Le 10 mai 1994, Nelson Mandela (76 ans) est intronisé président de la République d'Afrique du Sud. La plupart des dirigeants de la planète se sont déplacés pour ce moment de grâce qui scelle la réconciliation des Sud-Africains après un siècle de ségrégation raciale, dans une période par ailleurs obscurcie par la guerre de Bosnie et le génocide du Rwanda.
Une icône noire
Né le 18 juillet 1918 dans le village de Mvezo, près d'Eastern Cape, le futur président grandit avec les bergers. À la mort de son père, il est élevé par un roitelet xhosa qui discerne son potentiel et le pousse vers les études.
Il entre à l'université de droit de Fort Hare, réservée aux Noirs, mais en est expulsé pour cause de grève, puis il rompt avec sa famille pour échapper à un mariage coutumier.
Réfugié à Johannesbourg, il achève ses études en accomplissant de petits boulots. Chez son hôte, Walter Sisulu, qui fait partie de l'African National Congress (ANC), un parti à vocation multiraciale qui plaide pour l'égalité des droits, il se lie d'amitié avec Oliver Tambo et fonde avec lui, en 1944, la Ligue de la Jeunesse de l'ANC (Young League).
Il se marie en 1944 avec Evelyn Mase, avec qui il aura quatre enfants.
L'arrivée au pouvoir du Parti national, en mai 1948, fait l'effet d'une bombe sur les jeunes militants. Ceux-ci s'engagent de toutes leurs forces contre le gouvernement de Daniel Malan et Hendrik Verwoerd qui instaure un apartheid rigide. Nelson Mandela entre dans une vie de clandestin à laquelle ne résistent ni son cabinet d'avocat ni son premier mariage. En 1952, il est arrêté une première fois et condamné à neuf mois de prison pour non-respect des lois de l'apartheid.
Il divorce et se remarie en 1958 avec Winnie Madikizela, avec qui il aura deux enfants.
Après la tragédie de Sharpeville, en 1960, et l'interdiction de l'ANC, Nelson Mandela convainc les militants de renoncer à la non-violence et d'entrer dans la lutte armée.
Il fonde la branche armée du parti : Le Fer de lance de la Nation (MK, Umkhonto) avec mission de mener des attentats contre les cibles administratives et policières. Mais le mouvement est bientôt démantelé par la police et Mandela lui-même arrêté en août 1962 et condamné à 5 ans de prison pour incitation à la grève et déplacement illégal.
Deux ans plus tard, il est condamné à vie pour trahison. D'abord incarcéré à Robben Island, une île au large du Cap, il est libéré 27 ans plus tard, le 11 février 1990, par le gouvernement sud-africain, acculé à la négociation par la mobilisation internationale contre l'apartheid...
Entretemps, le prisonnier s'est forgé en prison un caractère peu commun, alliant détermination, refus de tout compromis et modération à l'égard de ses ennemis. Se convertissant à la non-violence, il s'est acquis une réputation internationale de vieux sage ou nouveau Gandhi, devenant dans les années 1980 une icône pour la jeunesse occidentale !
Il reçoit le Prix Nobel de la paix en novembre 1993 à Oslo, de concert avec le président Frederik de Klerk, qui a eu la clairvoyance de le libérer et d'engager des négociations avec l'ANC.
Élu à la présidence de la République le 10 mai 1994, il forme un gouvernement multiracial et réalise son rêve d’une Afrique du Sud «arc-en-ciel».
Vaincu par l'âge, Mandela, que l'on surnomme affectueusement «Madiba», délègue la gestion des affaires à son vice-président et ami Thabo Mbeki dès 1996 et quitte la présidence de l'ANC l'année suivante. Obligé de se séparer de Winnie, convaincue de turpitudes diverses, il noue une idylle avec la veuve de Samora Machel, ancien président du Mozambique, Graça, et l'épouse le jour de ses 80 ans. Une sortie en beauté.
Il meurt le 5 décembre 2013, à 95 ans, dans une apothéose nationale, universellement reconnu comme l'une des plus fortes personnalités de la fin du XXe siècle.
Alban Dignat
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