Alors que Barack Obama tente de trouver un compromis politique pour échapper au défaut de payement, Myret Zaki, du magazine économique Bilan, explique comment les Etats-Unis en sont arrivés là.
Marianne2 : Le président Barak Obama tente de trouver un accord politique avec l’opposition républicaine à propos du niveau de la dette publique. Est-ce que ces négociations vous semblent à la mesure du problème que pose les Etats-Unis ?
Myret Zaki : Non, bien sûr. Le président Obama cherche à obtenir une solution avant le 2 août. Il est fort possible qu’il obtienne un accord limité, concédant aux Républicains une baisse des dépenses de 4000 milliards de dollars sur 10 ans. En échange de quoi l’Etat fédéral pourrait ajouter 2300 milliards de dollars aux 14300 milliards de dettes déjà constituées. Mais ce n’est pas du tout au niveau du problème : il faudrait, pour endiguer l’endettement phénoménal des Etats-Unis, opérer des coupes de l’ordre de 2000 milliards de dollars par an !
En fait si les pouvoirs politiques ne le font pas, c’est parce que emprunter de l’argent aux Etats-Unis est extrêmement peu coûteux, grâce au privilège du dollar, réputé monnaie de réserve du monde. Mais si l’Amérique perd sa notation « triple A », les taux d’intérêt s’envoleront !
Justement, la surprise, c’est que les agences de notation osent s’attaquer aux emprunts d’Etat américains, jusqu’à présent réputés les plus sûrs du monde ?
Les agences de notation financières, qui ont toutes leur siège à New York se sont enfin aperçues qu’elles attribuaient la note « AAA », la meilleure, à un pays qui était en risque de défaut. Elles auraient pu et dû le faire depuis au minimum 2008, lorsque la crise a révélé la fragilité de l’économie américaine. A continuer ainsi contre l’évidence, elles risquaient, elles, de perdre tout crédit, et que les investisseurs se tournent vers d’autres agences, comme la chinoise Da Gong, qui note les Etats-Unis « AA », un cran en dessous.
Pendant des années, les agences américaines ont décuplé le risque systémique qui menace l’économie mondiale. Pour prendre une comparaison : on dit que la dette en dollar est « liquide » (on peut la vendre et l’acheter très facilement, ndlr). Comme l’eau, elle irrigue l’économie en drainant les capitaux. Si cette eau devient soudainement illiquide, se transforme en glace, on irait vers un blocage mondial!
Et pour quelles raisons a-t-on pris un risque pareil ?
Pour que le prix de l’argent aux Etats-Unis soit le moins cher possible. Depuis deux ans on présente la dette européenne comme pourrie, et l’Europe comme un continent en perdition. Les agences de notation suivent curieusement un mouvement initié par les spéculateurs contre l’euro, qui ont fait des paris et mis beaucoup d’argent sur des scénarios de défaut des Etats de l’Union européenne. Des conseillers, des personnalités, des économistes en vue propagent le même discours : « vendez l’Europe et l’euro, achetez l’Amérique et le dollar ». Cela a pour effet de faire venir d’Europe vers les Etats-Unis, ou vers la Suisse, des masses considérables de capitaux, qui cherchent la sécurité. Or les Etats-Unis sont le pays le plus endettés du monde, où les états fédérés sont aussi au bord de la faillite, ainsi que les municipalités et les comtés. Et c’est le pays qui n’a programmé aucun plan de rigueur, à la différence des Etats de l’UE. Il n’y a plus de fonds propres en Amérique : tout le monde vit à crédit : le gouvernement central, les ménages, et même la banque centrale. Ce pays est une bulle spéculative.
Myret Zaki est rédactrice en chef adjointe du magazine économique suisse Bilan et auteur de « La Fin du dollar », (éditions Favre).
Myret Zaki : Non, bien sûr. Le président Obama cherche à obtenir une solution avant le 2 août. Il est fort possible qu’il obtienne un accord limité, concédant aux Républicains une baisse des dépenses de 4000 milliards de dollars sur 10 ans. En échange de quoi l’Etat fédéral pourrait ajouter 2300 milliards de dollars aux 14300 milliards de dettes déjà constituées. Mais ce n’est pas du tout au niveau du problème : il faudrait, pour endiguer l’endettement phénoménal des Etats-Unis, opérer des coupes de l’ordre de 2000 milliards de dollars par an !
En fait si les pouvoirs politiques ne le font pas, c’est parce que emprunter de l’argent aux Etats-Unis est extrêmement peu coûteux, grâce au privilège du dollar, réputé monnaie de réserve du monde. Mais si l’Amérique perd sa notation « triple A », les taux d’intérêt s’envoleront !
Justement, la surprise, c’est que les agences de notation osent s’attaquer aux emprunts d’Etat américains, jusqu’à présent réputés les plus sûrs du monde ?
Les agences de notation financières, qui ont toutes leur siège à New York se sont enfin aperçues qu’elles attribuaient la note « AAA », la meilleure, à un pays qui était en risque de défaut. Elles auraient pu et dû le faire depuis au minimum 2008, lorsque la crise a révélé la fragilité de l’économie américaine. A continuer ainsi contre l’évidence, elles risquaient, elles, de perdre tout crédit, et que les investisseurs se tournent vers d’autres agences, comme la chinoise Da Gong, qui note les Etats-Unis « AA », un cran en dessous.
Pendant des années, les agences américaines ont décuplé le risque systémique qui menace l’économie mondiale. Pour prendre une comparaison : on dit que la dette en dollar est « liquide » (on peut la vendre et l’acheter très facilement, ndlr). Comme l’eau, elle irrigue l’économie en drainant les capitaux. Si cette eau devient soudainement illiquide, se transforme en glace, on irait vers un blocage mondial!
Et pour quelles raisons a-t-on pris un risque pareil ?
Pour que le prix de l’argent aux Etats-Unis soit le moins cher possible. Depuis deux ans on présente la dette européenne comme pourrie, et l’Europe comme un continent en perdition. Les agences de notation suivent curieusement un mouvement initié par les spéculateurs contre l’euro, qui ont fait des paris et mis beaucoup d’argent sur des scénarios de défaut des Etats de l’Union européenne. Des conseillers, des personnalités, des économistes en vue propagent le même discours : « vendez l’Europe et l’euro, achetez l’Amérique et le dollar ». Cela a pour effet de faire venir d’Europe vers les Etats-Unis, ou vers la Suisse, des masses considérables de capitaux, qui cherchent la sécurité. Or les Etats-Unis sont le pays le plus endettés du monde, où les états fédérés sont aussi au bord de la faillite, ainsi que les municipalités et les comtés. Et c’est le pays qui n’a programmé aucun plan de rigueur, à la différence des Etats de l’UE. Il n’y a plus de fonds propres en Amérique : tout le monde vit à crédit : le gouvernement central, les ménages, et même la banque centrale. Ce pays est une bulle spéculative.
Myret Zaki est rédactrice en chef adjointe du magazine économique suisse Bilan et auteur de « La Fin du dollar », (éditions Favre).
Mercredi 20 Juillet 2011
Propos recueillis par Hervé Nathan - Marianne
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