samedi 7 mars 2009
Le dîner 2009 du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) aura, le 2 mars, battu tous les records : d’affluence (plus de 1 000 participants), de représentativité (le premier ministre François Fillon et le gros du gouvernement comme de la classe politique, sauf le PCF et les Verts, non invités), d’œcuménisme (les dignitaires des principales confessions, islam compris). Même le président de la République, dont l’Elysée avait annoncé l’absence, a fini par passer une demi-heure, de retour d’Egypte.
Le président Richard Prasquier et, à sa suite, le chef du gouvernement, auront, hélas, battu un autre record : celui de la manipulation politique et idéologique. Rien de plus légitime, pour le CRIF, que d’appeler à la vigilance contre les manifestations d’antisémitisme, qui se sont, explique-t-il, multipliées pendant l’offensive israélienne contre Gaza. L’expérience du début des années 2000 incite toutefois à manier prudemment les chiffres ; à ne pas mélanger courriels, graffitis et violences contre des fidèles ou des lieux de culte ; à ne pas accuser en bloc et sans la moindre preuve les jeunes Français d’origine arabe ou de religion musulmane, eux-mêmes victimes de nombreuses agressions racistes ou islamophobes – sans oublier la répression au faciès…
Le danger du « deux poids deux mesures » n’a d’ailleurs pas échappé à M. Nicolas Sarkozy qui, dans le bref moment qu’il a consacré à la soirée, a tenu à préciser : « Quand on s’en prend à un juif parce qu’il est juif, c’est toute la France qui doit se sentir solidaire. Je dirais la même chose s’agissant de l’islamophobie. Les antisémites, les islamophobes, les racistes n’ont rien à faire sur le territoire de la République française. »
Là où la légitimité s’arrête, c’est quand M. Prasquier — malheureusement suivi par le premier ministre — dénonce comme antisémites les participants aux défilés de solidarité avec Gaza, allant jusqu’à exclure de son dîner les Verts et le Parti communiste français — PCF (1) —, accusés de « ne pas s’être élevés contre le kidnapping (sic) des manifestations par des mouvements islamistes, avec des slogans antijuifs ». Quiconque y a pris part sait pourtant que ces débordements furent à la fois marginaux et unanimement condamnés. Quand, à l’issue d’un cortège du CRIF, le 7 avril 2002, les nervis du Betar et de la Ligue de défense juive (LDJ) s’en prirent aux passants d’origine arabe, accusa-t-on M. Roger Cukierman, alors président du CRIF, d’avoir conduit une « ratonnade » ? Question toujours d’actualité : qui protège la LDJ, interdite aux Etats-Unis et en Israël, mais autorisée en France malgré ses violences récurrentes ?
Loin d’être un signe de force, ces dérapages du CRIF révèlent sa faiblesse. Ses dirigeants n’ont certes pas renoncé à pratiquer le chantage à l’antisémitisme pour mieux défendre la politique israélienne. Dernière preuve en date : dans le climat du dîner, M. Fillion s’est cru obligé de menacer de boycotter la seconde conférence des Nations unies sur le racisme à Durban, si Israël y était « stigmatisé » ! Mais, après Daniel Mermet, Charles Enderlin, Edgar Morin, Pascal Boniface et tant d’autres, Siné vient d’être blanchi de l’accusation d’antisémitisme lancée contre lui par la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA).
Dans Charlie Hebdo, le 2 juillet 2008, le dessinateur avait en effet critiqué l’arrivisme de M. Jean Sarkozy, évoquant sa possible « conversion au judaïsme pour épouser sa fiancée, juive, et héritière des fondateurs de Darty » et concluant : « Il fera du chemin dans la vie ce petit. » Philippe Val en avait pris prétexte pour chasser Siné de son journal, provoquant une levée de boucliers de la part des (véritables) défenseurs de la liberté de la presse et la naissance d’un concurrent à succès intitulé Siné Hebdo. Si nous mettons ici en ligne l’intégralité de ce jugement sur le fond, c’est qu’il marque sans doute un tournant. Il y a des méthodes qui ont fait long feu…
(1) A l’époque où le PCF mettait sur pied la résistance armée, en s’appuyant notamment sur la main d’œuvre immigrée, avec ses nombreux militants juifs, l’Union générale des israélites de France (UGIF), mise en place par Vichy, collaborait aux rafles et aux déportations. C’est aussi pour tourner cette page noire que le CRIF fut créé en 1943.
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