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Thursday, October 01, 2009

La détermination de Washington contrarie l’Iran





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Mondialisation.ca, Le 1 octobre 2009




Article original publié le 17 septembre 2009.

La décision capitale, prise jeudi dernier par le Président américain Barack Obama, d’abandonner les projets d’installer le bouclier antimissile controversé en Europe de l’Est, a été loué par la Russie et beaucoup de pays Européens. Mais en Iran, cette annonce inquiète et soulève deux questions essentielles : Pourquoi ? Et, pourquoi maintenant ?

Washington a nié tout accord secret avec Moscou. Néanmoins, certains analystes indiquent qu’il est possible que les Etats-Unis aient suspendu les intercepteurs antimissiles prévus en Pologne, ainsi qu’un énorme radar en Tchéquie, en échange de l’abandon par le Kremlin de sa réticence à faire pression contre l’Iran au regard de son programme nucléaire. Si c’est la tactique d’Obama, il se pourrait qu’elle produise l’effet inverse.

Dans un discours télévisé qu’il a prononcé après l’annonce d’Obama, Sergueï Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères, a réitéré sa position selon laquelle des sanctions additionnelles contre l’Iran sur son programme nucléaire seraient une « grave erreur ». Mais les jours à venir permettront de mieux jauger les véritables intentions de Moscou.

La Maison Blanche a donné deux raisons officielles pour son abandon du projet de bouclier antimissile. D’abord, les Américains soutiennent qu’ils ne prévoient pas de menace immédiate ou à court terme de la part de missiles balistiques intercontinentaux iraniens. Ensuite, les Etats-Unis sont maintenant convaincus que l’Iran « accélère » son programme de missiles de courte et de moyenne portées, qui pourront mieux être interceptés par les navires américains stationnés en Méditerranée.

Il ne faut pas reprocher aux Iraniens s’ils prennent l’explication officielle des Etats-Unis avec des pincettes. Cette annonce est arrivée juste avant une réunion cruciale à Istanbul, programmée le 1er octobre, entre l’Iran et les nations du « Groupe des Six » - les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, la Chine, la Russie et l’Allemagne. Suggérer que cette décision et ces négociations n’ont aucun lien ne semble pas convaincre les analystes iraniens.

Téhéran – et le reste du monde – va maintenant observer très attentivement l’attitude de Moscou envers l’Iran. Tout changement perceptible de l’attitude russe officielle au sujet de l’impasse nucléaire iranienne sera minutieusement évalué.

Peu importe les assurances données par Moscou à l’Iran que la Russie n’a pas passé d’accord avec Washington, il est probable que dans l’immédiat c’est le scepticisme qui sera de mise à Téhéran. Beaucoup pensent que la décision d’Obama entraînera inévitablement Moscou à se rapprocher de la ligne de Washington sur l’Iran et, au minimum, que cela permettra de tester la détermination des Russes, alors qu’ils n’étaient pas disposés à coopérer avec l’Ouest, à cause du projet de bouclier antimissile.

En faisant sauter instantanément cette barrière, l’administration Obama a généré un tout nouvel élan pour un front uni cohérent contre l’Iran. Téhéran a difficilement manqué ce point.

En même temps, en soutenant que l’Iran, pour l’instant, ne constitue pas une menace stratégique crédible avec des missiles à longue portée, la Maison Blanche a aussi réduit l’image de l’Iran et asséné un sérieux coup à ses présumées aspirations régionales. Bien que l’Iran ait toujours maintenu qu’il ne nourrit aucune mauvaise intention envers l’Europe, le fait que le bouclier antimissile, qui a été retiré de l’équation, était dirigé contre lui, constituait un plus pour l’Iran. Cela affectera sûrement les calculs iraniens en prévision des pourparlers nucléaires.

Il y a des conséquences innombrables pour toutes les parties impliquées. Par exemple, le gouvernement américain pourrait, à présent, agir plus durement contre l’Iran, afin de détourner les critiques aux Etats-Unis, selon lesquelles l’abandon du bouclier antimissile augmente la vulnérabilité des Etats-Unis vis-à-vis des « régimes voyous ».

Il est également doublement difficile pour l’Iran d’envisager de geler son cycle de carburant nucléaire – une source de fierté nationale qui durcit potentiellement la posture de négociation de l’Iran.

