Par Aurélie Siou
Mais pourquoi donc voit-on émerger un « phénomène Obama » en France ?
« L’Obama-mania », il faut le reconnaître, n’a pris de l’ampleur chez nous que très récemment. Il faut se souvenir cependant que ce genre de phénomène politique, certes très inhabituel, et qui se déroule sous nos yeux en ce moment de l’autre coté de l’Atlantique, a vécu ses prémices en 2007.
Les élections françaises ont marqué le début d’une nouvelle ère politique. Regain d’intérêt pour la politique et ses représentants, taux record de participation à l’élection présidentielle, omniprésence du thème électoral dans les médias, tous ces phénomènes apparaissent peu à peu depuis le début des primaires.
Mais pourquoi prend-t-il tant d’ampleur en France . Pourquoi la candidature d’Obama nous importe tant nous français ?
Parce que nous nous identifions à l’Amérique et à cette élection. La discrimination, la racisme, la montée des inégalités, la pauvreté, la misère, les ghettos urbains ou plutôt les « ghettos démocratiques », la discrimination positive (affirmative action aux Etats-Unis) ne sont pas propres à l’Amérique. En France aussi des termes tels que l’immigration, l’intégration, la diversité sont souvent tabous et la source de débats controversés.
Car au moment même ou la gouvernance française est mise à l’épreuve, et malgré le déchirement auquel la France a assisté pendant la campagne présidentielle de 2007 (de deux familles politiques, deux visions du monde diamétralement opposées) l’image d’une France nouvelle émerge. Une France résolument positive et moderne, un peu moins en proie avec ses vieux démons, et ou les amalgames et le préjugés s ‘estompent peu à peu.
Parce qu’une Amérique qui se remet en question est le reflet d’une France qui elle aussi commence seulement à assumer enfin sa nouvelle identité, où la Palme d’Or vient d’être remportée par un metteur en scène mettant en valeur de jeunes acteurs issus de l’immigration. Et c’est bien cela qui fait toute la force d’une démocratie.
Mais comment analyser le phénomène Obama de façon de façon plus générale dans ces deux pays en particulier ?
Premier constat - L’analyse stérile qui a été systématiquement avancée dans les médias pour l’expliquer, et qui consiste à affirmer que le phénomène Obama a à voir avec sa couleur de peau et avec la soif de rédemption des américains vis-à-vis de la ségrégation raciale, est un raccourci pour analyser un phénomène pourtant très simple dans sa signification.
Obama n’a jamais utilisé le thème racial dans sa campagne électorale.
Pourquoi ? Parce que pour lui un individu n’est ni un noir, ni un blanc, c’est avant tout un être humain.. Obama est un humain qui s’adresse à la race humaine. Obama réconcilie un monde déchirée par les divisions. Parce que les individus en ont assez d’être mis en situation conflictuelle. Parce qu’Obama ne cherche pas à opposer tout le monde. Car dans son discours les concepts de races supérieures ou inférieures n’ont pas lieu d’exister .
Parce que le citoyen reprend conscience de son rôle primordial dans la destinée de son pays et parce que le peuple ne s’exprime réellement qu’en situation de réelle urgence et en désespoir de cause.
Avènement singulier, Obama apparaît comme un candidat sincère, « genuine » comme disent si bien les Américains. Il ne fait pas partie de ces leaders politiques qui exploitent l’arme de la culpabilité, ce discours universel sous-jacent pour justifier leur programme politique. La culpabilité de histoire commune et propre aux Grandes démocraties, ou l’on justifie de façon hypocrite un thème électoral ou des choix politiques en exploitant tour à tour la shoah, la colonisation, l’impérialisme. La culpabilité d’une France vis à vis de son passé coloniale. La culpabilité d’une Amérique vis à vis de la ségrégation et de sa politique impérialiste en Irak.
