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Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse continueront de glorifier le chasseur.










Wednesday, May 14, 2008

Obama séduit les banlieues

Obama séduit les banlieues
François Durpaire historien (université Paris-I, Centre de recherches d’histoire nord-américaine)et Jean-Claude Tchicaya porte-parole du collectif Devoirs de mémoires, ancien maire-adjoint de Bagneux (Hauts-de-Seine).
QUOTIDIEN : mardi 13 mai 2008

Barack Obama, qui a désormais plus de superdélégués que son adversaire Hillary Clinton, s’achemine vers l’investiture démocrate. Des milliers de jeunes Américains ont voté pour la première fois lors de ces primaires, se reconnaissant dans le sénateur de l’Illinois. Du fait d’abord de l’origine sociale. Alors que les précédents présidents étaient issus de grandes familles, la mère d’Obama a dû faire appel à des food stamps («bons d’alimentation») pour nourrir sa famille. Du fait aussi de la connivence culturelle. Répondant à un journaliste américain sur ses préférences musicales, Obama évoquait Outkast et Wyclef Jean, tandis que Hillary Clinton précisait que sa fille lui avait concocté une sélection d’albums et promettait de s’y mettre bientôt…

Mais l’originalité du phénomène Obama est d’avoir traversé les frontières. Certes, il est courant de voir les Français s’enthousiasmer pour les candidats démocrates, au risque d’être déçus. Mais ni Al Gore ni John Kerry n’avaient suscité un tel engouement dans les banlieues. Les plus anciens, issus, comme le père d’Obama, de cette immigration postcoloniale, se disent qu’il serait extraordinaire de voir cela de leur vivant, et n’osent imaginer un tel destin pour leurs enfants. Les plus jeunes, dont l’hostilité à l’encontre des Etats-Unis a pris racine dans la guerre en Irak, ont des excès qui en feront sourire plus d’un. Une lycéenne nous assurait que la victoire d’Obama serait la «libération de tous les Noirs du monde !»

Tous vivent l’avènement d’Obama sur le mode du mythe compensateur. Comme les habitants de ce South Side de Chicago dont est originaire l’épouse du sénateur, beaucoup n’ont pas choisi de vivre «ensemble». Noirs, Maghrébins, Blancs, Asiatiques, ils sont issus de cette mixité que l’on dit, de l’extérieur, «communautariste». Ne disposant pas de réseaux d’influence, ils font de l’ascension de ce fils d’immigrant africain, élevé dans une famille modeste, le symbole d’une mobilité sociale qu’ils ne connaissent pas. Car en dépit de ses défauts - poids des lobbies, influence de l’argent -, le système politique américain a su faire émerger une jeune génération politique noire : Adrian Fenty est maire de Washington, Michael Nutter maire de Philadelphie, Cory Booker maire de Newark, etc. Loin de la France et de ses banlieues, où les dernières élections municipales ont montré que la rotation du personnel politique était lente, et excluait toujours, en dépit des discours, la diversité.

De Bush à Obama, c’est l’image de l’Amérique qui est sur le point de changer. Beaucoup de jeunes Français, Noirs ou Maghrébins, ont une tante, un cousin, à New York, à Miami ou à Atlanta. Avec une sœur indonésienne et une sœur kenyane, Barack Obama appartient à cette génération dont l’horizon dépasse des frontières nationales. Quand il veut décrire la bigarrure ethnique de ses fêtes de famille, il n’évoque pas les «Etats-Unis», mais bien les «Nations unies». Son parcours de vie contredit, comme nombre de ces jeunes de banlieues, les propos du président Nicolas Sarkozy au soir de sa victoire : «Aimez votre pays car vous n’en avez qu’un seul»…

Français nés en France, ils doivent sans cesse se battre, face aux employeurs ou dans leur rapport à la police, contre l’idée qu’«être français, cela se voit». Ils en viennent à rêver de ce pays où lorsque l’on demande à un Noir d’où il vient, c’est pour savoir s’il est né dans l’Ohio ou en Californie… Lassés de devoir répondre à la sempiternelle question - «Te sens-tu plus malien (camerounais, etc.) ou plus français ?» -, ils se reconnaissent dans l’ambiguïté identitaire d’Obama, qui embarrasse plus d’un journaliste : faut-il écrire «noir» ou «métis» ? Si l’identité était naturelle, il serait «métis», étant de père kenyan et de mère blanche originaire du Kansas, mais elle est un construit social : Obama est «noir» si la société continue à le voir comme tel…

Car il ne faut pas faire d’angélisme. D’abord, parce que les propos du pasteur Jeremiah Wright, en réintroduisant le spectre de la division raciale, ont montré que les vieux démons de l’Amérique pouvaient saper le rêve de cette nouvelle génération. Les républicains ne manqueront pas de jouer sur les origines «douteuses» du sénateur, et d’activer les peurs.

Car l’Amérique n’est pas cette société «postraciale» que d’aucuns anticipent. Des rapports récents en témoignent. Un jeune Noir sur neuf de 20 à 34 ans est incarcéré, contre un adulte blanc sur 106. En Caroline du Nord, le dernier Etat à avoir voté, les deux tiers des Noirs et des Latinos sont scolarisés dans des lycées qui comptent moins de 10 % de Blancs.

Il faut également souligner l’ambiguïté de l’appropriation française du phénomène Obama. Si son discours constitue une rupture dans le contexte américain, c’est que le sénateur met en avant le dépassement des clivages communautaires plutôt que la réussite de telle ou telle «minorité». A moins de le réduire, à nouveau, à sa couleur, il est paradoxal d’en faire un symbole pour les «minorités visibles». Car si Barack Obama apparaissait, au début de la campagne, trop noir pour les Blancs et trop blanc pour les Noirs, il a su depuis tenir un discours fédérateur. Obtenant lors des deux dernières primaires 90 % du vote noir et la majorité du vote blanc pour la tranche d’âge 17-29 ans (57 % en Caroline du Nord contre 41 % pour Clinton), Obama propose ce choix aux électeurs : «Nous pouvons accepter une politique qui instrumentalise les conflits communautaires […] ou nous pouvons parler du manque de moyens pour l’éducation, qui entrave l’avenir de nos enfants, qu’ils soient noirs, blancs, hispaniques…»

En cela - et la banlieue l’a bien compris -, le destin d’Obama met en jeu bien plus que l’avenir de l’Amérique : la capacité, pour les nouvelles générations, à assumer leurs identités multiples.

Dernier ouvrage paru : L’Amérique de Barack Obama, François Durpaire et Olivier Richomme, éd. Démopolis.



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