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Monday, March 01, 2010

Racisme français : pour en finir avec l’expression de « nègre» en littérature.




 
Par Claude Ribbe



 


 
Au moment où sort le film de Roman Polanski, The Ghost Writer, adapté du roman de l’auteur britannique Robert Harris The Ghost (L’homme de l’ombre) il s’avère que le distributeur et le producteur délégué du film, qui n’ont pas osé utiliser Le Nègre comme titre, semblent ne pas vouloir se priver, curieusement, dans la version française et dans la version originale sous-titrée d’utiliser le mot «nègre». C’est un véritable scandale. La France est le seul pays au monde à utiliser le mot «nègre» dans le sens d’esclave littéraire. Ce terme, dont la connotation raciste est tellement qu’évidente que plus personne n’ose l’utiliser au sens littéraire qu’avec des guillemets, fait en effet allusion au statut d’esclave du collaborateur surexploité qui fait le travail d’un autre. Il est apparu au XVIIIe siècle, au moment où la France surexploitait ses colonies en y déportant des millions d’Africains qui mouraient en quelques années. En ce sens, il véhicule la glorification la plus éhontée de l’esclavage et du racisme le plus primaire, car l’expression «nègre littéraire» est également un terme de mépris, correspondant au mépris qu’on vouait aux esclaves et qui s’attache encore trop souvent aux personnes à la peau noire, bien longtemps après que l’esclavage a été aboli. L’expression «nègre» au sens de collaborateur littéraire a été répandue en France en 1845 par Maison Alexandre Dumas & Cie, fabrique de romans, un pamphlet raciste du prêtre défroqué Jean-Baptiste Jacquot qui se faisait appeler Eugène de Mirecourt. Ce texte ordurier et calomnieux, qui visait Alexandre Dumas, a valu à son auteur, à la demande d’Alexandre Dumas, d’être condamné à six mois de prison et à une forte amende, alors que n’existait même pas encore le délit de diffamation à caractère raciste. Mirecourt éprouvait évidemment une jouissance particulière à utiliser le mot «nègre» à propos d’Alexandre Dumas, homme à la peau colorée et fils d’esclave. On a vu récemment réapparaître la même jouissance dans les textes de journalistes racistes qui défendaient le recours à Gérard Depardieu pour interpréter le rôle de Dumas et prenaient un plaisir évident à colporter les thèses de Mirecourt selon lesquelles Dumas n’aurait pas capable d’écrire ses livres sans l’aide d’hommes à la peau blanche. On sait que ces débordements, qui font appel aux instincts les plus abjects des Français, ont eu pour effet direct de faire monter de plus de deux points les intentions de vote pour le Front national aux élections régionales. Ces dérives doivent à présent cesser. Près de dix ans après que la France a déclaré l’esclavage crime contre l’humanité, il n’est plus supportable que l’expression de «nègre» soit encore utilisée au sens d’esclave dans un film destiné au grand public, alors que l’usage est d’avoir désormais recours au terme de «plume», de «collaborateur», d’écrivain fantôme ou de «ghost writer». Il me semble qu’au XXIe siècle, il est plus que temps de faire entrer dans la tête des Français que le mot « nègre » ne peut plus, en aucun cas, être utilisé impunément pour désigner un être humain qu’on exploite d’une manière ou d’une autre et qui serait méprisé du fait de cette exploitation. Je demande donc au producteur et au distributeur du film The Ghost Writer d’appliquer aux sous-titres et à la version française la même doctrine que celle qu’ils ont appliquée au titre et de s’abstenir de véhiculer gratuitement en France un racisme qui n’est pas dans l’esprit de l’œuvre dont est tiré le film. Faute de rectification immédiate dans ce sens, j’en appelle toutes celles et tous ceux qui luttent contre le racisme a ne pas aller voir ce film et à lui appliquer le même boycott qu’à L’Autre Dumas qui a été un échec retentissant dès la première semaine.


Claude Ribbe,

écrivain,

Président de l'association des Amis du général Dumas

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