De plus Obama a la particularité d’être charismatique. Pertinence du discours, visionnaire, pragmatique, grand orateur, Obama incarne une nouvelle génération de politiciens, ceux qui font vibrer les foules et qui redorent l’image d’une politique déchue. Il s’adresse à tous ceux qui s’étaient désintéressés des débats politiques et qui avaient perdus la foi en leur représentants. Il est de ceux qui ravivent la conscience patriotique et en appellent au peuple (c’est-à-dire aux citoyens de toutes origines) pour le faire participer au grand chantier démocratique, celui qui est basé sur les fondements de la démocratie, là ou la société est plus juste et égalitaire . Il fait de la politique au delà du clivage gauche droite. Il est porteur d’un message d’espoir. Celui qui affirme que la société est capable de se réinventer, et qu’on ne doit plus se rattacher aux vieilles méthodes mais qu’il faut innover, évoluer avec son temps même si cela demande des sacrifices.
Deuxième constat - Obama est trans-générationnel. Il ne réconcilie pas seulement une Amérique déchirée, coupée en deux, mais il est tout d’abord un symbole d’espoir dans un monde sans scrupules.
Parce qu’Obama prône la réconciliation humaine, la diversité, la tolérance . La réconciliation d’un monde en proie à la violence, au racisme, à la montée du fanatisme religieux, à la domination du terrorisme international, à la menace de déplacements massifs de population due aux phénomènes climatiques, aux guerres, aux génocides. Dans ce monde là, le phénomène Obama resplendit de légitimité et Obama fait figure de sauveur. Et il l’est. Dans sa vision politique et sa façon d’analyser non pas seulement son environnement proche mais également éloigné.
Obama fait resplendir ce visage d’un monde multiracial, multi-ethnique. Son message est universel, et l’histoire de l’humanité n’avait pas vu une telle lueur ressurgir depuis bien longtemps!
Il est la réincarnation à la fois d’un MLK (Martin Luther King), d’un JFK (John Fitzgerald Kennedy) et d’un RFK (Robert F. Kennedy).
Troisième constat - Obama réconcilie l’Amérique toute entière, et surtout l’Amérique avec elle-même.
Avec lui les lignes de démarcation entre les clans s’estompent. Démocrates contre Républicains (qui, phénomène extraordinaire, pour certains ont même « endossé » sa candidature), riches contre pauvres, noirs contre blancs, les opprimés, discriminés et oppressés, contre les privilégiés, le peuple contre l ‘élite. Il transcende les clivages sociaux, raciaux et politiques, mais aussi les tabous, les préjugés, les stéréotypes. C’est sa force !
Obama incarne non pas la nouvelle Amérique « the Next America », il incarne l’Amérique originelle. Celle des fondements et des principes démocratiques. Une Amérique ou le rêve américain reprend tout son sens et son authenticité, une Amérique fière de son héritage, de son potentiel, qui fait de sa diversité une force et qui assume son identité multiraciale, celle du « Melting Pot » à l’origine du fondement des Etats Unis d’Amérique.
Une Amérique plus tolérante, unitaire, solidaire, (Obama a toujours dit qu’il était le candidat de toute l’Amérique), et qui prend en compte les deux minorités montantes aux Etats-Unis, beaucoup trop souvent délaissées : les Hispaniques et les Asiatiques. L’exclusion n’a pas lieu d’être dans son programme. La dictature du « marche ou crève » non plus.
Une Amérique qui tente d’enrailler des fléaux tels que l’ascension de mouvements religieux ultra orthodoxes et plus virulents que jamais, les gangs, la violence dans les écoles, la haine. Une Amérique où les injustices s’atténuent, lorsque, faut-il le rappeler, plus de 40M d’américains vivent actuellement sans couverture sociale!
Non plus une Amérique impérialiste, fondamentaliste, unilatéraliste, mais une Amérique « friendly », réconciliée avec elle même et le reste du monde. L’Amérique que nous aimons, admirons, qui exerce une fascination sans mesure sur nous et qui n’a d’égal qu’elle même!
Un candidat qui prône la réconciliation humaine est singulier.Les leaders politiques émergeant de cette façon sont très rares. Que Obama remporte l’élection et accède au poste suprême en novembre ou pas, il laissera de toute façon un empreinte indélébile sur l’histoire de l’humanité.
Il faut simplement espérer que nous ne sommes pas en train d’assister à « The last good campaign ? (Vanity Fair, article sur Robert F. Kennedy June 2008)
http://www.franceforbarackobamablog.com/2008/06/05/pourquoi-obama-fascine-le-monde-entier-et-surtout-les-francais/
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