Ils sont trop vieux…pour assurer la relève. Ils ont l’âge de leur père ou de leur grand-père. Ces jeunes ont porté sur leurs frêles épaules le lourd fardeau des générations antérieures. Celles qui, aujourd’hui, ont des choses à se reprocher. Ils ont intériorisé leurs défauts, leurs tares pour ensuite les ressasser et les reproduire à la moindre occasion. Le ver est dans le fruit et les jeunes générations sont en train de payer des pots qu’elles n’ont pas cassés.
Dans les formations politiques ou de la société civile, ils cherchent à se faire parrainer, portent souvent le combat de leurs aînés qui s’inscrivent hélas, dans une logique de lutte de places. Au sein de ces structures, le travail des jeunes est souvent réduit à répondre aux invectives des adversaires, à servir de bouclier lorsque la police charge la foule de manifestants, ou d’instrument de marketing politique entre les mains d’aînés au cynisme inqualifiable.
Tout comme leurs aînés, leur champ de vision se rétrécit telle peau de chagrin sous le soleil des désirs futiles. Ils se contentent de postes et leur horizon est le cimetière de grandes ambitions qui auraient pu transformer le monde. Comme si ces jeunes ont été formatés de manière à tuer en eux ce désir d’aller toujours de l’avant et de faire du monde un construit où les générations montantes retrouveront enfin cette envie de vivre.
Comme si ces jeunes qui ont subi la gestion chaotique des hommes politiques durant plusieurs décennies, étaient condamnés. La quête des honneurs et des privilèges ont conduit le Prince a cultivé le tribalisme et l’ethnicité pour faire asseoir son pouvoir. Les travaux du Pr Albert Muluma Munanga : « L’ethnicité et le phénomène urbain en Afrique subsaharienne » sont d’un intérêt remarquable. Si bien que les jeunes qui se sont lancés en politique sont écartelés entre l’appartenance à un groupe, et l’adhésion à un parti parce que porteur d’un projet de société auquel on souscrit entièrement.
Triste et amer anniversaire
En 2010, l’Afrique fêtera ses cinquante ans d’indépendance. Notre pays sera de la partie et il se dit que les autorités préparent une cérémonie grandiose, avec les fastes dignes des régimes monarchiques. Triste et amer anniversaire pour une jeunesse sacrifiée sur l’autel de l’insouciance d’une élite dirigeante qui a fini de la jeter dans la rue, après avoir confisqué ses rêves et ses espoirs. Exposant du coup cette jeunesse à tous les doutes. Et chaque jour qui passe est un jour de trop dans la lutte pour la survie où le désespoir est noyé dans un joint de « mariguana » ou enfoui dans la poudre de cocaïne. Le drame de ces jeunes nous donne une idée de la responsabilité de nos élites dirigeantes.
Les « enfants de personne »
Des jeunes désœuvrés qui, pour survivre, se donnent à des activités illicites et dangereuses. Le dur quotidien les expose aux intempéries et à toutes formes d’actes délictueux. Et cette élite dirigeante, à beau détourner le regard pour des raisons de mauvaise conscience, croise chaque jour que Dieu fait ces jeunes abandonnés à leur sort, dans les épaves de voitures, les décharges, dans les constructions inachevées ou des maisons inhabitées, dans les marchés etc. On les appelle chez nous les « boudjmans » ou « Fakhmans », en RD Congo les « Shégués », au Bénin les « Vido-Mêgon » dans sa version traite des enfants,
Ces fouilleurs de décharges, dealers ou rabatteurs pour les proxénètes sont curieusement des soutiens de famille. Leurs « activités » font vivre des bouches.
Des « enfants de personne », une expression empruntée à Ma Solo Masiala, (puisque dans l’imaginaire collectif une personne qui ne réussit pas n’appartient à personne) dressés comme des fauves par une société inégalitaire, ne pourront être que des forces de destruction massive. Ils symbolisent la déchéance éthique et spirituelle de nos « Etats manqués », pour parler comme Noam Chomsky, auteur de « Les Etats Manqués - Abus De Puissance Et Déficit Démocratique ». Véritables menaces pour les autres nations et leur propre population, parce que ces « Etats manqués » bafouent les lois et les principes de la démocratie.
