Je suis atterré et je pense que tout le monde partage mon point de vue... Même Alain Juppé qui est un fervent catholique l'a dénoncé ! Je trouve encore pire les explications de Monseigneur Di Falco qui dit que la presse a fait un raccourci et que le pape dénonçait en fait la pratique, dans certains pays, de réutiliser plusieurs fois les mêmes préservatifs. J'ai l'impression qu'il nous prend pour des attardés mentaux en Afrique ! Qui peut imaginer ce genre de choses avec toute la prévention faite sur le continent...
Le sida est un drame sur le continent. Mais quand le pape se rend en Afrique, il semble que la seule chose dont il veut parler, c'est le sida. Pourquoi continuer à accoler, constamment, la maladie au continent ? Sans la minimiser, il y a énormément d'autres choses dont il pourrait parler. Pourquoi ne retenir que le sida alors qu'il y a une population dynamique, qui se bat et qui essaie d'inventer son avenir. Cela véhicule une très mauvaise image d'un continent, une image que l'Eglise a contribué à véhiculer et ça me gêne.
Comment vont être perçus les propos du pape sur le préservatif par la population africaine ?
Cela n'aura aucun écho : les Africains ne vont pas attendre que quelqu'un qui vient de l'extérieur leur dise comment se comporter au quotidien, y compris dans leur réalité sexuelle. Cela n'aura aucune incidence, mais ça n'en est pas moins grave. Le pape est dans son rôle en allant en Afrique, mais je m'étonne qu'il ait attendu quatre ans pour s'y rendre. Son prédécesseur s'y était rendu treize fois. Aujourd'hui, beaucoup de prêtres africains pensent que Benoît XVI n'est pas intéressé par l'Afrique et que le Vatican s'oriente plus vers l'Asie et la Chine, un énorme vivier de gens à évangéliser. L'Eglise africaine, qui est à l'heure actuelle celle qui connaît la plus forte progression, reste la plus malmenée. Nous n'avons qu'une vingtaine de cardinaux pour toute l'Afrique, l'Italie en possède le double à elle seule. Les prêtres africains qui se retrouvent à Rome ne sont pas toujours bien perçus, il y a une forme de discrimination qui existe : dans la répartition des portefeuilles notamment, des évêques européens sont en poste en Afrique, la réciproque n'est pas vraie.
Dans votre livre, vous allez jusqu'à parler d'une "tradition raciste" au Vatican.
Cela remonte aux origines de l'Eglise, Il y a d'abord la malédiction de Cham, le fils de Noé, condamné à l'esclavage pour avoir vu la nudité de son père. Ce passage de la Bible a servi, pendant des siècles, à légitimer l'esclavage, faisant des Africains les descendants de Cham. De même, on a longtemps raconté au sein de l'Eglise catholique que le Noir était non pas à l'image de Dieu mais du diable. Un saint noir, comme saint Maurice, était systématiquement représenté sous les traits d'un Blanc. Bien sûr, toute cette tradition s'est diluée au fil des siècles. Depuis Vatican II, on ne peut plus parler de racisme officiel. Pourtant certaines traces de discrimination persistent. A l'université du Vatican, à Rome, il faut parfois dix à douze ans à un professeur africain pour qu'il puisse enseigner. Il n'en faut pas plus de trois pour un prêtre européen. L'Eglise est humaine, elle comporte en son sein des gens capable de ça.
"Couvent et sexualité"
L'enquête de Serge Bilé l'a amené a rencontrer, à Rome, des femmes venues d'Afrique pour devenir religieuses au Vatican mais qui n'ont jamais réussi à s'adapter et sont tombées dans la misère. Il affirme même, témoignages à l'appui, qu'une cinquantaine d'entre elles, abandonnées par l'Eglise, seraient tombées dans la prostitution. Ces témoignages surprenants l'ont conduit à entreprendre un documentaire sur les rapports entre couvent et sexualité, dont il livre quelques extraits sur son site Internet.
No comments:
Post a Comment