Par Thierry Brugvin | |
Le 10 mai 2009 | |
Depuis plus de vingt ans, la mondialisation éloigne les citoyens des lieux de décisions. Les citoyens français l’observent avec l’Union Européenne tandis qu’au plan international, le G8 impose son modèle politique dans le monde, au travers le FMI, la Banque Mondiale et l’OMC en particulier. Au sein de ces différentes organisations, sous couvert d’un discours sur la « bonne gouvernance », les dirigeants libéraux privatisent les instances démocratiques en privilégiant le dialogue avec les entreprises au détriment des peuples, de leurs représentants, des ONG et en jouant la “société civile” contre les Etats. Ces différents mécanismes relèvent généralement de la gouvernance inégale et non démocratique, mais restent pour une large part légaux. Cependant, il y a un autre champ qui lui est encore moins analysé, il s’agit de la dimension illégale de la gouvernance publique. Ce sont donc les différentes formes de la gouvernance politique et économique non démocratique, inégale et aussi illégale que nous allons analyser ici. Comment les forces économiques influent-t-elles sur les décisions des pouvoirs publics, via les mécanismes de la gouvernance globale illégale, inégale et non démocratique? Notre hypothèse est la suivante: il existe une influence, une relation dialectique, entre la force des idées (idées, acteurs et institutions), les pouvoirs publics et les forces économiques (institutions, acteurs capitalistes, capital financier, forces productives (moyens de production, techniques, connaissances, forces de travail). Cependant les forces économiques exercent une influence dominante sur les pouvoirs publics et la force des idées, par le biais de la gouvernance globale. Or, une part non négligeable de cette gouvernance nationale et globale est exercée de manière illégale, et non démocratique, même s’il ne s’agit pas d’affirmer que toutes les pratiques relevant de la gouvernance s’avèrent illégales. Il s’agit donc ici d’une typologie et non d’une description exhaustive de la gouvernance globale. Ainsi, nous présenterons les 7 pouvoirs, ou les 7 formes de gouvernance non démocratique ou illégale qui sont des obstacles fondamentaux à la démocratisation de la société. Il s’agit du pouvoir économique (productif, commercial, financier (banques, dette, paradis fiscaux)- Le pouvoir répressif et militaire- Les pouvoirs publics nationaux et internationaux non démocratique et leurs pratiques impérialistes- Le pouvoir relationnel (réseaux, lobbies…) - Le pouvoir idéologique- Le pouvoir communicationnel-Le besoin psychosociologique de pouvoir. LA GOUVERNANCE NON DEMOCRATIQUE PAR LE POUVOIR FINANCIER: BANQUES, DETTE ET PARADIS FISCAUX La dette: instrument de domination des pays riches Contrairement à ce que l’opinion publique pense généralement, les flux financiers les plus importants vont donc du Sud vers le Nord. C’est finalement les plus pauvres qui aident les plus riches. En 2003, l'APD l'élevait à 54 Mds $ et le remboursement à 436 Mds, soit 8 fois plus (Ziegler, 2005). "Au moment de l’indépendance du Gabon en 1960, la Banque Mondiale a transféré à ce pays les dettes précédemment contractées par la France pour la colonisation du Gabon, ce qui est en violation complète des règles du droit international. Depuis, la mainmise des dirigeants français sur l’économie gabonaise ne s’est jamais démentie : Omar Bongo en est avant tout le garant. Une dette constituée dans ces conditions est illégitime et n’a pas à être remboursée" (Toussaint, 2006). Concernant la Bolivie par exemple, selon Patrick PIRO «aucun économiste n'est dupe de ce miracle, c'est bien grâce à la coca et à la cocaïne que le pays n'a pas volé en éclat. Le trafic de la drogue a donné au pays des devises nécessaires au paiement de la dette » (Piro, 1994 : 8) Boisgallais évalue, entre 1 à 5%, l'aide publique bilatérale qui parvient réellement à la population, le reste partant en direction de construction d'infrastructure destinée à servir nos intérêts. Moins de 1% de l'APD bilatérale est consacrée aux ONG (Boisgallais, 1994). Selon Politis, le reste de l'aide bilatérale française se répartit globalement ainsi: 30 à 40% environ, pour les opérations de rééchelonnement de la dette ou révision des taux d'intérêts et parfois annulation partielle de dette - 20 à 25 % pour le salaire des coopérants pour des projets techniques, scientifiques, ou culturels, avec un salaire moyen de 4500 à 23 000 euros par mois. On comptait 3250 coopérants en 2001 - 15 à 25 % pour la promotion de la francophonie - 5 à 10 % pour l'aide financière aux projets pour l'étude et la réalisation d'équipements, d'infrastructure des transnationales françaises - 5 % destinés à l'armée, l'aide budgétaire, et le soutien aux plans d'ajustement structurels (Politis, 1998). L'été 1994, Lissouba, le président du Congo-B confie à Elf la responsabilité de gérer la dette pétrolière du pays. On observe une totale manque d'indépendance de l'Etat. En effet, Elf devient ainsi à la fois client de l'Etat et gestionnaire de son budget. (Verschave, 2001 : 44). Une entreprise capitaliste privée a ainsi eu la main mise sur un Etat. Les paradis fiscaux l'accélérateur de la gouvernance libérale et des délits politico-financiers Les paradis fiscaux et les chambres de compensation (Clearstream) sont un instrument majeur de la corruption politique et de la spoliation économique des citoyens. Selon l'office des Nations Unies pour le contrôle des drogues et la prévention du crime, en 1999; 50% des 4800 Mds de francs annuels dégagés par l'ensemble des activités criminelles du monde (trafics de drogue, prostitution, fausse monnaie...) seraient blanchis dans les paradis fiscaux. (ODCCP, 2000).La fraude et l’évasion fiscale représentaient, en 2003, environ 50 milliards d’euros pour la France, c’est à dire 17% du budget de l’Etat soit l’équivalent du déficit budgétaire (Attac, 2004). Pour les PED, l’évasion fiscale conduit à un manque à gagner dans les recettes fiscales de 50 milliards de dollars. L’équivalent de l’APD annuelle de l’ensemble des pays de l’OCDE (Foutoyet 2005). La quasi totalité des grandes banques et entreprises européennes ou américaines a ouvert des succursales dans des paradis fiscaux. C'est par exemple le cas de la BNP Paribas, présente aux Bahamas et aux îles Caïman, idem pour le Crédit Agricole,la CIC, le Crédit Lyonnais, Natexis Banques Populaires, la Société Générale, etc. Total réalise la plus grande partie de ses bénéfices dans des filiales enregistrées aux îles Bermudes et autres territoires off shore, etc. (Foutoyet, 2005). Contrairement aux idées reçues, les paradis fiscaux ne sont donc pas un « sous système» à la marge de la machine économique : ils en sont l'un des rouages. En effet, on estime que plus de la moitié des transactions financières internationales transite par les paradis fiscaux. En 1991, le scandale international de la BCCI (Bank of Crédit and Commerce International), enregistrée au Luxembourg, a conduit à sa fermeture par la justice, a montré la liaison pouvant exister entre le trafic de drogue, le terrorisme, la haute finance et les services spéciaux (Verschave, 2003). Le pouvoir des banques dans la gouvernance économique et politique La politique monétaire permet de jouer sur les importations et exportations. C’est un outil fondamental de la souveraineté, comme l’est l’indépendance militaire par exemple. Or, les Etats africains n’ont pas cette liberté d’action et donc cette indépendance économique et politique. La Banque de France et maintenant la Banque centrale européenne avec l’euro ont décidé des dévaluations et du moment où elles ont eu lieu. Les banques et les propriétaires des grandes banques (Rockefeller, Rothschild, Morgan...) représentent un des pivots du pouvoir mondial. D’une part parce que ces propriétaires disposent de sommes énormes : Le magazine Forbes décomptait 1125 milliardaires en 2008. (Kroll, 2008). Ceci leur permet d'acheter potentiellement absolument, tout ce qui peut servir leur objectif de puissance: