dimanche 20 avril 2008
Haro sur Barack Obama
A priori, rien de plus banal que les déclarations de M. Barack Obama estimant, le 6 avril dernier, que l’amertume des Américains des milieux populaires victimes du chômage ou de la baisse de leur pouvoir d’achat les avait parfois conduits à « s’accrocher aux armes à feu ou à la religion, à développer de l’antipathie pour ceux qui ne sont pas comme eux, de l’hostilité envers les immigrés ou le commerce international (1) ». Si Mme Hillary Clinton n’avait pas décidé de tout tenter pour arracher, et d’abord en Pennsylvanie le 22 avril prochain, une (improbable) désignation à la candidature démocrate, aurait-elle vraiment jugé « élitiste » une telle analyse ? Un candidat démocrate l’avait pourtant développée dès 1992, c’est-à-dire bien avant que M. Obama se fasse connaître. Son nom : William Jefferson Clinton…
Jusqu’à une date récente, les républicains, de Nixon à George W. Bush en passant par Ronald Reagan, s’offusquaient chaque fois qu’un démocrate dévoilait leur stratégie. Quelle est-elle ? Depuis 1968 au moins, ils s’emploient à détourner tout mécontentement social en ressentiment contre les intellectuels, les experts, les fonctionnaires, les athées, les écologistes, les pourfendeurs de l’ordre moral. Ce stratagème, détaillé par Thomas Frank dans Pourquoi les pauvres votent à droite (Agone, 2008), a, on le sait, été mis en œuvre ailleurs qu’aux Etats-Unis, récemment encore en France avec M. Nicolas Sarkozy et en Italie avec M. Silvio Berlusconi. Jusqu’à ce que Mme Clinton assimile la mise en cause de cette technique politique à un « mépris de classe », c’étaient cependant plutôt les conservateurs qui prétendaient que toute analyse (ou toute observation) de leur comportement revenait à dédaigner les croyances et les attachements légitimes de l’électorat populaire, voire à se montrer antipatriotique.
Comme s’il était scandaleux de suggérer que, parfois, les victimes de l’ordre social puissent se tromper de colère.
(1) La citation (propos tenus de manière informelle lors d’une réunion de collecte de fonds en Californie) : « Dans ces petites villes de Pennsylvanie, comme dans nombre d’autres petites villes du Midwest, les emplois se sont volatilisés depuis maintenant vingt-cinq ans, et rien ne les a remplacés. Ils ont continué à diminuer sous les administrations Clinton et Bush, et chacune de ces administrations, l’une après l’autre, a affirmé que ces communautés allaient se régénérer, mais ce n’est pas ce qui s’est produit. Il n’est donc pas surprenant que ces gens soient en colère, qu’ils s’accrochent aux armes, ou à la religion, qu’ils développent une hostilité envers ceux qui ne sont pas comme eux, ou qu’ils accusent les immigrés, ou le commerce international, afin de donner un sens à leurs frustrations. » Version originale à écouter par exemple ici.
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