mercredi 25 mars 2009
Le président français se rend, les 26 et 27 mars, en République démocratique du Congo (RDC), au Congo (Brazzaville) et au Niger. Le choix de ces destinations sort un peu de l’ordinaire des visites d’Etat en Afrique, qui privilégient en général le « pré carré françafricain » (1). En juillet 2007, M. Sarkozy s’était ainsi rendu au Sénégal et au Gabon avant d’effectuer une « visite de rattrapage » en Afrique du Sud au mois de septembre suite au désastreux discours de Dakar du 26 juillet.
Le programme du nouveau voyage présidentiel répond à des impératifs économiques et géopolitiques. Au Niger, le Français Areva, numéro un mondial du nucléaire, a perdu le monopole de l’extraction de l’uranium. Le gouvernement du président Mamadou Tandja a, en effet, décidé de commercialiser lui-même directement une partie de ce minerai et a réussi à obtenir une revalorisation de 50% de son prix d’achat en janvier 2008, en mettant en concurrence le groupe français avec d’autres acteurs du marché, notamment chinois et canadiens. En 2007, le géant hexagonal avait suscité la colère de Niamey par ses relations supposées avec les rebelles du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ) dans la zone d’exploitation d’Imouraren (le plus grand gisement d’uranium de toute l’Afrique), ses dirigeants faisant même l’objet en juillet 2007 d’une mesure d’expulsion. Les relations entre Paris et Niamey se sont normalisées en janvier 2008 avec la confirmation des droits d’exploitation d’Areva sur Imouraren. Selon les termes de l’accord, la société d’exploitation créée sera détenue à 66,65 % par le groupe français et à 33,35 % par le Niger. Elle démarrerait en 2012 avec une production annuelle estimée, à terme, à 5 000 tonnes par an pendant plus de 35 ans.
La présence d’Areva au Niger reste controversée. Plusieurs rapports publiés par des associations, notamment la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Crirad), ont mis en cause les « négligences » du groupe nucléaire au Niger en matière de protection sanitaire et environnementale. En outre, après quarante ans de présence d’Areva, le Niger demeure un des pays les plus pauvres du monde. La visite de M. Sarkozy devrait inclure ces questions stratégiques au moment où Paris cherche de nouveaux partenariats mondiaux pour Areva.
En République démocratique du Congo (RDC), la France souhaite jouer un rôle dans la « stabilisation » de la région des Grands Lacs africains. La guerre permanente dans l’Est de la RDC, riche en minerais, et les tensions générées par les mouvements de populations consécutifs au génocide des Tutsis du Rwanda, fragilisent les équilibres régionaux.
Tout à sa politique de réconciliation avec le président Paul Kagamé, M. Sarkozy est soupçonné de vouloir favoriser un redécoupage des frontières profitable à Kigali. M. Sarkozy a notamment déclaré le 16 janvier dernier, lors des vœux aux ambassadeurs, vouloir « trouver une nouvelle approche des Grands Lacs… Cela met en cause la place, la question de l’avenir du Rwanda avec lequel la France a repris son dialogue, pays à la démographie dynamique et à la superficie petite. Cela pose la question de la République Démocratique du Congo, pays à la superficie immense et à l’organisation étrange des richesses frontalières. Il faudra bien qu’à un moment ou à un autre, il y ait un dialogue qui ne soit pas simplement un dialogue conjoncturel mais un dialogue structurel : comment, dans cette région du monde, on partage l’espace, on partage les richesses et qu’on accepte de comprendre que la géographie a ses lois, que les pays changent rarement d’adresse et qu’il faut apprendre à vivre les uns à côtés des autres ? ». Sur place, en RDC, certains s’inquiètent d’une « nouvelle conférence de Berlin » qui augurerait d’une balkanisation du pays. En tout cas, cette nouvelle position française aligne Paris sur Washington, allié de Kigali, et remet en cause la politique traditionnelle de la France, réticente à tout questionnement, forcément hasardeux, des frontières.
Au Congo Brazzaville, le président français s’inscrit dans une attitude françafricaine plus traditionnelle en rendant visite au dinosaure Denis Sassou Ngesso, auquel son opposition tente d’arracher un scrutin présidentiel libre et transparent. L’élection, dont la date exacte n’est pas fixée, devrait avoir lieu au mois de juillet dans ce pays où la France a de grands intérêts pétroliers.
(1) Lire, à ce sujet, dans l’Atlas du Monde diplomatique, la planche « Mort et résurrection de la ”Françafrique” », et le chapitre « L’Afrique au tournant » .