entreprises, médias, biens divers. Mais de plus, ils ont la capacité de corrompre les dirigeants politiques, qui sont susceptibles de se laissent soudoyer. D'autre part parce que les banques sont les lieux de dépôt de l'argent, et le lieu de transit des flux financiers qui sont l'énergie, le sang du système. Le blanchiment d'argent sale passait autrefois, par les banques des pays développés notamment, à présent cet argent transite plutôt préalablement par les banques des paradis fiscaux (Andorre, Caïmans, Luxembourg, Jersey...) ou encore au sein de Clearstream (la banque des banques) comme le soutien Denis Robert (2001). Ce dernier a mis à jour une des techniques de blanchiment, dans son ouvrage « Révélation », en analysant le fonctionnement des banques Clearstream et Euroclear. Ces dernières, grâce à un « mécanisme de compensation », font ainsi disparaître certaines transactions douteuses. Concernant, la BGPI, filiale du Crédit agricole Indosuez, il affirme, qu’elle possède elle aussi un compte S0418, chez Clearstream (Robert, 2007). De plus, quasiment toutes les grandes banques disposent de comptes dans les paradis fiscaux (Foutoyet, 2005). Ainsi, certaines, telle la FIBA d'Elf ont blanchi de l'argent, ou participé à l'évasion fiscale (Verschave, 2001 : 73). Les banques suisses, luxembourgeoises, notamment, avec les paradis fiscaux, renforcent les dérives du capitalisme illégal et la corruption, en blanchissant de l’argent sale, notamment grâce à la culture du secret, au refus de faire la transparence sur l’ensemble des comptes présents et des virements qui s’y déroulent. C’est un accélérateur de la criminalité grâce au blanchiment de l’argent lié au trafic de drogue, à la prostitution, à la fabrication de fausse monnaie, au racket...). La Gouvernance non démocratique par les idees (Ideologie) La "bonne" gouvernance : la théorie hégémonique de la Banque Mondiale A la Banque Mondiale, l’idéologie néo-libérale est hégémonique, c’est donc dans le cadre de cette politique qu’elle entend exercer ce qu’elle nomme une “bonne gouvernance”. La "bonne gouvernance", pour la Banque mondiale est aussi synonyme de bonne gestion du développement” (World Bank, 1992). Marie Claude Smouts la qualifie “d’outil idéologique pour une politique de l’Etat minimum” (1998). Cependant, si cette politique se limite aux fonctions régaliennes, cela ne signifie pas un État faible. Il s’agit en réalité d’un “État gendarme” visant théoriquement à faire respecter les règles d’un marché concurrentiel et les libertés individuelles. Derrière la politique de “bonne gouvernance”, la Banque Mondiale cherche aussi à contraindre les pays à bas salaires à mener une bonne gestion, c'est-à-dire à appliquer les plans d’ajustements structurels (privatisations, restrictions des budgets sociaux...), basés sur une politique économique néo-libérale. Ainsi, du fait du principe de conditionnalité auquel sont soumis les États pour recevoir des prêts de la Banque Mondiale, ceux-ci perdent la souveraineté sur leur politique nationale (George, 1994 : 184). Cette entorse à la souveraineté du peuple est “camouflée par les qualificatifs “d’empowerement” (la participation) et de “consensus" avec la société civile (Hidouci, 2003 : 6). On observe en effet une lutte idéologique, autour du concept de société civile, visant notamment à gagner “la bataille” pour une nouvelle forme de direction politique démocratique mondiale. Tandis que pour le grand public, la société civile signifie généralement les ONG, pour les organisations internationales telle l’OMC, il s’agit aussi des représentants des entreprises tel le MEDEF ou l’UNICE. La corruption limite la démocratisation des États. Pourtant, les institutions financières internationales (IFI) agissent peu contre la corruption des dirigeants (lorsque les prêts qu'elles octroient sont détournés) (Gueye 2003 : 38). La libéralisation et la privatisation de la régulation internationale Au cours du Forum Mondial de l’Economie de Davos, le 31 Janvier 1999, Kofi Annan, le Secrétaire Général des Nations Unies, a proposé au monde des affaires, de mettre en oeuvre le Global Compact (le pacte global). Plus de 3 700 entreprises venant de 120 pays différents, adhéraient en 2007 au Global Compact. Parmi les dix principes du Global Compact, deux concernent les droits de l’homme, quatre sont destinés aux droits des travailleurs, trois concernent l’environnement et le dixième porte sur la lutte contre la corruption. Le Global Compact étant une forme de code de conduite élaboré par les pouvoirs publics internationaux. Les transnationales, telle Nike, Nestlé, ou Total qui l’ont adopté s’engage volontairement à le respecter, mais il n’est prévu de dispositif de vérification, ni de sanction. Les Nations Unies ont autorisé les ETN Nike et Shell notamment, à adhérer au Global Compact, alors qu’elles enfreignent régulièrement leurs propres codes de conduite et les normes sociales et environnementales. Le choix consiste à déléguer, aux acteurs économiques privés, certaines des fonctions traditionnellement dévolues au service public (service des eaux, retraitement des déchets, production énergétique..). D’une part, cela représente une orientation de politique économique très spécifique. Mais d’autre part, cela transforme la nature même des organisations internationales publiques qui deviennent des partenaires des entreprises privées, plutôt que des autorités de régulation au service du peuple et de l’intérêt général (Brugvin, 2007). La gouvernance globale s'est développée à partir de la gouvernance d'entreprise (Leach, Percy-Smith, 2001). Dans la gouvernance on observe "une normalisation technique envahissante" (Hidouci, 2003 : 7) qui tente d'évacuer la dimension politique sous le discours de la neutralité, en se cachant dernière le langage de la gouvernance des entreprises. La gouvernance conduit à substituer les normes juridiques (décidées par les pouvoirs publics représentant le peuple) par des normes techniques (crées par des intérêts privés) : codes de conduite, labels, normes comptables privées, normes ISO...). Tandis qu’une partie du code du travail est en partie votée par ce dernier, les codes de conduite liées aux conditions de travail ou les normes ISO sont souvent créées par des entreprises privés. Par ailleurs, L’OMC est le fer de lance du libéralisme économique, qui sont l’idéologie et le pouvoir politique hégémonique au plan mondial. Le mandat de l’OMC est la suppression des obstacles au commerce. Comme pour la Banque mondiale et le FMI, cela conduit à une privatisation de la société qui engendre une à une inégalité sociale, économique et politique nuisible à la démocratie. Par exemple, l’OMC a pour mandat la libéralisation des échanges commerciaux, ce qui a pour conséquence qu'elle impose les intérêts économiques des transnationales sur les droits sociaux des travailleurs et la souveraineté politique des Etats. Les pouvoirs publics tiennent leur légitimité de l’élection par le suffrage populaire et doivent donc être présents, pour garantir, théoriquement, les intérêts du peuple dans les décisions qui concernent celui-ci. Les pouvoirs publics disposent de la plus forte légitimité pour décider des règles, normes et lois, à portée générale, qui relèvent du droit positif. Les entreprises privées ne disposent pas de cette légitimité élective, ni de l'indépendance économique. Par conséquent, elles ne disposent pas de la légitimité à décider des orientations générales de la société, à légiférer. LA GOUVERNANCE GLOBALE NON DEMOCRATIQUE PAR LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES PUBLIQUES (BM, FMI, ONU, OMC...) La dépendance financière des agences de l’ONU vis à vis des entreprises privées En comparaison de l'étendue de la tâche qu'on lui attribue, ses ressources sont largement insuffisantes. En 1993, le total des ressources de l’ONU s'élève donc à environ 7,3 milliards de dollars. Les grandes déclarations proclamées à l’ONU, telle "la santé pour tous en l'an 2000," ne sont pas toujours associées de mesures