C’est l’affaire Ben Barka, version algérienne. L’affaire Mecili, du nom d’Ali André Mecili, avocat franco-algérien abattu devant son domicile parisien, le 7 avril 1987. Mecili tentait alors d’unifier l’opposition algérienne en exil. Son tueur présumé, muni d'une lettre de mission signée d'un certain capitaine Rachid Hassani, est arrêté par la police, avant d'être expulsé vers Alger par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Charles Pasqua. L’été dernier : l’affaire rebondit. Un diplomate algérien est arrêté à Marignane : Mohammed Ziane Hasseni. Il pourrait s’agir du commanditaire du meurtre d’Ali Mecili, ce que démentent farouchement les autorités algériennes… France Inter rouvre le dossier Mecili. Une enquête de Benoît Collombat. Information France Inter : Mohammed Ziane Hasseni refuse les tests ADN et l'expertise graphologiqueC’est une information France-Inter : lors de son audition, le 1er septembre 2008, par le juge Thouvenot, le commanditaire présumé de l’assassinat d’Ali Mecili, Mohammed Ziane Hasseni a refusé de détailler son curriculum vitae et, surtout, de se soumettre à un test ADN et à une expertise graphologique. De quoi nourrir la suspicion pour l’avocat des proches de Mecili, Maître Antoine Comte (1'55"). Sollicité sur le refus de Mohammed Ziane Hasseni de se soumettre aux expertises, son avocat, Me Jean-Louis Pelletier, n'a pas souhaité s'exprimer. La fin de non-recevoir du diplomate face au magistrat« Je n’ai rien à voir avec cette personne, ni avec cette histoire » a assuré Mohammed Ziane Hasseni au juge d’instruction, Baudoin Thouvenot, le 1er septembre 2008. Et quand le magistrat lui demande de se soumettre à des tests ADN et à une expertise graphologique, Mohammed Ziane Hasseni refuse tout net : « Je trouve que tout ceci prend des dimensions considérables.» La photographie du tueur présumé versée au dossier judiciaireJusqu’ici les autorités algériennes n’ont jamais répondu favorablement aux commissions rogatoires des magistrats français. Pourtant, il ne leur serait pas difficile de mettre la main sur le tueur présumé d’Ali Mecili : Abdelmalek Amellou. En 1999, le journaliste Michel Naudy (auteur du livre "Un crime d’Etats : l’affaire Mecili", publié en 1993, chez Albin Michel) a réussi à le faire photographier dans la localité d’Aqbou où Amellou possède une maison. Un cliché versé au dossier judiciaire. photo : Abdelmalek Amellou. © Michel Naudy Michel Naudy : « Amellou vit toujours au même endroit, on peut le rencontrer quand on veut… »Selon le journaliste Michel Naudy, Abdelmalek Amellou vit toujours au même endroit, au service de la Sécurité militaire algérienne… Michel Naudy (2'38") photo : Aqbou où Amellou possède une maison. © Michel Naudy Les autorités algériennes prétendent que ces deux localités (Guenzet-Ouizrane et Aqbou) n’existent pas... photo : Guenzet-Ouizrane, le lieu de naissance du tueur présumé.. © Michel Naudy Rappel des faits : avril 1987, trois balles dans la tête, le tueur présumé expulsé par Charles Pasqua7 avril 1987, 22h35 : l’avocat franco-algérien Ali André Mécili est assassiné de trois balles dans la tête, dans le hall de son immeuble, boulevard Saint-Michel, à Paris, où il vivait en exil depuis 1965. Il avait 47 ans. Défenseur des droits de l’Homme et fervent opposant au régime algérien du président Chadli Bendjedid, Mecili travaillait au rapprochement de l’opposition algérienne, entre le MDA (Mouvement pour la démocratie en Algérie) de l’ancien président Ben Bella et le FFS (Front des Forces socialistes) dirigé par Hocine Aït Ahmed. Archive : Hocine Aït Ahmed, le président du FFS, le Front des Forces socialistes, interrogé sur France-Inter, en avril 1987, après l’assassinat d’Ali Mecili (38"). photo : Ali Mecili représentait un opposant gênant pour le pouvoir algérien. Son assassinat constitue un avertissement direct aux leaders de l'opposition alors en exil, Aït Ahmed et Ben Bella.. © DR Deux mois après l’assassinat, la police arrête un proxénète algérien Abdelmalek Amellou, suspecté