Les Fossoyeurs Français du
Congo Brazzaville
TOUBON et compagnie, meilleurs
amis du Congo de NGUESSO
Par Th. FESSY - A. ZAJTMAN - C.
NININ | Journalistes
Contredisant
l'Union européenne, l'ancien ministre et des députés ont applaudi les conditions
de la réélection du président Congolais.
Le scrutin présidentiel du dimanche 12
juillet au Congo-Brazzaville a permis, sans surprise, à Denis SASSOU
NGUESSO de s'offrir un nouveau mandat de sept ans.
Totalisant déjà vingt-cinq années au
pouvoir, "Papa Sassou" (comme il se fait
appeler) a donc été réélu avec 78,6% des suffrages pour un taux de
participation s'élevant officiellement à 66%, bien surprenant quand on sait le
peu d'électeurs qui se sont rendus aux urnes.
La question de la
participation est cruciale : en appelant les électeurs au boycott des
urnes, les principaux opposants en avaient habilement fait l'enjeu véritable du
scrutin.
Si nous n'avons vu aucune file d'attente
-hormis celle, très bien organisée, à la mairie de Ouenze quelques minutes
avant l'arrivée du président sortant et de son épouse- nous avons cependant
croisé quelques députés Français visiblement ravis de leur petite balade
électorale dominicale.
"Ne
soyons pas des Occidentaux arrogants. Essayons d'aider les Africains"
Ce qui nous a surpris : ni l'Union
Européenne, ni la France n'avaient envoyé de mission d'observation pour ce
scrutin. Ces élus répondaient en réalité à l'invitation de membres ou organes
du gouvernement Congolais. Parmi eux, le député Européen UMP sortant Jacques
TOUBON.
Ce proche de CHIRAC, ancien
ministre de la Justice, a balayé devant la presse internationale les réservées
émises par Miguel AMADO, le chef de la délégation de la Commission
Européenne :
"Ne soyons pas des Occidentaux
arrogants. Essayons d'aider les Africains et non de les condamner avant qu'ils
n'aient fait quoique ce soit, ce qui a été le cas en particulier du
représentant de l'Union européenne"
Miguel AMADO avait en effet expliqué
l'une des raisons ayant poussé l'UE à ne pas envoyer d'observateurs :"Les
corrections apportées depuis le scrutin de 2002 ne sont pas
suffisantes"
Le diplomate pointait
notamment du doigt le recensement électoral qui "n'a pas été
fait en bonne et due forme", faisant remarquer qu'un
fichier électoral de 2.2 millions d'électeurs pour une population totale
estimée à 3.8 millions d'habitants, "c'est trop, surtout en
Afrique où un grand pourcentage de la population est jeune"
Regrettant de "ne pas
avoir été préalablement informé de leur visite", l'ambassadeur de
l'UE a reconnu avoir eu un "échange tendu" avec
les édiles français, et notamment avec Jacques TOUBON. Rappelons
que ce dernier a été nommé le 21 juin par Nicolas SARKOZY à la
tête d'une mission chargée de préparer et d'assurer la mise en œuvre d’une
initiative "2010 – Année de l’Afrique"
"Un
grand moment démocratique" pour le député-maire UMP d'Elancourt
A la tête d'une obscure Coordination des
observateurs franco-africains (Cofa), se déplaçant dans le sillage de"Papa
SASSOU" le jour de l'élection, on trouve Jean-Michel
FOURGOUS, député UMP.
Le président du groupe Amitié
France-Gabon de l'Assemblée nationale a expliqué qu'il était là pour
représenter son homologue d'Amitié France-Congo (François
Michel-GONNOT), ce dernier n'ayant pu faire le déplacement pour ce "grand
moment démocratique".
Dès 11 heures du matin, le maire
d'Elancourt affichait sa satisfaction devant la presse Congolaise : "L'élection
est libre (…), le taux de participation va certainement dépasser les 50% (…),
la démocratie fonctionne"
Le lendemain, il cosignait avec Jean-François
MANCEL, député UMP de l'Oise faisant lui aussi partie de la Cofa, un
communiqué dans la presse progouvernementale en forme de diatribe contre Miguel
AMADO, indiquant même qu'ils demanderaient des "sanctions" à
l'encontre du représentant européen.