suffisamment précises et de moyens conséquents. Ce verbalisme n'a alors pour but que de donner bonne conscience aux administrateurs représentants les différents pays membres et de satisfaire les attentes de l'opinion publique. De telles déclarations, lorsqu'elles sont irréalistes, aboutissent à jeter la confusion et à masquer l'impact réel des programmes mis en œuvre. Depuis la création de l’ONU, en 1945, les grandes promesses se succèdent, telle que la « santé pour tous en l’an 2000 », mais elles ne sont quasiment jamais réalisées. L’opinion est satisfaite par les promesses faites, à chaque sommet international, mais comme elle a peu de mémoire (les journalistes non plus), elle oublie les précédentes. C’est un cercle sans fin de manipulation de l’opinion publique, dans la mesure où ses dirigeants savent très bien qu’ils ne pourront atteindre les objectifs affichés. Nous allons voir que l’ONU et l’OMS subissent parfois de graves dérives. Or, l’Etat français dispose d’une part non négligeable de responsabilité dans la mesure où il est représenté au sein du conseil d’administration de l’OMS et qu’il dispose du droit de veto au conseil de sécurité de l’ONU. Ce dernier s’avère l’organe le plus puissant de l’ONU, mais aussi le moins démocratique. Malgré ses faiblesses, l’ONU est parvenue à de grandes réussites au service des plus pauvres. Pourtant, l’ONU, du fait de son influence, est l’objet de tentative de contrôle de la part des Etats dominants et de leurs transnationales, au sein du conseil de sécurité et de chacune de ses agences. Christian Joly rappelle les positions des organisations de solidarité internationale vis-à-vis de l'OMS : celles ci "continuent à voir la main des multinationales dans divers programmes de l'organisation. La collaboration de l'OMS, avec les firmes multinationales, est considérée comme une soumission aux lois du marché, au détriment de la satisfaction des besoins des populations" (Joly, 1987 :244-245) L’influence des lobbies industriels à l’ONU L’influence des lobbies industriels, à l’ONU, ne se limite pas à l’OMS ou au FNUAP. L’affaire «du programme pétrole contre nourriture » de l’ONU a éclaté, en janvier 2004. Dans son dernier rapport, le 7 septembre, la Commission d’enquête indépendante mise en place, en avril 2004, par Kofi Annan, a dénoncé une conduite «illicite, non éthique et corrompue» au sein de l'ONU et blâmé le secrétaire général Kofi Annan, lui-même, pour ses négligences et ses erreurs. «Notre mission était de chercher des fautes de gestion, dans le programme «pétrole contre nourriture» et des preuves de corruption au sein de l'ONU et par des entreprises sous contrat. «Malheureusement, nous avons trouvé les deux», a déploré son président, Paul Volcker (Rosett, 2005). « Dans un précédent rapport, en août, la Commission avait établi que le Chypriote Benon Sevan, lorsqu’il était responsable du programme «pétrole contre nourriture», avait empoché près de 150 000 dollars en pots-de-vin » (Mauriac, 2005). Les directeurs de la Banque Mondiale ont quant à eux aussi interrompus les prêts à différents pays, lorsqu'ils se heurtaient aux intérêts des Etats-Unis (même si officiellement il s’agissait d'autres motifs) précise Eric Toussaint. Dans le même ordre d’idée, la Banque Mondiale a systématiquement tenté de mettre en échec les régimes considérés comme des menaces pour les intérêts américains Parmi certains exemples les plus connus en Afrique, citons la dictature de Mobutu au Zaire, celle de Idi Amin Dada en Ouganda, d'Habyarimana au Rwanda à partir de 1973, d’Idris Déby au Tchad (Toussaint, 2006). LA GOUVERNANCE NON DEMOCRATIQUE DE LA PRODUCTION ET DU COMMERCE PAR LES ENTREPRISES: Exploitation, commerce illégal et violation des droits L'exploitation légale par le capitalisme: premier facteur antidémocratique Marx explique que la pauvreté, l’exploitation des travailleurs permet leur domination et leur aliénation, qui limitent leur capacité à se former et donc leur capacité à tenir leur rôle de citoyen, c’est à dire à défendre la démocratie. Avant, de trouver d'éventuelles causes, relevant de l'illégalité, il faut en effet, chercher les causes de la pauvreté des pays en développement dans l’analyse marxiste notamment. Cette dernière explique les inégalités principalement par le rôle des infrastructures économiques, des rapports sociaux de production, les inégalités des termes de l’échange, la division internationale du travail entre le centre et la périphérie (Emmanuel, 1969)[1]. Cependant Gramsci, montre qu'il y a une interaction entre les infrastructures et les superstructures au sein "du bloc historique" et non un simple déterminisme des premières sur les secondes (Gramsci, 1975). Mais, en plus de l’exploitation inégale, il existe une exploitation illégale, que nous allons examiner. Sous payer les matières premières d'un pays La production du pétrole en Afrique, par les entreprises transnationales du pétrole permet d’engranger d’énormes profits, souvent au détriment du pays et surtout de la population. A ce sujet l’exemple d’Elf Total, une autre entreprise du pétrole, au Congo est fort instructif. Le président Lissouba a bradé à Elf, les parts que l’Etat du Congo-Brazzaville détenait dans Elf Congo. Le prix officiel de la vente était de 270 millions de francs, mais les estimations de la valeur réelle de ces parts sont de 4 à 16 fois supérieures! (LDC, 1997, 1998). Sous-évaluer la qualité du pétrole représente un autre technique, pour arriver au même fin. Les « cargaisons fantômes » : la non déclaration de la production Le Floch Prigent, ainsi qu’un ancien Ministre de l’Economie du pays ont reconnu que le CONGO aurait bénéficié d’au moins deux « cargaisons fantômes ». Dans les faits, un tanker vient chercher du pétrole ; il repart chargé mais cette cargaison, qui échappe à toute comptabilisation, s’évanouit dans la nature au profit des compagnies pétrolières et des élites dirigeantes du pays. Il n’est pas rare que la cargaison change plusieurs fois de propriétaire pour échapper à toute traçabilité (Harel, 2006). S’allier les services d’un élu grâce aux commissions et rétro-commissions Loik Le Floch Prigent, affirme lui-même dans un livre intitulé “Affaires Elf, affaires d’Etat” (2001), faisant le bilan de son procès, que “l’activité industrielle classique s’accompagne nécessairement de mécanismes qui permettent le financement d’opérations opaques (...). Au sein du groupe (Elf) qui fait deux cents milliards de francs de chiffre d’affaires par an, le volume de ces opérations (occultes) varie de trois cents à huit cents millions de francs). (...) Elf dépensait notamment ces fonds pour obtenir “des permis de forage” dans les pays ou la société n’était pas encore implantée. L’ensemble de ces commissions versées aux officiels du pays, via des intermédiaires, était d’un certaine façon le prolongement de la politique étrangère de la France, notamment dans les pays africains et c’est la raison pour laquelle le président d’Elf en informait la présidence de la république (française), ainsi que les ministres des Finances et du Budget” (Prigent, 55-56). “Disons que le président d’Elf est à la fois le président d’une société pétrolière et ministre bis de la Coopération. Et c’est justement parce ce que cette société avait un objet politique et diplomatique en Afrique qu’elle a de tout temps financé les services secrets (...). Elf a servi au financement du parti gaulliste, et a même été créé pour ça...” (...). Puis ce fut le tour du parti socialiste. Certaines de ces affaires ont défrayé la chronique judiciaire (affaire Dumas, Deviers Joncourt, Sirven, Elf Thomson, avions renifleurs, affaires des frégates, etc.). (Prigent, 2001 : 54-55 et 63-64). “L’ensemble de la classe politique savait qu’Elf faisait du financement politique”. Les rétro-commissions servaient “à mettre sous influence celui qui les percevait. Au cas où... Au cas une affaire comme l’affaire Elf leur péterait à la figure. Si tout le monde se sert du gâteau, plus personne ne plus rien dire.” (Prigent, 2001, 66-67).
