Les attaques contre les tours de New York et le Pentagone ont-elles marqué la naissance d’une ère nouvelle ? Le monde a-t-il changé de bases parce qu’une poignée de terroristes a commis un des raids les plus audacieux de l’histoire contemporaine ? A voir le nombre de publications consacrées à l’événement, on serait tenté de le croire. Et pourtant…
Ces attentats ont d’abord ébranlé l’Amérique, et certains ont pu affirmer que, après la chute du mur de Berlin, on allait assister à un retour d’autant plus remarqué des Etats-Unis que leur puissance militaire est alors à nulle autre pareille : à eux seuls, ils représentent un peu moins de la moitié des dépenses d’armement dans le monde. Les rapides succès en Afghanistan et en Irak ont corroboré ces analyses. Dix ans après, « la guerre contre le terrorisme », qui visait à éradiquer toute menace, y compris celle des Etats dénoncés comme « voyous », est un échec, et la rhétorique belliciste de Washington s’est atténuée. Les Etats-Unis devraient se retirer d’Irak d’ici à la fin de l’année, laissant derrière eux un pays détruit, avec un gouvernement divisé et corrompu, qui sera plus proche de Téhéran que de Washington. En Afghanistan, malgré les déclarations lénifiantes, la montée en puissance des talibans apparaît irrésistible, tandis que le Pakistan s’enfonce dans la crise. Quant à Al-Qaida, si son chef Oussama Ben Laden et nombre de ses hauts dirigeants ont été tués, elle a essaimé au Maghreb, au Yémen, au Nigeria, etc.
Le prix de ces guerres, avant tout payé par les peuples qui en ont été les victimes, pèse aussi sur les Etats-Unis et plus largement sur l’Occident, de deux manières. Elles ont permis une remise en cause des libertés au nom de la lutte contre le terrorisme, légalisé la torture, les enlèvements, les écoutes illégales, les assassinats ciblés, etc., pratiques qui se sont étendues malgré l’élection du président Barack Obama, comme le montre le maintien du bagne de Guantanamo ou l’utilisation sans restriction de drones.
Le terrorisme est devenu un concept attrape-tout permettant aux Etats de justifier leur politique de répression. Que Paris soit le siège, dans quelques jours, d’une conférence dite « des victimes du terrorisme » reflète cette intense campagne (lire « Au nom des victimes », par Sébastien Fontenelle, dans notre numéro deseptembre, en kiosques, et « Un “congrès imposture” sur le terrorisme »).
Malgré les révoltes arabes et la marginalisation des groupes islamistes radicaux et violents, malgré l’affaiblissement d’Al-Qaida, les discours sur « la menace islamiste » ont profondément infiltré les sociétés et les mentalités en Occident et déstabilisé les minorités d’origine musulmane, entraînant un repli communautaire et la montée d’un climat islamophobe qui fait le lit d’une nouvelle droite radicale.
D’autre part, ces guerres déclenchées par Washington ont coûté des sommes folles, entre 3 000 et 5 000 milliards de dollars pour les seuls Etats-Unis, selon le Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz. Elles ont accéléré l’éclatement de la crise financière (favorisée aussi par les cadeaux aux banques) et réduit les marges de manœuvre de l’Etat. Malgré une situation sans précédent, les Américains semblent disposer de peu de moyens financiers pour relancer leur économie et lutter contre le chômage.
Dix ans après les attaques contre le World Trade Center, c’est le relatif déclin des Etats-Unis, désormais confrontés à la montée en puissance de la Chine, de l’Inde, du Brésil, de l’Afrique du Sud, etc., qui caractérise la situation mondiale. Le 11-Septembre n’aura été, finalement, qu’une étape dans ce basculement du monde.
Alain Gresh
Dans « Le Monde diplomatique »
- « Le Pakistan après la mort d’Oussama Ben Laden » (aperçu)
par Jean-Luc Racine, juin 2011.Après l’assaut américain visant Oussama Ben Laden, le Pakistan a obtenu que les Etats-Unis annoncent le retrait de leurs deux cents militaires officiellement présents sur son territoire. Cette mesure symbolise les relations tumultueuses entre Islamabad et Washington.