- A lire dans notre édition d’avril 2009 (en kiosques à partir du 31 mars), une enquête de Thomas Deltombe sur les activités du groupe Bolloré en Afrique.
- « Aux racines du contentieux franco-rwandais », par André-Michel Essoungou, janvier 2009.
Considéré comme le cerveau du génocide rwandais, M. Théoneste Bagosora a été condamné à la prison à vie par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) le 19 décembre 2008. Un mois plus tôt, Mme Rose Kabuye, directrice du protocole présidentiel rwandais, avait été arrêtée à Francfort, sur mandat d’un juge français. Depuis quinze ans, Paris et Kigali se livrent une guerre juridico-médiatique.
- Dans le blog Echos d’Afrique, « Uranium au Niger, vers une nouvelle malédiction ? », par Jean-Christophe Servant, septembre 2008.
- « Bataille pour l’uranium au Niger », par Anna Bednik, juin 2008.
En février 2007, la rébellion touarègue a repris les armes pour réclamer un plus juste partage des revenus de l’uranium. Quelque quatre-vingt-cinq militaires ont déjà trouvé la mort dans la région d’Agadez, où opère le groupe nucléaire français Areva.
- « En Centrafrique, stratégie française et enjeux régionaux », par Vincent Munié, février 2008.
L’affaire de L’Arche de Zoé, en 2007, a soudainement attiré l’attention sur une région d’Afrique où la France reste très influente. En vertu d’accords militaires avec N’Djamena et Bangui (République centrafricaine), Paris maintient une présence militaire de plus en plus contestée par les oppositions locales.
- « Kinshasa menacé par la poudrière du Kivu », par Mwayila Tshiyembe, décembre 2008.
Des dizaines de milliers de morts, de blessés et de réfugiés : l’est de la République démocratique du Congo a été à nouveau, d’août 2008 à janvier 2009, en proie à la guerre. Derrière le drame humanitaire, le Kivu se présente comme un condensé de la géopolitique régionale sur fond d’enjeux miniers.
- « Le philosophe et le président : une certaine vision de l’Afrique », par Olivier Pironet, novembre 2007.
Les travaux des historiens et les échanges culturels semblent inefficaces à éradiquer les préjugés dont l’Afrique noire et ses 700 millions d’habitants continuent d’être victimes. L’intervention de M. Sarkozy à Dakar, en juillet 2007, en est une illustration. Parmi ses sources d’inspiration : les travaux, vieux de 200 ans, du philosophe allemand Hegel, imprégnés d’arrogance occidentale.
- « L’Afrique au kärcher », par Anne-Cécile Robert, septembre 2007.
Stupeur et indignation ont accueilli le discours prononcé à Dakar par le président Nicolas Sarkozy, venu présenter sa vision des rapports franco-africains, le 26 juillet 2007. Abasourdis, presse et intellectuels du continent noir ont reproché au chef de l’Etat des propos d’un « autre âge ». Les médias français, quant à eux, ont peu évoqué la prestation présidentielle, dont ils ont surtout retenu les passages concernant la colonisation.
- « L’Afrique au-delà des idées reçues », par Augusta Conchiglia, août 2007.
Spécialiste de l’Afrique, l’auteure décortique plusieurs livres récemment parus sur le continent noir. L’occasion d’en finir avec des clichés tenaces mais aussi de réfléchir à l’avenir qui se dessine pour les Africains.
- « Rêve d’une “seconde indépendance” sur le continent africain (A.-C.R.), novembre 2006.
Une période de transition s’achève en Afrique qui ouvre des possibilités nouvelles. Les conséquences de ce tournant historique émergent lentement, et une réelle partie s’engage pour les Africains.
- « L’Afrique n’est plus l’eldorado des entreprises françaises », par Anne-Valérie Hoh et Barbara Vignaux, février 2006.
Il est loin le temps où les groupes français contrôlaient plus de la moitié des marchés au Gabon, en Côte d’Ivoire, au Cameroun ou au Sénégal, et enregistraient des profits considérables avec le soutien de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface). La présence économique hexagonale en Afrique se résume désormais à une vingtaine de groupes moyens et grands.
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L’Afrique semble crouler sous les problèmes : guerres, massacres, coups d’Etat, crises politiques et sociales, dictatures, maladies, exodes... Et pourtant, là comme ailleurs, des femmes et des hommes luttent pour leurs droits et leur dignité.
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Et si c’était l’Occident, et non l’Afrique, qui avait besoin d’aide ? Et si c’était au continent africain de venir au secours de l’Occident ? Ce livre propose, en délocalisant le regard en Afrique, une critique radicale de nos modes de vie et des valeurs de la mondialisation libérale.
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