L'utilisation d'une forme de statistiques ethniques en France afin de favoriser la lutte contre les discriminations suscite une vive opposition de la part d'élus, d'organisations antiracistes et d'universitaires. Lire la suite l'article
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Cette proposition a été avancée officiellement vendredi par le commissaire à la diversité, Yazid Sabeg.
L'Elysée se montrait très prudent lundi. "On attend le travail qui a été fait et on verra. C'est un sujet délicat", a-t-on déclaré dans l'entourage du chef de l'Etat.
Yazid Sabeg suggère de soumettre au Parlement un projet de loi visant à doter la France d'outils ressemblant à des statistiques ethniques afin de mener une politique, sinon de "discrimination positive", du moins d'"action positive".
Nicolas Sarkozy a souvent montré de l'intérêt pour cette politique née aux Etats-Unis dans les années 1960 et qui a consisté à rendre obligatoire l'accession de Noirs aux universités et à certains emplois publics.
Actuellement, le recensement en fonction de critères raciaux ou religieux est quasiment impossible en France, précisément en raison du principe d'égalité. L'emploi même des mots "Noir" ou "Arabe" par les élus ou la presse est tabou. On lui préfère l'expression "issu de la diversité".
Yazid Sabeg assure qu'il ne veut pas créer des fichiers raciaux mais seulement demander aux personnes comment elles se définissent elles-mêmes.
Malek Boutih, membre de la direction du Parti socialiste, juge cette mesure hypocrite. "Moi qui m'appelle Malek Boutih, est-ce qu'on va me permettre de dire que je suis asiatique ? bien sûr que non", a-t-il dit à Reuters.
Il estime que l'idée de discrimination positive est dépassée. "Je préfèrerais que la France évolue sur le terrain pratique plutôt que de remettre en cause le principe d'égalité".
"UNE SEULE RACE HUMAINE"
Président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde), Louis Schweitzer voit aussi l'idée comme dangereuse. "Il n'existe qu'une race humaine. En créant des catégories ethno-raciales, on fabrique une réalité", dit-il dans un entretien publié lundi dans Libération.
Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat UMP chargé des Relations avec le Parlement, se dit révulsé par cette idée du fait de sa confession juive et évoque la période de l'Occupation.
"Pour quelqu'un comme moi, le fichier ethnique, ça rappelle franchement de très mauvais souvenirs. Je pense que dans l'imaginaire et dans le comportement des Français, ça reste quelque chose qui me paraît un peu à risque", a-t-il dit.
Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap) a appelé lundi à la "prudence" et souligné que, dans les pays où elles existent, les statistiques ethniques sont passablement floues, car définies tantôt sur une base de couleur de peau, tantôt linguistique, tantôt nationale.
Plusieurs universitaires français ne croient pas que les statistiques ethniques et la discrimination positive puissent constituer une réponse à l'absence quasi totale en France de Noirs et de Maghrébins dans la vie publique, dans l'élite économique et dans nombre de grandes écoles ou universités.
Patrick Weil, spécialiste de l'immigration et directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), a refusé de participer à un comité mis en place par Yazid Sabeg.
Il est vain à ses yeux de prétendre faire reculer la discrimination quand, sur l'immigration, la politique de Nicolas Sarkozy aggrave le problème, dit-il, citant les restrictions aux regroupements familiaux et aux naturalisations.
Sans réforme, il est de toute façon déjà possible, dit Patrick Weil, de déterminer dans certains cadres les origines des Français pour mieux cerner les problématiques.
François Héran, directeur de l'INED (Institut national des études démographiques) nommé par Yazid Sabeg pour étudier les modalités d'application de ces propositions, voit le débat comme un révélateur de l'état de la France : "ces débats démontrent que nous ne sommes pas au clair avec notre identité".
Avec Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse
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