à rentrer en Afrique du Sud. « Quand j’ai évoqué cette possibilité, à la fin de 2008, mes amis m’ont dit que j’étais en train de faire la plus grosse erreur de ma vie », raconte-t-il. Cet ancien fonctionnaire de 41 ans n’a pourtant pas tardé à comprendre qu’il avait pris la bonne décision.
« La vie au Royaume-Uni était devenue très dure. Les six derniers mois, nous n’arrivions même plus à joindre les deux bouts. » Avec femme et enfant, De Klerk a quitté une maison de la banlieue de Londres pour une propriété trois fois plus grande près de Pretoria. « Nous avons apprécié d’en avoir pour notre argent. Depuis que nous sommes ici, nous nous en sortons mieux que jamais. »
Joindre les deux bouts
L’histoire de la famille De Klerk est loin d’être une exception. Et pourtant, il y a un an, les coupures de courant, le taux de criminalité élevé et les incertitudes politiques décourageaient les Sud-Africains blancs, qui se précipitaient vers la sortie.
Mais, aujourd’hui, même si la discrimination positive et la criminalité leur font toujours peur, de nombreux Blancs cherchent à regagner leur pays. Il n’y a pas de statistiques officielles en ce domaine. De surcroît, les analystes estiment que beaucoup de départs n’ont pas été enregistrés. L’Institut des relations interraciales s’est néanmoins risqué à faire des projections : entre 1995 – soit un an après la fin de l’apartheid – et 2005, plus de 750 000 Blancs (sur les 5,2 millions que comptait alors l’Afrique du Sud) auraient quitté le pays.
Les statistiques des entreprises de déménagement, elles, sont formelles : le nombre des retours est à la hausse. Depuis le début de 2009, une soixantaine de personnes utilisent chaque mois les services d’Elliott International (qui détient près de 30 % des parts de marché) : c’est presque le double par rapport à 2008. « Il y a eu un tournant, la confiance revient », estime Charles Luyckx, son directeur exécutif. À l’en croire, alors que l’on comptait quatre départs pour un retour en 2008, le ratio se rapproche aujourd’hui d’un pour un.
Tyron Whitley, 34 ans, qui a quitté Londres pour Durban il y a dix-huit mois et créé une entreprise de transport par bateau des véhicules des candidats au retour, fait le même constat : « L’an dernier, on établissait trois devis par semaine. Cette année, c’est un à deux par jour. »
Selon un rapport de la FNB, une des plus grosses banques du pays, seulement 11 % des propriétés sont vendues par des personnes sur le départ, contre plus de 20 % ces dernières années.
L’ampleur de la récession en Australie, au Royaume-Uni et à Dubaï semble avoir joué un rôle majeur dans ce retournement de tendance. Pour l’Afrique du Sud, la crise économique a été moins grave et les perspectives politiques s’améliorent. Jacob Zuma, élu en avril dernier, est peut-être un personnage controversé, mais, pendant ses premiers mois de présidence, il a envoyé des signaux plus rassurants que son prédécesseur Thabo Mbeki à la minorité blanche, aux Indiens et aux métis. « Zuma dit ce qu’il a à dire. Reconnaissons-lui ce mérite », estime Greg Anderson, 41 ans, qui a quitté Londres et sa société spécialisée dans les nouvelles technologies pour Le Cap, il y a quelques mois. Tim Schultz, 35 ans, envisage de suivre son exemple : « Beaucoup de sujets de division ont disparu. La fièvre est retombée. »
Ce nouveau contexte pousse les jeunes actifs à considérer les perspectives de leur pays avec davantage de recul. Ils les comparent à celles d’autres marchés émergents, comme le Brésil ou l’Inde, plutôt qu’à celles des pays plus développés, comme l’auraient fait leurs parents et leurs grands-parents. « La jeune génération ne voit pas les choses de manière aussi apocalyptique », conclut Schultz.
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