De son coté, l'ambassadeur de France Nicolas
NORMAND, a refusé de répondre à une interview au sujet de ces députés et
autres personnalités françaises venus observer les élections.
Nous recevant tout de
même après que nous avons été brutalisés lors d’une manifestation d’opposition
par les forces de l’ordre -nos équipements ont été confisqués et
détruits-, Nicolas NORMAND affirme lui aussi ne pas avoir été
mis au courant de l'arrivée des députés pour l'observation du scrutin.
FOURGOUS
et MANCEL sont des proches du régime de Denis SASSOU NGUESSO
Amis de la famille KOLELAS -des
opposants historiques ralliés à SASSOU-, les députés FOURGOUS etMANCEL constituaient
ainsi la "délégation française" lors de
la création de la Conférence des démocrates humanistes africains (Codeha) fin
avril. Son coordinateur n'est autre que Guy Brice Parfait KOLELAS,
ministre Congolais de la Pêche.
De même, Jacques TOUBON, venu
à Brazzaville en compagnie de Patrick GAUBERT, président de la
Licra, ancien conseiller de Charles PASQUA et député européen
jusqu'en juin dernier, répondait à l'invitation de la Commission nationale des
droits de l'homme, contrôlée par le régime Congolais.
Patrick GAUBERT au Congo ? On se
souvient de son rôle controversé dans l’affaire des disparus du beach, dénoncé
par la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH).
En 1999, ces 353 réfugiés, rapatriés du
Congo-Kinshasa voisin par le HCR après la guerre pour être remis aux
autorités de Brazzaville, n'ont jamais été revus par leurs familles. Un procès
tenu par la justice Congolaise en 2005 n'avait pas permis de faire la lumière
dans cette affaire.
Selon la FIDH, GAUBERT a
fait pression, en 2004-2005, sur les familles des disparus pour qu'elles
abandonnent les poursuites intentées en France contre plusieurs responsables du
régime de Denis SASSOU NGUESSO.
Le
représentant des éditions L'Harmattan mélange les genres
Avant le scrutin, quelques 350
observateurs de la dite société civile -elle aussi sous contrôle du régime en
place- ont reçu le manuel du parfait observateur, rédigé et signé par Anatole
COLLINET MAKOSSO.
Ce dernier est aussi
représentant des éditions L'Harmattan à Brazzaville, et co-auteur d'un livre
sur l’affaire des disparus du beach publié par l'éditeur parisien, le seul
ouvrage sur ce thème… qui nie la disparition des 353 réfugiés Congolais.
Interrogé sur la compatibilité de toutes
ses fonctions en période électorale, Anatole MAKOSSO assure "être
capable de dissocier" ses occupations pour livrer une analyse
impartiale du scrutin.
La plupart des 350 observateurs, dont
Geo-Ecostrapol compilera les conclusions, ont pourtant été recruté dans les
rangs de l'association Concertation pour l'encadrement de la jeunesse, fondée
et présidée par le mêmeMAKOSSO.
Pour
TOUBON, "plus difficile d'avoir des cadenas à Brazzaville qu'à la
Samaritaine"
Jacques TOUBON a lui aussi émis quelques réserves, pour
la forme. L'ancien maire du XIIIe arrondissement de Paris a constaté que "beaucoup
d'urnes n'étaient pas fermées, faute tout simplement de cadenas", avant
d'ajouter qu'il est "probablement plus difficile d'avoir des
cadenas à Brazzaville qu'à la Samaritaine à Paris".
Selon TOUBON, ce sont des
élections qui "correspondent à l'état de la démocratie dans un
pays comme le Congo". Les critères de démocratie et de droits
de l'homme ne sont-ils pas universels ? Réponse : "Du
haut de votre arrogance, vous jugez les Africains."
Dans un pays où, selon
les Nations unies, 70% de la population vit encore sous le seuil de pauvreté,
nombre de Congolais nous ont pourtant répété tout au long de notre séjour
qu'ils voudraient percevoir les dividendes de la manne pétrolière et de la
coupe du bois. Les entreprises françaises Total et Bolloré en ont les plus gros
contrats.
Bourrages
d'urnes, fichier électoral obsolète, dépouillement à la bougie…
La France continue-t-elle d'apporter un
soutien infaillible au régime de Denis SASSOU NGUESSO ?