d’avoir tué Mecili pour les "services algériens", contre la somme de 800 000 Francs. A son domicile, les enquêteurs trouvent un ordre de mission de la Sécurité militaire rédigé par un certain capitaine Rachid Hassani. Finalement, Abdelmalek Amellou est renvoyé en Algérie, en "urgence absolue", (deux jours avant la fin de sa garde à vue) sur instruction de Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur et Robert Pandraud, ministre de la Sécurité de l’époque. En pleine affaire des otages du Liban, l’affaire Mecili est escamotée au nom de la raison d’Etat. 1992 : une première instruction débouche sur un non-lieu, avant d’être relancée après un appel des parties civiles. Mais la justice française se heurte à un mur. Le 4 septembre 1998, une commission rogatoire internationale est adressée aux autorités algériennes. En vain. C’est le travail du juge Baudoin Thouvenot qui va relancer l’affaire MeciliLe 2 juillet 2003, le magistrat entend un officier dissident algérien réfugié en Allemagne, Mohammed Samraoui, ancien membre des services secrets algériens, au moment de l’assassinat de Mecili. Dans un livre paru en 2003, aux éditions Denoël, le colonel Samraoui expliquait comment les généraux avaient manipulé les groupes islamistes afin de conserver le pouvoir. Au juge Thouvenot, Samraoui affirme avoir assisté fin juin-début juillet 87 à une réunion au cours de laquelle Amellou (l’exécutant présumé) a reçu une forte somme d’argent en liquide du capitaine Rachid Hassani. Un témoignage dont la teneur est confirmée par un autre dissident algérien, Hichem Aboud, lui aussi entendu par le magistrat. Ancien chef de cabinet de la Sécurité militaire, Hichem Aboud avait révélé dans un entretien au Nouvel Observateur, le 14 juin 2001, comment Mecili avait été exécuté sur ordre de la présidence algérienne, en détaillant le rôle du capitaine Rachid Hassani, originaire de la même région que lui. L’interview de Hichem Aboud au Nouvel Observateur Dans son livre "La mafia des généraux" (Jean-Claude Lattes, 2002) Hichem Aboud dévoilait la part d’ombre de dix ans de guerre civile, en citant les noms de nombreux militaires de haut-rang impliqués dans la "sale guerre" algérienne. Le 7 décembre 2007, contre l'avis du parquet, le juge Thouvenot lance un double mandat d’arrêt international contre Abdelmalek Amellou et le capitaine Hassani, pouvant également correspondre (comme c'est l'habitude dans les "services" algériens) à une autre identité : Mohammed Ziane "Hassani" ou "Hasseni". Août 2008 : un diplomate arrêté, l’affaire Mecili relancéeLe 14 août dernier, coup de théâtre ! Mohammed Ziane Hasseni, le responsable du protocole au ministère algérien des affaires étrangères, est interpellé à l’aéroport de Marseille-Marignane, à son arrivée d’Alger. Déféré devant un juge des libertés et de la détention à Paris, il est mis en examen pour "complicité d’assassinat" et mis en liberté sous contrôle judiciaire. Me Jean-Louis Pelletier : « C’est une méprise dramatique ! »Entendu par le juge Baudoin Thouvenot, le 1er septembre 2008, le diplomate jure qu’il s’agit d’une erreur sur la personne. Une simple affaire d’homonymie pour l’avocat de Mohammed Ziane Hasseni, Maître Jean-Louis Pelletier (4'26") Mohammed Samraoui : « C’est bien lui. Il n’y a pas de doute ! »Une défense balayée par l’ex-membre des "services" algériens, Mohammed Samraoui. Le 28 août dernier, le dissident algérien réfugié en Allemagne, affirmait à Fabrice Arfi du site internet Mediapart que la personne arrêtée correspondait bien, selon lui, au capitaine Rachid Hassani L’interview de Mohammed Samraoui au site Mediapart (site payant) Le 8 septembre, Mohammed Samraoui réitérait ses accusations devant la caméra de France 3, après avoir visionné les images de Mohammed Ziane Hasseni, lors de son arrivée au Palais de justice de Paris. Reportage de Joseph Tual diffusé sur France 3 dans le 12/13Pour Hichem Aboud, le diplomate arrêté « n’a rien à voir avec Rachid Hassani »En revanche, pour l’autre dissident algérien, témoin clé