- « Dans les filets du contre-terrorisme global »
par Didier Bigo, octobre 2008.Quels ont été les effets des attentats du 11 septembre 2001 dans les pays occidentaux ? Une interprétation répandue chez les défenseurs des libertés publiques considère que les mesures antiterroristes constituent une stratégie de long terme des gouvernements pour s’exonérer de la loi ordinaire et instaurer un climat de surveillance nous faisant sortir de la démocratie.
- « Dérives de l’antiterrorisme »
par Jean-Claude Paye, La valise diplomatique, 4 juillet 2008.Les enjeux du procès des « filières kamikazes », qui se déroule en Belgique, comme celui dit des « filières irakiennes », qui a lieu en France, s’inscrivent dans un nouvel ordre juridique mondial.
- « Le spectre du califat hante les Etats-Unis »
par Jean-Pierre Filiu, mai 2008.A plusieurs reprises, dans ses discours sur la « guerre mondiale contre le terrorisme », le président George W. Bush a brandi la menace de la reconstitution d’un grand « califat » musulman et totalitaire s’étendant de l’Europe à l’Asie. Cette idée a été reprise par le président Nicolas Sarkozy.
- « “La Guerre selon Charlie Wilson” »
par Chalmers Johnson, La valise diplomatique, 15 janvier 2008.En mai 2003, alors que George W. Bush venait de mettre en scène la « fin de la guerre d’Irak » (« mission accomplie »), j’ai publié une analyse du livre de George Crile La Guerre selon Charlie Wilson, qui a inspiré le film du même nom. En voici un bref extrait.
- « Contes et légendes de l’argent du terrorisme »
par Ibrahim Warde, septembre 2007.Les mensonges à propos des « armes de destruction massive » en Irak expliquent la perte de crédit du président des Etats-Unis, bien plus que ses bobards sur le financement du terrorisme. Dans les deux cas pourtant, la manipulation a été sans limite.
- « Guerres à la portée de tous »
par Tony Fortin, juillet 2007.Epousant les théories des néoconservateurs, les jeux vidéo ont été peu à peu pénétrés par la symbolique puissante du 11-Septembre. Sur la base d’une apparente dépolitisation des conflits et d’un révisionnisme historique, ils confondent lutte contre le terrorisme et criminalisation de solutions politiques alternatives.
- « Le bien, le mal et le “terrorisme” »
par Eric Rouleau, mai 2007.Une abstraction conceptuelle... C’est ce que demeure le terrorisme, la « communauté internationale » n’ayant pas réussi à lui attribuer une définition. Il n’en demeure pas moins que le thème a envahi la presse écrite et audiovisuelle. Rarement dans l’histoire de l’édition autant de livres, érudits ou non, lui ont été consacrés.
- « Le complot du 11-Septembre n’aura pas lieu »
par Alexander Cockburn, décembre 2006.L’idée que les attentats du 11-Septembre auraient été manigancés par la Maison Blanche a fait son chemin. Or, une telle croyance témoigne, paradoxalement, d’une forme d’hébétement devant la puissance américaine, alors même que celle-ci échoue dans des entreprises bien moins herculéennes que l’éventuelle réalisation (puis la dissimulation) d’un tel complot.
- « Fascisme, islam et grossiers amalgames »
par Stefan Durand, novembre 2006.L’administration Bush continue de justifier ses interventions au Proche-Orient au nom de la lutte contre le « fascisme islamique ». Ce néologisme ne fait qu’occulter les questions géopolitiques
- « Superman et le 11-Septembre »
par Mehdi Derfoufi, Jean-Marc Genuite et Civan Gürel, octobre 2006.Pas de discours homogène dans les films hollywoodiens qui sont traversés par le 11-Septembre. Certains se rangent du côté de la politique d’exception, d’autres se montrent plus critiques. La force de Hollywood est de savoir intégrer des thèses en apparence contradictoires, de façon à fédérer l’ensemble du public tout en participant à l’effort de guerre.
- « L’archipel des prisons secrètes de la CIA »
par Giulietto Chiesa, août 2006.Le fait que la CIA ait enlevé, avec la complicité de gouvernements européens, des personnes suspectées de terrorisme pour les détenir sans jugement, voire les torturer, suscite de plus en plus de remous.
