En matière de politique étrangère, la France a des définitions de la « rupture » sujettes aux circonstances, aux renoncements, aux allégeances et aux intérêts…
Ainsi, en réentrant dans le Commandement intégré de l’Otan - au terme d’un débat d’une bonne dizaine d’heures, quand même… -, elle vient de renoncer à l’héritage gaullien, à 40 années d’indépendance bienveillante, « d’indocilité » vis-à-vis de l’Amérique, ainsi que l’écrit le fervent pro-Arabes Pierre Lellouche. Le candidat Sarkozy décrétait l’inutilité d’envoyer le moindre soldat français mourir en Afghanistan. Le Président Sarkozy en a déjà enterré 11… et en enterrera d’autres, puisqu’il en renverra d’autres. Sans parler du refus de serrer la main de Poutine, le bouffeur de Tchétchènes, chez qui "Ni-Carla Sarkocescu" ira ramper et se faire humilier, finalement, l’été dernier, pour le compte des américanophiles Géorgiens. Ou de la Chine, qu’on feint d’interpeller spectaculairement, à cause du réactionnaire et intégriste Dalaï Lama, avant d’envoyer à Pékin, quelques mois plus tard, les oreilles basses comme un chat dans sa caisse, l’Obélix Raffarin et une tripotée de patrons français pour récupérer quelques miettes de business. Puis de recevoir, honteusement, la vieille vedette américaine orange… (Que dirait la France si Medvedev ou Hiu Jin Tao recevaient l’ETA ou le FLNC ?).
Dieu merci, concernant les « affaires africaines » (Péan), le « pré carré » (Quai d’Orsay), la « Françafrique » (Verschave), selon les sobriquets dont on l’affuble, rien ne change.
Jusqu’à l’incohérence et au grotesque. Récemment, Sarko annonçait qu’il était urgent de redéfinir des accords de coopération militaire, soudain devenus anachroniques - pourquoi aujourd’hui ? (et pourquoi dès lors continuer d’envoyer discrètement des soldats français remplacer ceux qu’on « rapatrie » ?). Piétinant ainsi un des dogmes de la politique africaine française : le pacte colonial, signé en 1961 avec la majorité des anciennes colonies (1). Tout en continuant de soutenir et couvrir, par exemple, Areva et ses agissements : financement de rebellions touaregs au Niger (lorsque le pouvoir en place tente de renégocier un peu plus dignement le prix d’achat de l’uranium nigérien) ; harcèlements, intimidations et, même, une plainte déposée contre Saifee Durbar, vice ministre des Affaires étrangères de la République Centrafricaine, qui a dénoncé des accords inacceptables pour l’Etat centrafricain… (2)
En 2006, l’opposant gabonais Pierre Mamboundou demandait, suite à une tentative d’assassinat, la protection de l’ambassade de France. Et essuyait un refus. Avant d’aller se réfugier à l’ambassade d’Afrique du Sud… En 2009, à Madagascar, cette fois-ci, la France accorde l’assistance « humanitaires » et accueille en son ambassade le jeune maire déchu de Tananarive, Andry Rajoelina (que la jeunesse malgache a déjà surnommé "Angelina Jolie" !!!), cet ancien disc-jockey inculte, lampiste à la solde de l’ex président Didier Ratsiraka - grand ami, lui, de Chirac.
La manip’ était si grossière et si facile à décrypter que les Français redoutèrent de voir l’opinion malgache s’enflammer et la francophobie se réveiller… Au point que certains se demandent si ce coup d’Etat n’a pas été, justement, mis en place et orchestré depuis l’ambassade de France. Si la France n’y est pour rien, qu’a-t-elle à redouter ? Pourquoi un spécialiste comme Philippe Hugon, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), tient-il, dans une interview au Point (16/03/09) à (r)assurer : « Je ne suis pas certain que Paris soutienne directement Rajoelina, mais c'est évident que la France n'est pas indifférente à sa cause. La semaine dernière, le maire déchu de la capitale a trouvé refuge quelques jours à l'ambassade de France, sous la pression de l'ONU. Et mi-février, le secrétaire d'État français à la coopération Alain Joyandet s'est déplacé en personne sur la Grande Île et y a rencontré le président et le maire déchu de la capitale. Sans compter que Rajoelina a des liens avec le clan Ratsiraka. Or, la France a longtemps soutenu l'ancien président Didier Ratsiraka (1997-2002) contre Marc Ravalomanana. Cela donne une image plutôt négative de la France à Madagascar. Néanmoins, je ne pense pas pour autant qu'il y ait de sentiment anti-Français sur l'île. »
Que dire, en guise de conclusion, des campagnes juridico-médiatiques anti-Bongo que Paris laisse se développer - lorsqu’encore elle ne les nourrit pas -, tout en les redoutant : d’où peuvent bien sortir tous les accablants documents concernant Bernard Kouchner qui circulent en ce moment dans la presse française ? Campagnes qui ne font que précéder une visite officielle du Mollah Nicolas, à la fin de ce mois, au sanglant leader congolais Denis Sassou Nguesso, aka le Son of the Beach…
Louis Fall
1) Le Pacte colonial assujettit de fait les questions militaires, économiques et financières (via le franc des Colonies Françaises d’Afrique, le CFA), mais aussi énergétiques et minières, aux souhaits et besoins de l’ancienne métropole…
2) Saifee Durbar : « En 2007, cette compagnie, Areva, a acheté UraMin pour 2,5 milliards d’euros, au terme d’une OPA qui n’avait pas l’aval des autorités centrafricaines. Comme c’est le cas dans tous les pays du monde, de telles transactions qui, de plus, concernent dans le cas d’espèce un important maillon du tissu économique local, requiert le feu vert des autorités. Areva, qui n’a rien payé à l’Etat, n’avait donc pas rempli les conditions requises. En tant que conseiller du président, ce dossier m’a été remis en main. J’ai engagé des avocats. A un moment, Areva voulait négocier, se sachant dans l’illégalité. Puis, c’est le revirement. L’affaire a été politisée » (in Les Afriques, 03/03/09)
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