du dossier, Hichem Aboud, ancien chef de cabinet de la Sécurité militaire algérienne, à qui nous avons montré les images de France 3, Mohammed Ziane Hasseni n’a rien à voir avec le capitaine Rachid Hassani. Hichem Aboud (1'22") Interrogé sur les déclarations de Mohammed Samraoui, Hichem Aboud met en cause la sincérité de l’ancien officier algérien, l’accusant même d’être « complice » dans cette affaire… Hichem Aboud (4'40") Hichem Aboud, désigne les véritables responsables, selon lui, de l’assassinat de Mecili : l’ancien président algérien Chadli Bendjedid et son directeur de cabinet, Larbi Belkheir (aujourd’hui ambassadeur d’Algérie au Maroc). Hichem Aboud (2'17") De son coté, Mohammed Samraoui se livre à une attaque en règle d'Hichem Aboud qu'il qualifie d'"opposant de service" au journal Le Matin Hichem Aboud lui répond avec la même virulence sur son site internet Agir pour l’Algérie Alors, Mohammed Ziane Hasseni est-il, oui ou non, le capitaine Rachid Hassani ? Qui dit vrai, dans cette affaire ? Faut-il voir la main de règlement de comptes entre clans algériens, derrière les déclarations de certains témoins ? Pour tirer tout cela au clair, le juge Thouvenot devra certainement procéder à une confrontation entre le diplomate algérien et les deux officiers dissidents, Mohammed Samraoui et Hichem Aboud. photo : © DR photo : Annie Mecili. © Valeria Emanuele Annie Mecili : « Que les autorités algériennes nous disent qui est le véritable Rachid Hassani »Plus de vingt ans après la mort de son mari, Annie Mécili se bat toujours pour que la vérité judiciaire apparaisse. La veuve de l’avocat assassiné en appelle aujourd’hui à Nicolas Sarkozy qui « devrait faire de cette affaire un test pour le départ de nouvelles relations entre la France et l’Algérie. » Si la personne arrêtée n’est pas la bonne, que les autorités algériennes désignent le véritable responsable, réclame Annie Mecili (1'58") photo : C'est pendant la guerre d'Algérie qu'André Mecili choisit de se prénommer "Ali". On le voit ici en opérations, en janvier 1962. A partir de 1961, il intègre le MALG, les services de renseignements de l'ALN (l'Armée de libération nationale) à Tripoli.. © DR La lettre prémonitoire d’Ali Mecili : « Je meurs sous des balles algériennes pour avoir aimé l’Algérie »Quelques années avant sa mort, Ali Mecili avait rédigé une lettre prémonitoire annonçant ce qui allait lui arriver. Lisez la totalité de cette lettre Le journaliste Michel Naudy à Bernard Kouchner : « On ne peut pas cesser d’être citoyen quand on devient ministre ! »Pour Michel Naudy, spécialiste de l’affaire Mecili, l’attitude des autorités françaises, gauche et droite confondues, n’a guère varié dans ce dossier, depuis 1987, soucieuses de ménager leurs bonnes relations avec Alger. Ainsi, le journaliste s'étonne du silence de l’actuel ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner, membre actif du Comité pour la vérité dans l’affaire Mecili... Jusqu’à sa nomination au Quai d’Orsay. Michel Naudy (6'20") Quand François Mitterrand récuse toute ressemblance avec l’affaire Ben Barka.Le 29 mai 1989, le président de la République, François Mitterrand, écrit à Annie Mécili. Tout en souhaitant que « toute la lumière soit faite », le chef de l’Etat récuse « toute référence avec l’affaire Ben Barka. » Malgré les menaces dont Ali Mécili faisait l’objet avant d’être assassiné sur le sol français, François Mitterrand affirme qu’ « il n’y a aucune raison de penser que des autorités françaises ont eu connaissance du crime (…), ni que des fonctionnaires français ont été mêlés à ce forfait »… Lisez la totalité de cette lettre Me Antoine Comte : « Le parquet suit la ligne politique définie par Charles Pasqua en 87 ! »L’avocat des proches d’Ali Mecili, Antoine Comte, dénonce l’attitude du parquet depuis le début de cette affaire… Maître Antoine Comte (3'25") Dossier réalisé par Valeria Emanuele |
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44 minutes ago
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