- « Une gauche endormie par l’hypocrisie impériale »
par Jean Bricmont, août 2006.Face à l’instrumentalisation des droits humains, la pensée critique ou de gauche est extraordinairement faible, en particulier lorsqu’il s’agit de s’opposer aux guerres américaines en Yougoslavie, en Afghanistan et en Irak, toutes justifiées par la défense des minorités, des femmes ou de la démocratie.
- « Quand les services de renseignement construisent un nouvel ennemi »
par Laurent Bonelli, avril 2005.Avec la disparition du « péril communiste » et de l’« empire du Mal », les services de renseignement européens et américains ont été privés d’un adversaire qui justifiait leur existence et leur budget substantiel. S’appuyant sur les activités de groupes terroristes hétérogènes et disparates, ils ont, notamment depuis le 11-Septembre, construit un nouvel ennemi stratégique.
- « Ces industries florissantes de la peur permanente »
par Denis Duclos, août 2005.Sur le front intérieur, la « guerre au terrorisme » conduit à une accumulation sans limites de « données » de tous types sur les personnes. Dans un jeu de surenchère technologique, l’échec de chaque technologie justifie le déploiement d’un arsenal toujours plus complexe… et toujours aussi peu « efficace » au regard de ses objectifs avoués.
- « La guerre de mille ans »
par Alain Gresh, septembre 2004.« Barbarie » et « civilisation », « mécréants » et « croyants », M. George W. Bush et M. Oussama Ben Laden voudraient faire croire que le monde est divisé en deux, entre « eux » et « nous ». Sous couvert de guerre contre le terrorisme, l’Occident semble prêt à s’engager dans un conflit planétaire.
- « Al-Qaida, label ou organisation ? »
par Olivier Roy, septembre 2004.Tout indique que la mouvance Al-Qaida est en mutation, essentiellement en raison de changements dans le recrutement. Il sera de plus en plus difficile d’en parler en termes d’organisation structurée. En revanche, le « label » a de beaux jours devant lui dans la mesure où il permet d’assurer un impact maximum à l’action entreprise.
- « Symptômes »
par Giovanna Borradori, février 2004.Entretiens avec deux grands intellectuels contemporains, le Français Jacques Derrida (décédé en octobre 2004) et l’Allemand Jürgen Habermas, qui réfléchissent à la signification des événements de ce fatidique 11 septembre 2001.
- « Ce dangereux concept de guerre préventive »
par Paul-Marie de La Gorce, septembre 2002.Le nouveau concept de défense introduit par la doctrine stratégique dont s’inspire l’administration Bush constitue une remise en question sans complexe des principes admis jusque-là par les Etats-Unis, avec d’amples conséquences pour la conduite de leur politique étrangère, l’organisation, le commandement et la doctrine d’emploi de leurs forces.
- « De Hiroshima aux Twin Towers »
par John Berger, septembre 2002.Puisque le nombre de victimes civiles innocentes, tuées à titre « collatéral » en Afghanistan par les bombardements américains, est désormais égal au nombre de celles de l’attaque contre les Twin Towers, il est peut-être permis de replacer les événements dans une perspective plus large, mais nullement moins tragique.
- « Complotite »
par Serge Halimi, mai 2002.Retour sur la thèse de Thierry Messan, développée dans son livre L’Effroyable imposture, selon lequel il aurait existé « un complot au sein des forces armées [américaines] pour perpétrer les attentats du 11-Septembre. ». Une thèse si simple et aveuglante qu’un petit livre suffirait à la démontrer ?
- « Prisonniers sans droits de Guantanamo »
par Olivier Audeoud, avril 2002.La situation juridique des prisonniers capturés en Afghanistan par les troupes américaines est au coeur d’un débat rendu confus par les déclarations américaines et une certaine complaisance internationale au nom de la lutte contre le terrorisme.
- « Les périlleuses tentatives pour définir le terrorisme »
par John Brown, février 2002.Désormais, au nom d’une nouvelle croisade contre un ennemi insaisissable, les pays occidentaux mettent en cause leurs valeurs fondatrices et tentent de criminaliser toute contestation politique, économique ou sociale de l’ordre établi, afin de normaliser l’état d’exception.