Les intérêts des entreprises cachés derrière les guerres locales et nationales Parallèlement à la lutte entre transnationales, se déroule une lutte entre Etats. Il s’agit de conflits déclarés (guerre) ou secrets (tels la guerre froide). Ce qui est en jeu, c’est le nationalisme, c’est à dire la volonté de puissance (Nietzsche, 1976), psychologique, politique ou économique, des dirigeants politiques, économiques et parfois même des peuples. Par leurs actions diplomatiques, militaires, politiques, les élus politiques viennent appuyer le développement des entreprises capitalistes nationales (l'impérialisme). Derrière les conflits internes à une nation ou entre nations, il est rare qu’il n’y ait pas une quelconque influence d’un ou de plusieurs grandes puissances. En particulier, lorsqu’il s’agit des PED. Ne pas prendre en compte cette clé d’analyse, limite considérablement la compréhension du conflit en présence. Par exemple, le soutien de la France aux Hutus dans leur action de génocide envers les Tutsi (Coret, 2005) se comprend mieux lorsque l’on sait que les Tutsi étaient soutenus par les Etats-Unis notamment. De 1945 jusqu’en 1989 (la chute du mur de Berlin) la guerre froide a été un des causes importantes des conflits. Une majorité des conflits nationaux (Burkina Faso, Angola, Chili, Bolivie...) étaient renforcés, attisés ou créés par la lutte entre le camp occidental, contre le camp soviétique. Malgré le discours d’indépendance de la France envers les Etats-Unis, notre pays a soutenu régulièrement ce dernier, notamment en favorisant la diffusion de l’arme atomique au camp occidental (Israël, Afrique du Sud durant l’apartheid...) (Lorentz, 2001). Le Partage amiable des zones d'influence fait aussi parti des instruments de contrôle. Durant, la guerre froide, un accord tacite entre les Etats-Unis et la France a permis à cette dernière d'exploiter et de contrôler l'Afrique francophone, tandis que les Etats Unis s'octroyaient l'Afrique anglophone et l'Amérique du Sud (Verschave, 2003). Le soutien des Etats aux intérêts des grands propriétaires capitalistes L’Etat sert les intérêts des ETN, notamment pour des raisons d’indépendance énergétique nationale. M. Dominique Perreau, directeur des affaires économiques et financières au ministère des Affaires étrangères a déclaré que généralement "le ministre des Affaires étrangères use de son influence pour défendre les projets des compagnies françaises car l'Etat doit veiller à la sécurité des approvisionnements en pétrole et gaz naturel" (Aubert, 1999). Les présidents de la république jouent aussi le rôle de VIP pour les grandes transnationales de leur pays. Chirac était accompagné de plusieurs PDG, lors de son voyage en Chine, en octobre 2006. Nicolas Sarkozy fit de même et a ramené pour 20 milliards d'euros de contrats pour les entreprises françaises, lors de son voyage en Chine en 2007(Les Echos, 26:/11/2007). Une large partie du soutien de la cellule africaine de l'Elysée, vis à vis des dictateurs, des guerres, des déploiements de l'armée française, etc. vise à protéger les intérêts des entreprises françaises. Les gouvernements et les ministères sont parfois doublés par des officines parallèles. C'est le cas du réseau Foccart, travaillant pour Elf, qui dirigeait en sous main tout la politique africaine de la France. Le soutien de l’Etat aux transnationales renforce leur capacité d’exploitation légale et illégale. La cellule africaine de l’Elysée, le Ministère des Affaires Etrangères, de l’identité nationale et de la coopération... qui devraient normalement fonctionner dans la légalité ne respectent pas toujours l’Etat de droit. Par exemple, les observateurs du ministère de la coopération qui ont cautionné les élections truquées au Tchad en mai 2006 (Survie, 2005). LA GOUVERNANCE NON DEMOCRATIQUE PAR LA CONTROLE ET LA VIOLENCE (Pouvoir de la sécurité et de répression) Soutien militaire des grandes puissances dites démocratiques aux dictatures alliées Les républiques qui disent faire la promotion de la démocratie dans le monde, n’hésitent pas à appuyer les dictatures, lorsque leurs intérêts sont en jeu. Pendant les huit ans du règne Habré, la France n’a pas cessé d’accroître son aide financière et militaire à un régime qui préférait investir toutes les ressources du pays dans des dépenses militaires inconsidérées, à l’encontre des besoins fondamentaux de la population, comme la santé ou l’éducation. L’armée et l’administration "d’Hissène Habré engloutissaient chacune en moyenne 200 à 250 millions par an d’aide française. L’armée française a enfoui ses possibles états d’âme face aux 40 000 personnes exécutées, 50 000 personnes emprisonnées et 200 000 personnes dépossédées de leurs biens pour cause d’opposition au régime d’Hissein Habré” (Calatayud, 1992). Cacher un coup d’Etat par un gouvernement étranger derrière une fausse révolte populaire nationale En prenant l’aspect d’une rébellion classique, les mercenaires jettent le doute sur la légitimité de tel ou tel gouvernement et introduisent l’idée que le régime est précaire et n’a pas le soutien de toute la population et donc doit être condamné. Cela contraint donc le gouvernement à entrer en conflit et il devient alors l’agresseur aux yeux de la communauté internationale. De nombreux, putschistes et mercenaires sont financés par un Etat ou une entreprise étrangère, afin de servir leurs intérêts. Ainsi si le coup d'Etat réussit, ces derniers seront proches d'un pouvoir qui servira leurs projets économiques ou politiques. Si le coup d'Etat échoue, compte tenu du fait qu'ils ne sont pas les acteurs de ce coup de force, ils ont peu de chance d'être inquiétés. Lorsqu'un Etat A ne sert pas ou plus les intérêts des entreprises d'un Etat B, le gouvernement de ce dernier use parfois du coup d'Etat pour placer de nouveaux dirigeants au pouvoir, qui seront plus à même de servir leurs intérêts. Ce fut le cas, avec le gouvernement français qui décida de mener un coup d'Etat, via des rebelles locaux et / ou des mercenaires, notamment au Tchad, au Comores (avec Bob Denard),... Là encore, l’Etat agresseur peut les utiliser sans être mis en cause, comme lors du coup d’Etat aux Comores en 1995 ou Bob Denard arrive avec 33 hommes pour monter à l’assaut du palais présidentiel de Saïd Djohar. L’Etat français intervient et arrête les mercenaires qui seront emprisonnés sauf Bob Denard, évacué par un appareil de l’armée française (Caminade, 2003). La guerre au service des intérêts des entreprises nationales Officiellement, le départ pour la guerre contre une nation adverse est toujours légitimé par des mobiles vertueux, de hautes valeurs morales : la défense de la liberté, de la démocratie, de la justice. Mais derrière ces nobles motifs, les véritables motivations sont parfois moins claires. Les guerres permettent de contrôler économiquement un pays afin de permettre aux entrepreneurs privés d’une nation de s’accaparer les richesses (pétrole, uranium, minerais...) ou humaines du pays, Le Chili aura été terrain d’expérimentation des théories libérales de Milton Friedman consistant à mettre sous tutelle les pays producteurs de matière première (énergie, métaux, nourriture...) afin de garder la maîtrise de l’économie mondiale. Cela supposait de briser les gouvernements et l’économie de ce type de pays (Petras, 2001 : 114). La colonisation de l’Asie, de l’Amérique Latine et de l’Afrique sous le couvert d’apporter la civilisation visait d’abord cela. La traite négrière en Europe et en Amérique du Nord a servi cet objectif. La guerre des Etats-Unis contre l’Irak a permis à l’industrie pétrolière américaine de faire main basse sur les hydrocarbures du pays. Si la France s’est opposée à cette guerre, ce n’est pas seulement pour défendre l’Etat de droit, mais pour défendre les échanges privilégiés de ses industries avec l’Irak. Ce fut le cas par exemple de la Guerre du Biafra, dans laquelle la France soutenait les rebelles afin de récupérer le pétrole pour ses transnationales (Elf) (Verschave, 1999). Le secret de la raison d’Etat : la boite de Pandore contre la transparence démocratique Au delà du financement pas toujours très légal, des services secrets, les Etats, sous le motif de la raison d’Etat, classent « top secret » certaines affaires. Le fait qu’il faille parfois, pour des raisons de défense nationale invoquer le « secret d’Etat », engendre un biais très préjudiciable dans la transparence de la démocratie. Si au départ, les motifs sont légitimes, ensuite, la pratique se développe et les élus, ou les administrateurs de l’Etat utilisent le motif de la raison d’Etat pour dissimuler des