mis en ligne sur www.FranceForBarackObamaBlog
Par Vladimir Fédorovski,
Essayiste, professeur à HEC & Ancien diplomate russe
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Quel que soit le candidat remportant l’élection présidentielle de novembre 2008, dans le contexte de la crise économique et morale, l’Amérique entre à reculons dans une nouvelle ère.
Les traits de son nouveau visage sont encore flous, mais ils laissent entrevoir des facettes inédites de son mythe historique. Le philosophe anglais Francis Bacon avait déjà mis en exergue cette Nouvelle Atlantide, débarrassée des inégalités et des cruautés de son temps, hissant au plus haut le flambeau de la liberté humaine. Pendant des années, cette image enflamma le cœur de nombreux immigrés. Pour eux, la statue de la Liberté n’était encore qu’une vision apparue dans la brume. Un espoir fou, ce rêve qui habite les candidats à l’immigration dès avant leur embarquement pour le voyage de la dernière chance. Ce sont ces douze millions d’étrangers qui, entre 1892 et 1954, ont fait la traversée depuis le Vieux Continent, pour échouer à Ellis Island, à quelques miles de ce Manhattan aux mille lumières, qui scintillait comme l’or; douze millions d’hommes, de femmes, d’enfants qui avaient quitté la misère des pays d’Europe de l’Est et du Sud, ou de plus loin encore, pour la terre promise. La terre où tout était possible sur un simple coup de dés ou, autre scénario, à force de travail, de volonté et de foi. [...]
Dès le début du XXe siècle, l’Amérique devint un centre scientifique mondial, orienté vers l’application pratique. Quand le fléau hitlérien s’abattit sur le Vieux Continent, le pays rassembla la fine fleur de la physique et des mathématiques modernes. Plus tard, ses fabuleuses réalisations économiques se répandront à une vitesse vertigineuse sur le reste de la planète, portant au pinacle le plan Marshall entre 1948 et 1952. Même dans les années quatre-vingt, l’Amérique semblait encore incarner une partie de son mythe, contribuant à l’accélération des échanges internationaux et stimulant, par ses importations, l’économie japonaise en crise ou encore la croissance chinoise post-maoïste. Dans le même temps, le gendarme américain revenait en force en Bosnie, au Kosovo ensuite, pour porter secours aux Européens indécis.
Puis, en quelques années seulement, avec George W. Bush, le message de l’Amérique fut de plus en plus contesté dans le monde. En effet, Washington semblait briser l’entente quasi universelle, pratiquant le gaspillage irresponsable des ressources naturelles, bouleversant l’écologie et systématisant les cultures d’organismes génétiquement modifiés, ou affichant sans vergogne son fondamentalisme religieux. Sans oublier le visage d’une Amérique gouvernée par un président fervent partisan de la peine de mort.
Ce Nouveau Monde était en train de rompre le lien viscéral avec la vieille Europe, renouant avec un lourd héritage des folies des XIXe et XXe siècles : nationalisme exacerbé, intolérance religieuse, mais aussi prétentions impériales et exaltation de la force militaire. [...]
Avec Bush, l’Amérique abandonna toute prudence dans le domaine stratégique, au profit d’une conception de la reconquête impériale ouvertement proclamée. Les effets de cette stratégie sont en tout cas bien là : l’intervention militaire au prix de milliers de vies sans perspective politique en Irak, protectorat coûteux de facto établis en Afghanistan, et l’incapacité de régler le conflit israélo-palestinien.
À dire vrai, l’Amérique de Bush semblait devenir l’obstacle majeur à la naissance d’un ordre mondial plus juste, et sa puissance, loin de stabiliser la situation, fragilisa le monde. Mais l’ère Bush s’achève.
Barack Obama crève un abcès, et les humeurs putrides qui s’en écoulent emportent l’inévitable Hillary Clinton. Déficit du commerce extérieur, bourbier irakien, obsession du terrorisme pour justifier tous les abus, élus vendus aux lobbies (Biopharma, assurances, agri-business, énergie), fantôme de la crise de 1929…
Comme à la veille de la guerre de Sécession, comme à la veille de la grande crise de 1929, l’Amérique est en train de changer de structure. Une nouvelle donne s’impose, remplaçant peu à peu les certitudes du passé. Dans un tel contexte, Obama devient l’emblème de cette Amérique émergente. [...]
Toute une génération, comme en 1960, entend tirer un trait sur le passé et cherche un leader pour assurer le renouveau de l’Amérique. Le flamboyant sénateur de l’Illinois réussit à dépasser les clivages entre les partis établis depuis ces trente dernières années, sachant que les Clinton en ont joué, et ont finalement ainsi contribué à l’affaiblissement du pays. « Les Américains recherchent le candidat qui rassemble, qui efface les divisions présentes », et Obama semble davantage capable de séduire.
Obama en 2008? 2012? 2016? Le jeune sénateur incarne désormais une Amérique métissée, refondant une gauche ringarde et promettant «la révolution» à la Maison-Blanche. Sa percée féerique l’a d’ores et déjà fait entrer dans les annales, quels que soient les résultats de la présidentielle de novembre 2008.
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extrait de la préface du livre ”Barack Obama : le roman de la nouvelle Amérique” aux Editions du Rocher
REPRODUCTION STRICTEMENT INTERDITE
Directement disponible sur : http://www.franceforbarackobama
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