Vraies questions, fausses réponses
Pour cette jeunesse les repères constructeurs se sont effondrés et trouve désormais son inspiration dans les comportements des adultes et de ces politiciens sans principes qui prônent des anti-valeurs comme la haine, l’impunité, la corruption, le non respect de la parole donnée, le cynisme l’hypocrisie…
Face aux vraies revendications de la jeunesse africaine, les élites dirigeantes nous ont habitués à donner de fausses ou mauvaises réponses. Comme lorsque les pouvoirs publics répondent à la violence de la jeunesse par la violence des forces de l’ordre, ou lorsqu’on tire à balles réelles sur des enfants affamés dévalisant des boutiques à la recherche de pain, ou quand on jette en prison les voleurs de poules, les pickpockets ou les fumeurs de « gandja », l’herbe sauvage.
Malheureusement les analystes qui sont censés éclairer notre lanterne, versent souvent dans une réflexion facile qui est loin de démêler les fils d’un mécanisme de descente aux enfers toujours plus vertigineux pour une jeunesse désorientée. L’habitude aidant, les malheurs et le désespoir auxquels ces jeunes sont exposés ont fini d’être considérés comme des choses normales.. Fatalisme ! On parle de leur situation pour se faire bonne conscience ou pour amasser beaucoup d’argent à travers des séminaires dont les conclusions sont destinées à être rangées dans les tiroirs. Des palabres qui ne vont pas changer l’ordre apparent des choses. Au contraire, ces nombreux discours souvent insipides, qui se signalent par leur manque d’imagination créatrice, réussissent la prouesse de passer à côté du vrai malaise des nouvelles générations.
Trains d’atterrissage et embarcations de fortune
Le drame de la jeunesse dans nos pays, est illustré par les corps de deux jeunes guinéens trouvés, il y a quelques années, dans les trains d’atterrissage d’une compagnie Belge qui reliait Conakry à Bruxelles ; par ces embarcations de fortune, véritables tombeaux flottants pour une jeunesse fuyant la terre de leurs ancêtres à la recherche d’horizons plus cléments.
Le geste de ces jeunes – qui est loin d’être un suicide, mais traduit plutôt le bonheur du désespoir – est une interpellation lancée à ces adultes qui ont le « mérite » d’avoir construit une société inégalitaire où les fractures sociales creusent les écarts entre les citoyens.
Dans le creux des discours
Nul besoin donc de dire que cette génération vit dans l’impasse, sans avenir, sans perspectives et sans protection sociale. Chômage, dégradation du pouvoir d’achat, déperdition scolaire et analphabétisme chronique, éclatement de la cellule familiale, mal vie, corruption, bureaucratie, l’injustice sociale... Tous ces fléaux qui frappent cette génération sont en partie dus à l’absence de politique de prise en charge par les gouvernants. Les jeunes, eux, ne croient plus aux discours populistes électoralistes, ceux qui prônent l’égalité de chances. Désormais dans le creux de ces discours, s’installe un sentiment d’injustice.
Cette jeunesse pose des questions existentielles lorsque le film du mal-vivre déroule ses gros plans et ses plans serrés sur cet avenir obstrué par l’accroissement du chômage, la précarité, l’exclusion, l’injustice, le drame des enfants soldats…
Le venin prédateur
Oui, la responsabilité des aînés et celle des pères de l’indépendance coule de source. Eblouis par tant de richesses du sous-sol africain, amadoués par des impérialistes au venin prédateur, ils se sont mis à conjuguer l’avenir au présent. Ils dépensent sans compter, gaspillent des ressources qui appartiennent à la nation toute entière, affiche une mine de débonnaire…sans même faire l’effort de s’étonner, de s’inquiéter outre mesure. Le secret du sacrifice de cette jeunesse se trouve dans cet égoïsme primaire qui a caractérisé le comportement des élites dirigeantes.
Nos élites dirigeantes n’ont pas su créer des lieux d’action et des espaces vitaux indispensables à la créativité, et qui devaient à coup sûr servir de modèle et de levier pour les changements tant attendus dans nos sociétés.
