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E. do REGO

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Le Mensonge peut courir un an, la vérité le rattrape en un jour, dit le sage Haoussa .

Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse continueront de glorifier le chasseur.










Friday, September 24, 2010

Qui sont les Roms ?


Comment les Roms se définissent-ils ? « Est rom celui qui dit être rom », disent les Roms... Certes. Mais encore ? Roms, Manouches, Yéniches, Gitans… : comment les appeler ? Le terme « rom », qui signifie « homme » en langue romani, renvoie à une population originaire du Rajasthan (Inde) arrivée en Europe par le détroit du Bosphore autour de l’an 1000, avant de gagner peu à peu l’Europe orientale et occidentale. Cette population connut de nombreuses subdivisions et sa langue, dérivée du sanskrit, a donné lieu à de multiples dialectes, tantôt influencés par les patois locaux, tantôt les influençant.

Leurs noms
 « Tsiganes » est peu employé du fait de sa connotation péjorative, surtout en Europe orientale et balkanique. Mais certains estiment que ce terme est en réalité plus générique que « Rom ».
 « Rom » (littéralement « Homme » en romani) désigne en effet à la fois une branche spécifique originaire d’Europe orientale et balkanique et l’ensemble des Tsiganes, Gitans et Manouches. Cependant, comme l’écrit le journal anglais The Economist, « les ethnographes eux-mêmes ont du mal à établir les différences et les similitudes entre les divers groupes ». Le terme « Roms » s’est néanmoins imposé pour désigner l’ensemble des populations tsiganes. C’est le nom retenu par les mouvements d’émancipation des peuples roms eux-mêmes. C’est ce nom qui a été retenu par l’URI (l’Union romani internationale) depuis sa fondation en 1971. « Roms » est donc un terme endogène : les Roms l’emploient pour se désigner entre eux alors que « Tsigane » est un nom exogène, que les non-Roms utilisent pour désigner les Roms. 

 En France, l’appellation « Gitans » désigne les Tsiganes d’Espagne, du Portugal et du sud de la France. Quant aux Manouches et aux Sinti (ou Sinté), il s’agit de groupes ethniques germanisés, qui ont pu essaimer ensuite en France. Les Yéniches sont d’anciens paysans germaniques révoltés qui ont adhéré au mode de vie des Roms mais qui n’ont rien à voir avec eux sur un plan ethnique. On a longtemps utilisé l’appellation « Bohémiens » pour parler des Roms nomades, arrivés de Bohême (actuelle République Tchèque) en Europe de l’Ouest. Ce terme n’est plus vraiment employé.

 Ajoutons à cela que « gens du voyage » est une catégorie juridique instaurée en France par deux décrets de 1972, qui se référaient à la loi de 1969 sur l’exercice des activités économiques ambulantes. C’est surtout un moyen pour l’État de définir ainsi une catégorie des personnes par le critère de l’habitat pour ne pas la définir en fonction d’une identité culturelle. En effet, la France ne reconnaît pas le concept même de minorité culturelle, nationale ou « ethnique » en vertu de l’indivisibilité et de la laïcité de la République. Les « gens du voyage » sont, d’après cette loi, tenus de posséder un carnet de circulation qui doit être visé tous les trois mois au moins au commissariat ou à la gendarmerie. Leur liberté de circulation est donc largement limitée.
 C’est donc à tort que les Roms sont parfois assimilés aux gens du voyage, car seule une minorité d’entre eux mène une vie nomade. Seulement 2% des Roms en Europe seraient des « gens du voyage », voire 5% selon l’URI. 95 % des Roms français sont sédentarisés et ne migrent plus d’un bout de l’Europe à l’autre.
 
 
Leur histoire
 Plusieurs historiens et chercheurs tentent, depuis trente ans, de reconstituer, à partir de témoignages, l’histoire de ce peuple : il n’est pas dans la coutume tsigane de consigner les histoires dans les livres, mais plutôt de les perpétuer par la parole, les poèmes ou les chansons. Au fil des siècles, les Roms subirent l’esclavage (jusqu’en 1856 en Europe de l’Est), les persécutions et les pogromes. Leur exclusion fut généralement le fait de pouvoirs locaux (les boyards d’Europe balkanique) ou centralisés (l’État français de Vichy, par exemple).

 Le point culminant de ces persécutions fut l’extermination systématique des Roms, Sinti et Manouches de l’Allemagne nazie et des territoires qu’elle occupa. Pour parler de leur génocide, les Tsiganes forgèrent un mot en langue romani : « Samudaripen », qui signifie « meurtre total »[1]. Les trois quarts des Sinti et les trois quarts des Roms polonais périrent assassinés, notamment dans les chambres à gaz d’Auschwitz-Birkenau (entre 20 000 et 25 000 Roms y furent mis à mort : les Tsiganes furent la troisième catégorie la plus touchée par les exterminations de Birkenau, après les Juifs et les Polonais). Les historiens estiment le nombre de Roms victimes de l’extermination à 500 000 morts, bien que les chiffres soient extrêmement difficiles à établir de façon certaine et définitive.

 La France et l’Italie contribuèrent largement et sans la moindre retenue à l’extermination des Roms européens. Vichy en fit d’abord des criminels asociaux afin de les parquer dans ses camps, s’en servant pour « compléter » les convois de Juifs qui partaient vers l’Est. Vichy ne constitua pas, cependant, de convois spécifiques de Roms, mais les livra de bon cœur au Reich, qui les utilisa notamment pour réaliser de sinistres expériences (au camp alsacien du Struthof et à l’Université du Reich à Strasbourg, en particulier). La France livra ses Roms — comme elle livra ses Juifs (étrangers d’abord, français ensuite) —, contrairement à la Bulgarie, qui, quoiqu’allié officiel du Reich, refusa de lui remettre ses Roms et ses Juifs. Après Vichy, la France continua à parquer les Tsiganes dans des camps de surveillance jusqu’en 1946.
 
 
Reconnaissance
 Malgré l’importance du nombre des victimes, estimé à 500 000 (à titre de comparaison purement numérique, le génocide rwandais fit environ 800 000 victimes tutsis), l’écrasante majorité des États refusèrent de reconnaître le caractère particulier de cette extermination. À l’Est, les régimes communistes, sous l’autorité de Moscounièrent l’existence d’un génocide racial (qu’il s’agît de la Shoah ou du Samudaripen) : pour Staline et l’URSS, seules comptaient les victimes soviétiques, et on dénia aux Roms comme aux Juifs le droit de faire entendre leur extermination. Il fallut attendre la chute du Rideau de Fer pour que les témoins roms commencent à parler peu à peu et que le public entende leur histoire.

 À l’Ouest, il fallut attendre les années 1970 et l’action de l’URI pour que les Roms commencent à se faire entendre et à faire valoir leur statut de victimes historiques du nazisme : les témoins revenus de Birkenau parlèrent aussi du « camp des familles » tsiganes, dans lequel des familles entières étaient entassées, et qui fut liquidé en une seule nuit, entre le 2 et 3 août 1944 : 2 500 Tsiganes furent exécutés. Mais seules l’Allemagne et la Pologne reconnurent officiellement le génocide — Helmut Kohl reconnaissant en 1987 la responsabilité directe de l’Allemagne dans l’extermination de masse spécifiquement tsigane. Si les historiens commencèrent peu à peu à parler du génocide rom, la France ne reconnut jamais sa responsabilité directe dans l’extermination des Tsiganes, contrairement à ce que fit Jacques Chirac à propos des Juifs, lors de la commémoration des 53 ans de la rafle du Vélodrôme d’Hiver à Paris[2], le 16 juillet 1995.

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