éléments dont leurs citoyens devraient légitimement être informés. En 1989, par exemple, sous les motifs officiels de ne pas inquiéter la population, les français n’ont pas été informés à temps des retombées du nuage radioactif de Tchernobyl. En réalité, on peut supposer que le lobby militaro-industriel du nucléaire n’avait pas intérêt à laisser se développer une psychose autour du danger des centrales nucléaires. De plus, on observe parfois une collusion entre les services secrets et les intérêts économiques privés. Maurice Robert, était chef de la sécurité d'Elf et ancien chef des services secret français en Afrique, pivot du réseau Foccart-Chirac (Verschave, 2001, 32). Par ailleurs, certains présidents africains ont été chaperonnés par un colonel de la DGSE, soi‑disant chargé de sa sécurité, et de multiples conseillers français. Par exemple, tous les conseillers du « président » ivoirien Houphouët‑Boigny étaient français (Verschave, 2000). LA GOUVERNANCE PAR LA COMMUNICATION NON DEMOCRATIQUE La communication comme instrument de propagande Les campagnes de dénonciation des mouvements sociaux se heurtent aux campagnes de communication et de relations publiques des entreprises qui s'appuient sur une expertise et des ressources financières largement plus conséquentes. Les relations publiques sont ainsi qualifiées, dans les années 1920, "d'industrie du consentement" (Richter, 2004 : 149). Les relations publiques des entreprises sont, selon Harold D. Laswell, un de ses théoriciens, "la découverte que la propagande est moins coûteuse que la violence, la corruption, et autres techniques de contrôle" (Laswell, 1935: 524). Nous qualifierons pour notre part, de communication marketing, les pratiques de communication des entreprises qui visent à organiser le consentement du public, en s'appuyant sur des campagnes publicitaires, le packaging des produits et les relations publiques pour atteindre leurs fins, c'est à dire la maximisation de leur profit. La novlangue : transformer la langue pour cacher une politique mal acceptée La novlangue, de même que le langage politiquement correct visent à transformer le mot trop connoté politiquement, pour en substituer d’autres qui n’éveilleront pas l’attention. Les dirigeants néo-libéraux sont passés maitres dans cet art. Alain Bihr, a écrit un ouvrage intitulé La novlangue néolibérale. Le rhétorique du fétichisme économique (Bihr, 2007), ou il en donnent divers exemples. Ainsi, le NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique) lancé par l'axe FMI – Banque Mondiale, dans sa rénovation du vocabulaire de l'ajustement structurel. Ce dernier ayant subit de nombreuses critiques, ils cherchent à travers une nouvelle formulation (la novlangue) à laisser penser que l’on prend mieux en compte les besoins des plus faibles. Mais étant donné que les principes fondamentaux restent de nature néo-libérale, les plus démunis restent toujours sur le bord du chemin. La récupération conceptuelle au service de l’idéologie dominante Un autre instrument de l’hégémonie idéologique des néo-libéraux est leur aptitude à la récupération et à la manipulation conceptuelle, qui est relativement proche de la novlangue. La Banque utilise "des mots solennels et des formules magiques pour transformer la réalité (George, 1994 : 207). Face aux défenseurs de l'environnement qui risquaient de mettre un terme à la philosophie de la croissance illimitée, la Banque a utilisé la notion de développement durable en décrétant "la croissance durable". Celle-ci n'était dès lors plus menaçante, l'idée de durabilité neutralisant le danger de destruction. "Le mouvement de défense de l'environnement qui craint pour son avenir s'est vu ainsi privé de ses armes conceptuelles"(George, 94 :208) Enfin, les institutions de Breton Woods, exercent un pouvoir politique et culturel. Le rôle financier et économique n'est que la partie émergée de l'iceberg. La partie immergée relève donc de la foi, de la croyance, de la doctrine, du leadership intellectuel. Comme le dirait Pierre Bourdieu, la Banque est puissante parce qu'elle est capable d'échanger constamment du capital économique contre du capital symbolique et vice versa. Susan George décrit la Banque comme « la main invisible du "programme" planétaire mis en oeuvre par le capitalisme libéral. Dans son livre Crédits Sans Frontières, elle attribue donc au Fond monétaire international et à la Banque des attributs et un fonctionnement quasi religieux. La doctrine remplace alors l'argumentation, malgré le discours qui se veut scientifique c'est bien d'idéologie qu'il s'agit. LA GOUVERNANCE NON DEMOCRATIQUE PAR LE POUVOIR RELATIONNEL ET L'IDÉOLOGIE LE ROLE DES RESEAUX ET DES ASSOCIATIONS PROFESSIONNELLES Les associations professionnelles contribuant à l'élaboration des politiques internationales Les associations professionnelles (lobbies) exercent une influence parfois plus puissante sur les élus, que les électeurs eux-mêmes. En effet, de par leur position sociale, “ leur capital économique, culturel, symbolique, social (le réseau des relations)", tels que les définit Bourdieu, certains de ces individus, groupes ou lignées, influencent de façon plus ou moins indirecte, une part des décisions politiques et économiques internationales. Quelques-uns sont des leaders politiques de premier plan. Mais la plupart d'entre eux sont généralement inconnus du grand public, bien qu’ils occupent des postes hauts placés dans le secteur professionnel ou politique. Parmi, ces différentes organisations ont peu citer parmi les plus connus: CFR, Trilatérale, Bilderberg, WBRound Table, Bohemian Grove, Skulls&bones... Or ces réseaux exercent une influence parfois plus puissante sur les élus que les électeurs eux-mêmes. Gramsci (1975) a souligné le rôle des intellectuels dans l'hégémonie idéologique et la puissance des think thanks. Ces derniers sont des sortes de club de réflexion qui diffusent des idées. Les think thanks les plus influents, actuellement mettent la puissance de leurs idées et leurs meilleurs intellectuels au service de l’idéologie, des politiques des classes dominantes. Le sociologue français, Michel Crozier a ainsi réalisé, avec Samuel Huntington, un rapport en 1975, pour la commission trilatérale (Crozier) . Les dirigeants de la CCI, tel Maucher, ceux de l’ERT, et, des ETN telles Nestlé, Shell ou Unilever participent régulièrement aux rencontres de Davos et du groupe Bilderberg (Balanya, 2003). C'est dans ces lieux où se forgent les idées néo-libérales au plan mondial que ces derniers se réunissent tous les ans (Gill, 1990 : 127). Le groupe Bilderberg, fut créé en 1954, grâce à un cofinancement de Unilever et de la CIA. Selon le politologue Stephen Gill, Il a pour but “d’encourager des discussions ouvertes et confidentielles (...) entre les nations de l’axe atlantique" (Gill, 1990 : 127) en particulier les Etats-Unis et l’Europe de l’Ouest. Selon un ancien délégué du groupe, le consensus élaboré au sein de ce forum sert de base à l’évolution des politiques internationales. Bilderberg “compose la toile de fond des politiques qui sont mises en place par la suite. Ainsi, le Forum économique mondial à Davos en février, les rencontres Bilderberg et du G8 en avril-mai et la conférence annuelle du FMI et de la Banque Mondiale en septembre. Une sorte de consensus international émerge (...). Ce consensus devient la toile de fond des communiqués du G8; il inspire le FMI lorsqu’il impose le programme de réajustement à l’Indonésie, et la politique que le Président américain propose au congrès” (Armstrong, 1998). David Rockefeller fut le fondateur du Bilderberg, puis de la Commission Trilatérale. "Ces deux lobbies sont les véritables architectes de la mondialisation néo-libérale” selon M. R. Jennar (2005). D. Rockefeller a déclaré à Newsweek international, “quelque chose doit remplacer les gouvernements et le pouvoir privé me semble l’entité adéquate pour le faire” (Rockefeller, 1999). “Ce même personnage avait déclaré huit ans plus tôt devant la Commission Trilatérale: la souveraineté supranationale d’une élite intellectuelle et de banquiers est préférable au principe d’autodétermination des peuples” (Jennar, 2005 : 17). Certains auteurs, tel Fritz Scharpf, estiment que la légitimité par l'élection peut nuire au résultat, puisque le peuple n'est pas un expert (Scharpf, 2000), qu'il est versatile et émotif. Scharpf privilégie une gouvernance fondée surtout sur les outputs, c'est-à-dire la légitimité par le résultat notamment économique, plutôt qu’une légitimité issue de l’élection par les peuples. C'est sur ce type d'argument, fondé sur