L’impact immédiat de la décision d’Obama sur les pourparlers nucléaires d’Istanbul pourrait s’avérer négatif. Cela pourrait conduire à un dialogue encore moins concluant. Mais il faudra quand même un peu de temps à Téhéran pour disséquer les ramifications de ce « changement de règle du jeu ».

Avec tous les regards qui seront tournés vers le sommet d’octobre, la question est la suivante : les pourparlers ne seront-ils qu’une simple occasion de prendre une photo ou aboutiront-ils à des progrès significatifs. En ce qui concerne Téhéran, les cartes commencent à s’empiler contre l’Iran, conséquence directe de la nouvelle atmosphère de la coopération américano-russe, facilitée par la décision de jeudi. Les experts ont correctement anticipé un certain nombre de retombées sur le plan de pourparlers sur la limitation de l’armement, avec de nouvelles réductions prévisibles plus conséquentes des arsenaux de la Russie et des Etats-Unis.

Si les pourparlers nucléaires échouent et que le « Groupe des Six » opte pour des sanctions plus sévères contre l’Iran, Téhéran serait confronté à la tâche ardue de trouver la bonne formule lui permettant de compenser les pertes nettes qui ont surgi avec l’annonce américaine. Pour quelques observateurs, Obama a efficacement coupé l’herbe sous le pied à la nouvelle diplomatie nucléaire optimiste de l’Iran. (1)

L’Iran s’accrochera sûrement à ses idées et maintiendra sa position : il ne négociera pas sur sa capacité d’enrichissement d’uranium. Toute déviation de cette ligne est désormais périlleuse pour l’intégrité du gouvernement [iranien] et son image à l’étranger : cela reflèterait de la faiblesse de la part de l’Iran, alors même que Téhéran a montré sa bonne disposition à accéder à des niveaux de coopération sans précédent avec l’Agence Internationale à l’Energie Atomique.

Par ailleurs, le calcul d’ensemble de l’Iran sur sa sécurité nationale doit maintenant s’ajuster à une position potentiellement affaiblie à la table des négociations. Une possibilité pour y parvenir serait de concevoir des liens plus directs entre la question nucléaire et la coopération sur les questions de sécurité régionale, à savoir, l’Afghanistan et l’Irak.

Dans un monde qui serait dépourvu d’inquiétudes fondamentales concernant les politiques d’alliances et de contre-alliances, la manœuvre d’Obama sur le bouclier antimissile aurait était bien accueillie par tous, comme un signal de la désescalade de l’armement. Mais, avec les vestiges de la mentalité de la Guerre Froide qui sont toujours présents – et le trouble de l’Iran et de la Syrie par ce qu’ils voient des relations clientélistes des Etats-Unis avec Israël qui possède l’arme nucléaire – il n’y a aucune autre alternative pour Téhéran et Damas que d’appliquer leurs propres analyses aux ramifications stratégiques de la décision d’Obama. Le niveau de menace dans la région a-t-il augmenté ou a-t-il au contraire diminué à la suite de cette décision ?

Les prochains mouvements de Washington et de ses alliés occidentaux vis-à-vis de l’Iran, qui se termineront par les négociations d’Istanbul, en diront long sur leurs intentions dans ces pourparlers. Le « Groupe [des Six]» parviendra-t-il ou non à acculer l’Iran et à lui imposer des choix difficiles ? Cela pourrait dépendre de la résistance russe, après cette manœuvre américaine, à l’application d’une plus grande pression contre l’Iran.

Et que fera la Chine si elle perçoit une intimité excessive dans les relations entre Moscou et Washington, à un moment où les signes d’une ingérence américaine dans ses affaires rendent Pékin furieux ? Il est possible que des liens entre l’Iran et la Chine se renforcent en réponse à ces nouveaux développements.

Une chose est sûre : la décision soudaine des Etats-Unis de modifier la toile de fond stratégique en vue des négociations nucléaires avec l’Iran testera la diplomatie et la sagacité stratégique de Téhéran. Téhéran doit s’ajuster avec le fait que l’amélioration des liens américano-russes produiront une réduction proportionnelle des relations russo-iraniennes.

Notes :

[1] Voir : , Kaveh Afrasiabi, Asia Times Online, le 17 septembre 2009.


Articles de Kaveh L. Afrasiabi publiés par Mondialisation.ca

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