Si l’Afrique veut affronter le drame des jeunes avec quelques chances de proposer des solutions vraies, il faudra veiller à la construction de nouveaux lieux d’espoir dans tous les domaines décisifs pour notre espoir.
L’indispensable deuil
Le mal est fait. Le moment est donc venu pour cette jeunesse de faire le deuil de cette élite insouciante. Elle doit désormais s’inscrire dans une logique d’inverser la table des valeurs. Tel l’enfant au marteau, assis sur un tas de ruines, projette un regard sur un avenir qui devient entre ses mains une œuvre d’art. C’est parce qu’il a le goût du danger dans la gorge, que « l’enfant est jouet, vent dans la voile, éclat de rire, vol d’oiseau, en somme, mouvement… » (lire par ailleurs : l’enfant et l’albatros, 5 mai 2008 sudonline). L’histoire devient à partir de ce moment invention et non éternel recommencement, parce que la jeunesse porte la flamme de l’espérance.
Par conséquent, cette génération a beaucoup de choses à prouver. Il ne suffit pas de croire qu’elle peut transformer le monde, elle doit afficher cette volonté, en s’imaginant que le monde qu’elle affronte est celui des possibles. Sinon, tout immobilisme sera synonyme de fatalité qui risque de stopper net le « mouvement qui invente ».
Frantz Fanon ne nous donne aucun choix lorsqu’il affirme avec pertinence que chaque génération à une « mission à remplir ou à trahir ». C’est parce qu’au tribunal de l’histoire, on jugera sur pièce, que chaque génération se fera le devoir de « bâtir ses pyramides », comme le disait fort bien le professeur Joseph Ki Zerbo.
Le défi de prendre le flambeau ne saurait être relevé si cette jeunesse perd de vue qu’elle a le devoir d’occuper le premier rang de la responsabilité citoyenne. Cela suppose un sens élevé du sacrifice mettant toujours en avant les intérêts des populations.
Mais cette responsabilité citoyenne a aussi ses exigences. D’abord la hauteur de vue ou d’esprit. Le regard prospectif s’affranchit toujours de l’appât du présent. Tel l’intellectuel organique d’Antonio Gramsci debout dans sa tour de contrôle, cette génération a le devoir de jouer le rôle d’avant-garde de la société : lutter pour la justice sociale, la transparence dans la gestion des deniers publics, servir de bouclier contre tout corps étranger qui veut saper l’unité nationale…
L’oasis et le désert
Elle n’a pas le droit de regarder par la fenêtre au moment où la rue s’enflamme ou s’embrase du fait de la folie des hommes qui ne pensent qu’à eux-mêmes et non au groupe. S’installer confortablement dans l’oasis de l’insouciance au moment où le désert de l’impunité, de la corruption, de la mal gouvernance, du crime organisé, du pillage systématique des deniers publics, de l’agression des valeurs… avance inexorablement, c’est capituler !
L’engagement politique (implication dans les affaires de la cité) doit être une affaire de tous, qu’importe le parti, le syndicat, l’idéologie, l’organisation de la société civile, l’association auquel ou à laquelle l’individu appartient.
Notre génération doit militer pour la démocratie et les droits de l’homme au sein de ces partis, organisations de la société civile etc, pour proposer, voire imposer, par la force de nos idées, des réformes qui prennent en charge les préoccupations des générations présentes et futures. C’est la seule manière, à nos yeux, de créer les conditions d’une relève crédible.
Il faut oser ramer à contre-courant, déchirer le voile de l’unanimisme que qui entoure le leader et ses inconditionnels, être l’enfant « indélicat » qui pose un regard impénitent sur les défauts de ces aînés qui ont sacrifié les générations montantes.
Notre génération ne doit pas perdre de vue que la place qu’elle veut ne se donne pas, mais s’arrache quitte à avoir tout le monde contre soi.
L’enfant vient de pousser un éclat de rire. C’est donc le moment ou jamais d’inventer un nouveau monde. /…
Wikio
Tributes paid to nine-year-old killed in German Christmas market attack
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André Gleißner was a member of a nearby children's fire brigade, a local
fire department said.
32 minutes ago
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