la légitimité par le résultat, que se sont appuyés les régimes autoritaires pour justifier leur autoritarisme, souligne Hermet (2003 : 21). C’est donc, pour leur éviter de commettre des erreurs nuisant à l'intérêt du peuple lui-même, que les élites proposent d’ériger la gouvernance, par les seuls experts et les élites économiques et politiques. La vision de Nietzsche illustre bien celles de certaines élites, tel Rockefeller. Pour Nietzsche, la démocratie est un fléau pour l'humanité, car elle inaugure le pouvoir de la masse, du peuple ignorant (Nietzsche, 1976). Spencer, un contemporain de Darwin, considérait que la loi du plus fort était une loi naturelle, qui devait s'appliquer aux sociétés humaines. Ne favoriser que les élites est préférable pour le développement de l'humanité, car c'est le sens de l'évolution naturelle, la sélection naturelle du plus fort sur le plus faible. Par conséquent, l'aide sociale, les services sociaux, l'école publique, sont nuisibles à l'humanité, car ils viennent gaspiller des ressources nécessaires pour développer les qualités des élites (Spencer, 1889). Romano Prodi figure notamment parmi ces élites. En 2006, il dirige l’Italie, or il a été auparavant membre du comité de direction du groupe Bilderberg. Avec Pascal Lamy, actuel directeur de l’OMC et autrefois représentant de l’UE à l’OMC, ils ont à participer aux réunions du groupe Bilderberg en 2001 et 2003. Tous les ans, les représentants de BP, Exxon, Shell, Unilever se rendent à la réunion annuelle du groupe Bilderberg (Balanya : 2005 :292). Précisons cependant, que le pouvoir des réseaux et des lobbies, n’est pas si important que certains voudraient le penser. S’ils disparaissaient, cela n’aurait qu’un impact relatif, dans la mesure, ou il ne sont qu’un aspect, parmi une bonne dizaine d’autres formes de gouvernance non démocratique. La puissance des réseaux contre la démocratie ? Après sa victoire aux élections présidentielles, Nicolas Sarkosy invite au Fouquet's, un palace parisien, les membres les plus proches de son réseau. On y trouvait notamment: B. Arnault, Bolloré, Dassault, Decaux, Bouygues (Parain d'un de ses fils), Desseigne (Barrière), Bernheim (Generali), Desmarais (Power Corporation), Kron (Alsthom), Frère (Suez), Proglio (Véolia)... (Chemin, 2005). De même au mariage de la fille de Bernard Arnaud, le 22 septembre 2005j, le magasine Paris Match, rapporte que 6 ministres en exercice étaient présents. Michel et Monique Pinçon, dans leur livre sur les grandes fortunes, montre que la richesse ne repose pas seulement sur l'argent mais sur des réseaux sociaux et un capital de privilèges socioculturels transmis par des dynasties familiales (2006). Cet aspect dynastique n'est pas sans rappeler les pratiques de la noblesse et de la royauté. Les privilèges officiels de l'aristocratie ont disparu pour la plupart (excepté pour certaines familles royales), mais cette pratique dynastique se perpétue, au plan social, économique et souvent même sur le plan du sang (mariage entre nobles). Parallèlement aux réseaux politiques, on trouve des réseaux économiques. Par exemple dans les relations entre la France et l’Afrique, les réseaux les plus influents sont ceux d’Elf-Total, Bolloré-Rivaud, Bouygues, Castel… Les réseaux religieux et ésotériques ont aussi leur place. Il y a notamment les groupes catholiques, le Vatican, l’Opus Dei, la Loge P2… Le réseau francs-maçons, en France et dans le monde, contribue parfois à limiter l'impartialité des juges. Le magistrat, Eric de Montgolfier, a dénoncé certains agissements, puis en janvier 2004, le magistrat Bernard Bacou décide de saisir lui-même le conseil supérieur de la magistrature au sujet de doyen des juges d’instruction du tribunal de Nice, en l’accusant d’impartialité et de solidarité criminelle entre des prévenus et lui-même. En effet, ce juge était membre des francs-maçons et jugeait une affaire dans laquelle l'accusé était lui même membre des francs-maçons. Or un des premiers serments de la franc-maçonnerie est le serment de solidarité (Etchegoin, 2004). L’influence des puissances économiques sur les dirigeants politiques repose donc notamment sur les relations liées à leur statut important (capital symbolique), de négocier des accords ou des lois grâce à leurs poids économique (capital économique), de placer leurs anciens dirigeants dans les appareils politiques (capital social). Ou à l’inverse, les grands propriétaires capitalistes sont aussi en mesure de s’acheter les services d’ex-homme d’Etat, de se servir de leur image, de leur notoriété, de leur reconnaissance sociale (capital symbolique). La gouvernance non démocratique issue de la dimension psycho-sociologique (Socio-Identitaire) Le besoin psychologique de pouvoir contre la démocratie On ne peut donc pas considérer que les problèmes politiques ne relèvent pas que de déficiences de nature sociale, mais aussi de faiblesses psychologiques donc individuelles. Plus les individus s’élèvent dans les structures du pouvoir économique ou politique, plus le besoin psychologique du pouvoir est susceptible d’être stimulé. Certains y succombent, d'autres non et d’autres préfèrent s'en écarter pour éviter ce type de difficultés. Ils s'en trouvent aussi qui restent pendant un temps à des postes de pouvoir sans succomber à ces vicissitudes. En effet, les problèmes d'ego et de pouvoir, d'agressivité, d'intolérance, etc. sont les premiers pas vers les pratiques anti-démocratiques, aussi bien au sein de la gouvernance globale non-démocratique, comme des mouvements sociaux d’ailleurs. Alfred Adler (1870-1937) est un des trois pères fondateurs de la psychanalyse avec Freud et Karl Abraham. Il va élaborer une théorie de la psychologie individuelle, fondée sur le besoin de puissance visant à compenser un sentiment d'infériorité inhérent à tout être humain névrosé. C’est à dire tout le monde… En effet, les meilleures lois, règlements et procédures promulguées par les organisations internationales, les Etats, les entreprises et même les associations ne suffiront pas à faire respecter la démocratie en leur sein et ni à l’extérieur. Car un comportement démocratique ne relève pas seulement d’un savoir faire. En effet, le dialogue démocratique suppose aussi le dialogue et l’écoute sincère entre les personnes, une certaine éthique de la discussion, une volonté de dialogue de chaque individu, une ouverture à l’autre dans le respect de ses limites, de ses différences... En un mot un savoir être ne se limitant pas à un savoir faire. Il y a peu d’espoir de “faire de la politique autrement” sans cette prise en mains du premier niveau politique: la conduite de chacun par lui-même. N’oublions pas ce vieil adage, “la fin ne peut justifier les moyens”. Pour cette raison l’autre pan de l’action politique, relève de l'action de soi sur soi. Les différences de respect des règles sociales aux 3 étages de la société Fernand Braudel a montré que, depuis les origines de l’humanité, se sont édifiés progressivement trois étages de l’économie, auxquels correspondent trois étages de la société. Les trois étages de l’économie se sont constitués à travers un processus d’éloignement. Au rez-de-chaussée, l’étage de fondement, se développe une économie non-monétaire, de survie, de subsistance familiale. Au premier étage, est pratiquées l’économie d’échange local, c’est l’étage de la régulation légale. L’étage supérieur, étant celui de l’économie monde, celui de l’accumulation (des ressources et de la puissance), de la distance, de l’opacité... A cet étage, les acteurs font le contraire de ce qu’ils disent. Ils incitent à la pratique des règles du marché, mais grâce à leur puissance et leur éloignement de l’opinion publique, ils cherchent constamment à constituer des monopoles. Braudel montre ainsi qu’il existe un étage intermédiaire qui pratique les règles du jeu ; un premier étage qui ne les pratique pas encore et un étage supérieur qui ne les pratique plus, tout en tenant un double langage. Le même schéma se retrouve au niveau politique. au rez-de-chaussée il y a le clan et la famille. Au premier étage, l’échange, le débat public, la démocratie locale et à l’étage supérieur la macro politique qui pratique le double langage. Ainsi, au 3è étage de la pyramide, lorsque l’on appartient au groupe des élites, ou de la même classe sociale, on peut être tenté de se considérer comme supérieur, au-dessus des lois. C’est ce qui explique ainsi, que tant des dirigeants politiques et économiques, tel le PDG d’Elf, Roland Dumas, ou Charles Pasqua, par exemple, dérapent et se retrouvent devant les tribunaux. Ils estiment qu’étant