LOS ANGELES (AFP) - Une controverse a éclaté entre les deux célèbres réalisateurs américains Clint Eastwood et Spike Lee sur le rôle des soldats noirs pendant un épisode de la Guerre du Pacifique en 1945.
Spike Lee, porte-voix de la communauté noire américaine grâce à des films comme "Do the right thing", "Malcolm X" ou encore un récent documentaire sur le cyclone Katrina à La Nouvelle-Orléans, a lancé la polémique lors du dernier festival de Cannes, prenant Eastwood pour cible.
Il reprochait à l'acteur et réalisateur de 78 ans, quintuple lauréat d'Oscars, de ne pas avoir fait figurer de soldats noirs dans ses deux films sur la bataille d'Iwo Jima, "Mémoires de nos pères", et "Lettres d'Iwo Jima", sortis fin 2006.
"Clint Eastwood a fait deux films sur Iwo Jima qui dépassaient les quatre heures au total et pas un acteur noir n'est vu à l'écran", avait dit Lee.
"Dans sa version d'Iwo Jima, les soldats noirs n'existaient pas", a encore affirmé Lee, en promotion de son film "Miracle at St. Anna", sur la contribution des Noirs dans l'armée américaine pendant la Seconde Guerre mondiale.
Mais Eastwood a répliqué sans mâcher ses mots, dans un entretien publié vendredi dernier par le journal britannique The Guardian, intimant l'ordre à Lee de "la fermer".
"A-t-il seulement étudié l'Histoire?", a demandé l'ancien "homme sans nom" des westerns de Sergio Leone, en défendant la distribution de "Mémoires de nos pères", l'histoire des soldats qui ont hissé le drapeau américain sur l'île volcanique au terme d'une effroyable bataille. Leur photo reste l'un des documents de guerre les plus célèbres au monde.
Tout en reconnaissant la présence de Noirs à Iwo Jima, Eastwood a expliqué qu'"ils n'ont pas hissé le drapeau".
"L'histoire est celle (...) de la photo au drapeau, et ils (les Noirs) n'ont pas fait cela", a dit Eastwood. "Si je mettais un acteur africain-américain à cet endroit, les gens diraient +ce mec a perdu la raison+. Ce n'est pas conforme" à l'Histoire, a-t-il insisté.
Lee est revenu à la charge en affirmant que la star des "Inspecteur Harry" et "Million dollar baby" "ressemble à un vieux grincheux". "D'abord, ce n'est pas mon père, et on n'est pas non plus dans une plantation", a dit le réalisateur, cité par le site internet d'informations de la chaîne ABC, dans une référence implicite à l'esclavage.
"C'est un grand cinéaste. Il fait ses films, je fais mes films. Mais je ne l'ai pas attaqué personnellement. Et une déclaration comme +un mec comme ça devrait la fermer+... allons, Clint, allons", s'est exclamé Spike Lee.
"S'il le veut, je peux rassembler des Noirs qui ont combattu à Iwo Jima et je lui dirais d'affirmer à ces gars que ce qu'ils ont fait n'était rien et qu'ils n'ont pas existé", a proposé le réalisateur.
"Je n'invente rien. Je connais l'Histoire. J'ai été étudiant en Histoire. Et je connais l'histoire de Hollywood et son omission du million de Noirs américains, hommes et femmes, qui ont contribué à (l'effort) de la Seconde Guerre mondiale", a encore plaidé Spike Lee.
Appelés à trancher la querelle, des historiens ont fait valoir que chacun des cinéastes pouvait avoir raison.
Lors de la bataille d'Iwo Jima, entre 700 et 900 soldats noirs étaient présents, mais ils sont restés en retrait de la ligne de front, étant affectés au pilotage des transports de troupes amphibies et l'approvisionnement en munitions. Aucun d'entre eux n'a hissé le fameux drapeau.
Mais pour Yvonne Latty, professeur à l'université de New York et auteur d'un livre sur les anciens combattants noirs, ces soldats ont ainsi joué un rôle clé à Iwo Jima. Ils "faisaient le boulot le plus dangereux", a affirmé l'historienne à Time Magazine.
"Si vous voulez montrer l'accostage des soldats, il faut montrer (des Noirs) sur la plage" d'Iwo Jima, a-t-elle soutenu.
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