Ce serait critiquable,
après les deux prises du pouvoir par les armes de l'intéressé -en 1979 lors
d'un coup d'état, et en 1997 à l'issue d'une guerre civile qu'il a provoquée-,
et après une élection considérée comme non démocratique par les observateurs
internationaux en 2002.
Pourtant, les hommes politiques Français
rencontrés le jour du scrutin encensaient la stabilité retrouvée sous le régime
de SASSOU, refusant d'admettre que la confiscation de l'espace démocratique par
le pouvoir porte en elle les germes même de la contestation par les armes, de
la gabegie et du sous-développement.
Ce dimanche électoral, nous avons ainsi
été témoins d'une distribution de billets par "des hommes du
Rassemblement pour la majorité présidentielle", comme les
décrivent les habitants, dans un quartier sud de Brazzaville, où l'abstention a
été la plus élevée.
"Ils donnaient de
l'argent en échange du vote pour Denis SASSOU NGUESSO", a expliqué un
habitant. "On ne peut pas nous intimider avec de
l'argent ! ", s'est exclamée une jeune fille.
L'Observatoire Congolais des droits de
l'homme (OCDH), membre de la FIDH, a rapporté nombre d'irrégularités lors du
scrutin, boycotté par six candidats de l'opposition. Bourrages d'urnes
-peut-être facilités par l'absence de cadenas que relevait Jacques
TOUBON-, fichier électoral non mis à jour, électeurs n'ayant jamais reçu
leur carte, bureaux de vote installés chez des particuliers, dépouillement à la
bougie à défaut d'électricité… la liste est longue.
Quand
l'ambassadeur de France oublie d'inviter les médias internationaux
Surtout, l'OCDH, qui avait déployé 47
observateurs, estimait qu'il serait "un miracle de voir le taux
de participation dépasser 20%", loin des 66% proclamés par la
commission nationale électorale.
Cette faible affluence
est pourtant signe de la désaffection des Congolais pour un exercice électoral
proposé par "Papa SASSOU". Le président sortant avait au moins
le soutien de ses thuriféraires venus de France, dont la liste comprend
aussi Marcel CECCALDI, ex-conseiller juridique du Front national.
Au cours d'une conférence de presse à
laquelle les medias internationaux n'ont pas été invités -sur consigne du Quai
d'Orsay, comme on l'a appris de sources diplomatiques- l'ambassadeur de France
a pourtant lui aussi salué"le bon déroulement et la bonne
organisation de l'élection", qui devrait permettre au
Congo "d'entrer dans une ère de stabilité favorable à son
développement".
Pas de mot à la presse internationale
donc. Cette dernière, et France 24 et RFI en particulier, ont pourtant été la
cible d'éditoriaux enflammés de journaux progouvernementaux dont Les Dépêches
de Brazzaville, dirigé par un Français et sponsor du centre culturel français
de la capitale Congolaise, où l'on ne trouve pas, comme dans ses homologues des
pays africains, de posters de RFI ou de France 24.
Menaces téléphoniques en pleine nuit,
visite d'agents des services de renseignements à l'hôtel et autres
intimidations ont suivi, jusqu'à l'agression policière contre France 24 et la
BBC lors de la répression d'une manifestation pacifique d'opposants.
Quand
l'ex-colonie érige une statue de son colonisateur français
Une anecdote pour finir : parmi les
réalisations de "Papa SASSOU", on peut citer
l'érection d'une statue et d'un mausolée, à la gloire de Pierre
SAVORGNAN de Brazza, père de la colonisation Française au Congo et au
Gabon.
Le monument, de dix mètres de haut, a été
érigé et inauguré à grand frais en 2006, en présence de SASSOU,
feu Omar BONGO, Philippe DOUSTE-BLAZY, alors ministre
des Affaires étrangères, et même Bernard KOUCHNER, qui n'occupait
pourtant pas de fonctions officielles à l'époque.
Le coût du monument, de plusieurs millions
d'euros, avait été pris en charge par les gouvernements Congolais, Gabonais, et
des entreprises Françaises.
Une ex-colonie qui célèbre son ancien
colonisateur ! Voilà qui en dit long sur le mariage grassement consommé
entre la France et le régime de SASSOU NGUESSO.
Nicolas SARKOZY avait promis qu'il y
mettrait un terme, mais au Congo-Brazzaville, la Françafrique a de beaux jours
devant elle.
A lire aussi sur Rue89
et sur Eco89
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