membres de l’élite, ils n’ont pas à fonctionner comme les autres, et qu’à la limite, s’ils le faisaient ce serait mauvais pour eux et pour l’intérêt général tel qu’ils le conçoivent. Ainsi, certains tels Rockefeller, se prononcent contre la démocratie car elle conduit à laisser le pouvoir à des ignorants et cela ne permet pas de prendre des bonnes décisions (Rockefeller, 1999). Ce sont les experts qui doivent décider. C’est pourquoi ils considèrent que, les référendums par exemple, tel celui sur le traité constitutionnel européen, sont préjudiciables à l’intérêt général, car les électeurs ne disposent pas de connaissances suffisantes pour voter en connaissance de cause. La pression sociale et l’imitation contre la légalité Beaucoup de citoyens ordinaires, s’ils étaient placés du jour au lendemain, aux commandes d'une transnationale exerçant des pratiques illégales ou d'une dictature, deviendraient probablement des dirigeants corrompus, ou des tyrans. D’une part pour des raisons psychologiques, liées au besoin de pouvoir (plus ou moins refoulé), tel que l’analyse Adler (1918). D’autre part du fait de la pression sociale de leurs collègues et de l’imitation, par l’isomorphisme (Powel, DiiMaggio: 1983 : 152), afin de rester conforme aux pratiques de ce milieu, à cette culture et de ces codes. L'individu tend à reproduire les pratiques de sa classe sociale. C’est le phénomène de "reproduction" décrit par Bourdieu (1972). Comme l'explique Braudel, lorsqu'un dirigeant exerce au "3e étage de la société", au sommet des responsabilités nationales et internationales, il reproduit les règles sociales, les pratiques de ses paires qui se sentent au-dessus des lois créées pour la masse des citoyens. Ils se considèrent être membres de l'élite, donc au-dessus de celles-ci. Les abus du pouvoir, ne sont donc ni uniquement de nature psychologique, ni uniquement liés aux structures sociales, tel que l’explique Braudel. C'est donc une erreur de penser que tous les grands dictateurs sont des psychotiques (même si cela a pu être le cas parfois), même si souvent le « le pouvoir total rend totalement fou ». Il existe donc une relation dialectique entre le besoin psychologique du pouvoir, les structures de domination politique et économique, qui nuisent à la démocratie. On doit donc considérer que les problèmes politiques relèvent aussi bien de déficiences de nature sociale, donc collectives, que de faiblesses psychologiques donc individuelles. Dialectique de l’individu et du collectif, du psychologique et du social C’est par un changement intérieur personnel (psychologique, pratique...), par le renoncement à son besoin de pouvoir sur l’autre, pour se consacrer à un véritable service des autres que la société évolue. En effet, lorsqu’une grande masse d’individus opèrent un changement de conscience, alors les règles sociétales, les lois internationales, les pouvoirs mondiaux se transforment vers plus d’équité. Ces changements de conscience et ses nouvelles règles sociétales, empêchent alors certains individus placés au sommet des organisations (économique, politique, sociale, religieuse…) de dériver vers leurs faiblesses (le besoin de pouvoir sans limite) qui les conduisent à reproduire les pratiques anti-démocratiques et parfois illégales des dirigeants précédents. C’est donc des changements intérieurs des individus qui agissent sur la régulation globale de la société, qui en retour façonnent de nouveaux individus par l’éducation des masses. Car une éducation des masses façonnées par des élites ou des peuples empreintes du besoin de pouvoir, ne fait que reproduire la situation en place. Car une éducation des masses façonnées par des élites ou des peuples empreintes du besoin de pouvoir, ne fait que se reproduire elle même. LA THEORIE DE LA DEMOCRATIE ET DE LA GOUVERNANCE Définition de la gouvernance adémocratique et illégale Robert Cox a développé une économie politique critique en prolongeant la pensée d’Antonio Gramsci au plan international. Cox distingue aussi « trois forces fondamentales : les forces matérielles, celle des idées, et celle des institutions. Mais, il n’y en a pas une parmi ces trois qui puisse exercer une action unidirectionnelle, car elles sont en interactions » (Cox 1996 : 96-99). Susan Strange (1196) ajoute à la tripartition de Gramsci et de Cox, un quatrième forme d'autorité, la sécurité (militaire, sociale, économique). Il y a un secteur qui est équitable et légal et démocratique (le visage officiel des relations Nord-Sud), cependant, celui-ci est lié à un pouvoir (la gouvernance) global - inégal - illégal, - et non démocratique. La gouvernance globale non démocratique de l'Afrique signifie donc le pouvoir (la gouvernance par les entreprises, les pouvoirs publics, l’armée...) inégal, illégal et non démocratique par des acteurs de nationalités multiples visant à perpétuer la domination et l’exploitation économique et politique en Afrique, (et non du monde). On observe dans la réalité, un continuum sans véritable rupture entre les pôles opposés que sont la gouvernance légale et illégale, démocratique et non démocratique, privée et publique. Provisoirement, nous définirons aussi la démocratie comme la participation du plus grand nombre possible d’acteurs légitimes à une décision favorisant l’intérêt général. Nous y reviendrons plus en détails dans la suite. La gouvernance non démocratique relève (et/ou) : - de la gouvernance légale (et/ou) -non transparente (occulte) par des acteurs non légitimes du fait de leur nature, car : non indépendants économiquement, non élus démocratiquement et dont les décisions sont insuffisamment participatives. - de la gouvernance illégale, c'est-à-dire ne respectant pas l’Etat de droit (les lois) - de la gouvernance inégale ne permettant pas l’égalité des conditions (Tocqueville), c’est à dire en terme bourdieusien une égalité au niveau du capital économique, social (réseaux, origines....), culturel (connaissance, éducation, temps disponible pour cela...), capital symbolique (diplômes, titres, statuts...) (Bourdieu). En résumé la gouvernance non démocratique est une gouvernance illégale, (et/ou) inégale, non transparente, par des acteurs non légitimes. La démocratie ne peut être effective si on relève notamment: L'inégalité dans la propriété et la gestion de l'appareil économique et financier, (pouvoir capitaliste) - L'inégalité du temps pour se former et pour militer (Braibant, 2005) - L'inégalité des niveaux d'éducation - L'inégalité des conditions (de vie et de biens) Tocqueville (1948) qui entraîne : Une inégalité dans se capacité à supporter les conséquences des lois du fait d'inégalité économique -Une différence de priorité politique (égalité contre liberté) dans le vote des lois du fait de l'inégalité des conditions de vie (Noberto Bobbio). En effet l'égalité juridique n'est pas réelle sans l'égalité économique et sociale (conditions de vie, possibilité de mobilité sociale) car l'exploitation économique capitaliste engendre la domination et l'aliénation des travailleurs. La gouvernance légale mais inégale et la gouvernance légale non démocratique Une grande partie de ce qui est décrit par FX Verschave, concernant ce qu'il nomme la «Françafrique», relève du légal. Par contre il s’agit de situation légale et en même temps inégale selon les partisans des politiques sociales. Par exemple lorsque Elf-Total va sous payer des ressources, tel le pétrole au Congo-Brazzaville (Verschave, 1999), une partie de ces transactions économiques s’inscrivent dans le champ légal, mais sont inégales. A un second niveau, on peut porter l’analyse sur le plan légal et non démocratique. Les dirigeants du G8, tels les présidents français Mitterrand, Chirac ou Sarkozy, ont généralement considéré que la gouvernance nationale et celle des organisations internationales sont légales et démocratiques. Dans une démocratie représentative, les dirigeants sont élus, donc il s’agit d’une démocratie. Cependant, un certain nombre d’auteurs Castoriadis (1996), Rosenvallon (1998) et d’associations telle Attac estiment qu’une démocratie représentative, si elle est bien légale, n’est pas véritablement démocratique. Sans démocratie participative, les citoyens ne peuvent plus participer aux décisions qu’une fois tous les 5 ans durant le mandat municipal ou présidentiel. De même le suffrage est censitaire au niveau de la Banque Mondiale et du FMI (George, 1994). La gouvernance illégale : le non respect de l’Etat de droit est non démocratique A un 3ème niveau on peut analyser la gouvernance entre les PED et les pays développés sous l’angle de l’illégalité. Le non