- « Al-Qaida, une secte millénariste »
par Pierre Conesa, janvier 2002.Peu d’observateurs ont analysé les évolutions du monde islamique à la lumière des phénomènes sectaires qui traversent le monde moderne depuis quelques décennies. Pourtant, nombre de caractéristiques permettent de rapprocher Al-Qaida de certaines sectes, comme par exemple l’idéologie millénariste et la dérive mortifère.
- « Retour à une présidence impériale aux Etats-Unis »
par Philip S. Golub, janvier 2002.L’état de danger national est venu à point nommé pour justifier un renforcement de l’exécutif, y compris dans des domaines sans rapport apparent avec la conduite des opérations militaires. C’est cependant surtout dans les domaines de la justice et de la police que les attributions de l’exécutif se développent de manière frappante.
- « Le nouveau visage du monde »
par Ignacio Ramonet, décembre 2001.A la suite des les événements du 11-Septembre, il est temps de faire un premier bilan de tout ce qui change désormais dans la géopolitique planétaire et qui va affecter nos vies. Succédant au cycle entamé en 1989, avec la chute du mur de Berlin, une nouvelle période historique vient indiscutablement de démarrer.
- « Terrorisme, l’arme des puissants »
par Noam Chomsky, décembre 2001.Les dirigeants américains n’ont pas toujours conscience des effets à moyen et à long terme de leur détermination à toujours l’emporter contre n’importe quel adversaire. Et leurs exploits d’hier peuvent se payer demain d’un prix très lourd.
Dans notre numéro d’octobre 2001, nous avions publié un dossier complet : « Guerre totale contre un péril diffus »
« L’adversaire », par Ignacio Ramonet.
« Tous américains », par Serge Halimi.
« Au Sud, l’argent ou les bombes ? », par Saskia Sassen.
« Etats-Unis, excès de puissance », par Steven C. Clemons.
« Au nom du « choc des civilisations » », par Tariq Ali.
« L’ère des conflits asymétriques », par Marwan Bishara.
« Ravages de la télévision continue », par Eric Klinenberg.
« Les liaisons douteuses du Pakistan », par Selig S. Harrison.
« Musulmans et citoyens du monde », par Hicham Ben Abdallah El Alaoui.
« Tous américains », par Serge Halimi.
« Au Sud, l’argent ou les bombes ? », par Saskia Sassen.
« Etats-Unis, excès de puissance », par Steven C. Clemons.
« Au nom du « choc des civilisations » », par Tariq Ali.
« L’ère des conflits asymétriques », par Marwan Bishara.
« Ravages de la télévision continue », par Eric Klinenberg.
« Les liaisons douteuses du Pakistan », par Selig S. Harrison.
« Musulmans et citoyens du monde », par Hicham Ben Abdallah El Alaoui.
Dans notre DVD-ROM d’archives (1968-2010)
- « Rêves d’Empire de l’administration américaine »
par Philip S. Golub, juillet 2001.
Entendant privilégier l’action unilatérale et assurer la primauté de leurs forces armées, le président George W. Bush et son équipe ont considérablement durci leurs relations avec le reste du monde.
- « L’injustice faite aux Afghans »
par Gilles Dorronsoro, juin 2001.
A la veille du 11-Septembre, l’Afghanistan vit sous blocus. Alors qu’ils ont laissé gagner les talibans avec l’aide manifeste du Pakistan, les Etats-Unis décident d’isoler le pays et d’imposer des sanctions. C’est la population qui en paie le prix.
- « Frapper les sanctuaires »
par Claude Julien, février 1986.
Le terrorisme est devenu l’un des grands problèmes de ce temps. Mais, tout comme la guerre, l’extrême pauvreté ou la violation des droits fondamentaux, il est d’abord un problème politique.
Dans la boutique en ligne
- « Propagande impériale & guerre financière contre le terrorisme », par Ibrahim Warde.
Pourquoi le domaine de la finance pourrait bien devenir le plus étendu et le plus durable de la « guerre au terrorisme », tout en étant le moins controversé et le plus vulnérable à la désinformation.Disponible sur la boutique en ligne
- « L’empire contre l’Irak », Manière de voir nº 67, janvier-février 2003.
Le 11 septembre 2001 a marqué un tournant dans la définition de la stratégie des Etats-Unis, avec le déclenchement de l’offensive contre le terrorisme et l’adoption de la théorie de la guerre préventive. Cette analyse préconisait aussi le renversement du régime de Saddam Hussein.
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