respect de la loi généralisé signifie l'absence de l'Etat de droit. Nous retiendrons la définition première et minimum de l'Etat de droit, il s'agit d'un système institutionnel dans lequel les pouvoirs publics sont soumis au respect du droit[2]. Ce n'est donc pas une démocratie parfaite, mais un minimum à atteindre pour pouvoir approfondir les autres dimensions. L’illégalité est un des aspects du non démocratique. Car la démocratie suppose le respect de la légalité, c’est à dire de l’Etat de droit, mais aussi, de la transparence, de la légitimité des représentants, de la participation, etc. La définition de néo-patrimonialisme de Jean-François Médard (1995 : 325-339) vient souligner que la notion de légalité dépend aussi de la culture d’un pays. Cependant, dans un régime républicain occidental fondé sur le respect de l'état de droit, sur le respect des lois, sur une séparation claire entre les biens publics et privés, les pratiques néo-patrimoniales relèvent de l'illégalité. Les élus du peuple qui s'y adonnent devraient donc être punis par la justice, or c'est rarement le cas et lorsqu'ils sont inculpés, cela donne lieu souvent à des non-lieux ou à des légères peines, qui ne sont mêmes pas systématiquement appliquées. Concernant le procès Elf, quelques semaines après son incarcération, André Tarallo (le monsieur Afrique d'Elf), "en sortait pour raisons médicales" et ne devait plus jamais y retourner. M. Tarallo avait fait appel. Un an plus tard, en mars 2005, le jugement était encore plus sévère : sept ans d'emprisonnement ferme et toujours la même peine d'amende, 2 millions d'euros. Or, cette forte amende n'a toujours pas été acquittée (Robert, 2007). Le pire est atteint lorsque que la situation est inégale, illégale et non démocratique. C’est le cas lorsqu’un service secret (CIA, DGSE) ou une transnationale finance des mercenaires pour fomenter un coup d’Etat, comme ce fut le cas d’Elf au Congo- Brazzaville (Verschave, 2001). Une typologie et non une description générale d’un système de gouvernance Précisons tout d’abord qu’il s’agit, dans un premier temps, de présenter une typologie de la gouvernance illégale et non démocratique. Ce n’est donc pas une description de l’étendue de la gouvernance illégale. Cela ne signifie aucunement que les citoyens des PED, n'aient aucune responsabilité et que la dimension illégale de la carence démocratique soit dominante. En effet, pour décrire le pouvoir (effectif) d’une forme de gouvernance illégale et non-démocratique sur la société, il faut être en mesure d’en établir : - Quel est le nombre et le pourcentage des décisions? - Les décisions illégales sont elles fondamentales ou secondaires ? - Ces actions sont-elles structurelles ou conjoncturelles ? - Ces actions sont elles intentionnelles ou involontaires ? (Quelle est le degré d’intentionnalité des décisions?) Il ne s’agit donc ni d’en conclure, que les formes d’illégalité, telle la corruption sévissent partout et tout le temps ni à l’inverse d’en conclure que nous n’avons affaire qu’à un phénomène marginal. Les dirigeants politiques et économiques, qui observent le système capitaliste, repèrent les erreurs du système, mais ne les corrigent pas toujours, en particulier lorsque les dysfonctionnements (les injustices) les avantagent. Par exemple, le développement de la sous-traitance contribué à affaiblir le syndicalisme. Il n’a pas été pensé pour cela au début, mais a été utilisé pour cela ensuite. Une majorité des acteurs appartenant aux classes dominantes ont des intérêts communs. C’est pourquoi, il n’est pas nécessaire qu’ils s’organisent systématiquement et qu’ils se téléphonent, pour fédérer ses intérêts convergents. La gouvernance capitaliste globale fonctionne majoritairement ainsi dans sa dimension légale. Cependant, certains types d’actions illégales tels les coups d’Etats, les élections truquées, elles, sont généralement pensées dès leur origine. Est-ce un système structuré, ou des décisions éparses et sans liens entre elles qui sont le fruit des hasards de la conjoncture et donc disposant d’une importance secondaire ? On relève que les pratiques de la françafrique durent au moins depuis la décolonisation, donc depuis plus de 50 ans. Pierre Péan, Smith et Glaser, François Xavier Verschave (Françafrique (1999), Noir Silence (2000), ou Noir Chirac (2003)) notamment, montrent à travers leurs différents ouvrages, qu’il y existe un système structuré concernant certains aspects de la gouvernance illégale (le mercenariat, la corruption, le détournement des matières premières...). Cependant, cela ne signifie pas pour autant, que l’ensemble de la gouvernance de l’Afrique, relève de l’illégalité. ...). Mais un faible nombre d’actions illégales, si elles déterminent l’orientation à long terme d’un politique nationale, deviennent alors fondamentales. Conclusion Essayons à présent de hiérarchiser les différentes formes de pouvoir qui sont responsables de la situation actuelle de la pauvreté et des inégalités dans le monde. La première cause, relève de l’éducation dans l’enfance et de la dimension psychologique. La seconde cause qui explique les inégalités sociales relève des déterminismes de la gouvernance économique, financière et idéologique. Gramsci (1975), puis Cox (1996) ont montré l'interaction entre les superstructures et les infrastructures, entre les forces productives et l'idéologie (de l'Etat, de la société civile...). Comme l’a montré Marx, les inégalités sont donc le résultat d'une lutte des classes, de l'exploitation, de la domination et de l'aliénation. Le capitalisme national et mondialisé reste donc la cause dominante, après la dimension psycho-sociologique, liée au besoin de pouvoir. Par conséquent, c'est autant le pouvoir et les causes politico idéologiques que le pouvoir et les causes économiques qui peuvent expliquer les inégalités actuelles mondiales et non la seule dimension économique. En particulier, c'est le pouvoir politique des propriétaires des biens économiques (finance et moyens de production), (les capitalistes) qui domine largement le pouvoir politique des dirigeants des pouvoirs publics. Donc, pour reprendre notre typologie il s'agit de la gouvernance économique, financière, idéologique et de la gouvernance par les pouvoirs publics (nationaux et internationaux). Le 4e niveau du pouvoir ou de la gouvernance regroupe la gouvernance par la violence (policière, militaire...), le pouvoir relationnel (les réseaux) et la gouvernance nationaliste (impérialiste). La dimension illégale vient donc renforcer les carences de la gouvernance non-démocratique, mais reste finalement secondaire, même si elle semble largement sous-estimée. En effet, les causes premières sont les insuffisances psychologiques (besoin de pouvoir égocentrique), les carences de la démocratie (politique, économique et sociale), puis les causes économiques (le capitalisme économique) et enfin l'illégalité. De même, si le capitalisme économique et politique peut expliquer la situation mondiale actuelle d'inégalité extrême, le libéralisme (avec sa dérégulation) ne vient que le renforcer, en accentuant encore les tendances vers le non respect des règles de certains des élites (la corruption). Ainsi, si le capitalisme libéral n'est pas la cause première des inégalités, il vient largement renforcer les faiblesses humaines (le besoin compulsif de pouvoir), le manque de démocratie et la tentation de la corruption et de l'illégalité. BIBLIOGRAPHIE BRAIBANT Patrick, 2005, Lettres aux anticapitalistes et aux autres sur la démocratie L'harmattan. ADLER Alfred, (2006) Théorie et pratique de la psychologie individuelle (1918), L'harmattan. 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[1] Emmanuel Arrighi, L'échange inégal. Essai sur les antagonismes dans les rapports économiques internationaux (Maspero, 1969) [2] Dans cette seconde définition (que nous ne retiendrons pas), l'Etat de droit se compose du respect des droits fondamentaux (civils et politiques), l'Etat libéral (Etat minimum, régalien, gendarme) et la démocratie libérale (pluralisme des partis, suffrage universel). "L'Etat de droit apparaît comme une organisation politique et sociale destinée à mettre en oeuvre les principes de la démocratie libérale" (Chevalier, Jacques, 1994, L'Etat de droit, Paris, 2e Edition, p.54).
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Man who used 3D printer to build gun jailed
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The harm the viable weapon could have caused was catastrophic, Lancashire
Police said.
1 hour ago
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