Fils illégitime d'un notaire de la région de Florence, Léonard de Vinci se forme à la peinture et aux autres arts dans l'atelier de Verrochio. Il devient un familier de Laurent le Magnifique, maître tout-puissant de la République de Florence et grand mécène.
Cependant, la vie en Toscane n'est pas aussi douce qu'on pourrait le croire : jugé pour sodomie, Léonard s'exile en 1476 et ne revient qu'en 1478 et même alors, il ne parvient pas à obtenir la réputation qu'il estime, à juste titre, mériter.
Il faut dire que l'homme est ombrageux et a une fâcheuse tendance à ne pas achever ce qu'il entreprend. De plus, lorsqu'il obtient des commandes de tableaux religieux, leur style déplaît tant qu'elles lui sont en général retirées, comme un Saint Jérôme et l'Adoration des Mages.
Dépité, Léonard part en 1482 à Milan, où il espère obtenir les bonnes grâces du duc Ludovic le More : il lui rédige pour cela une longue lettre détaillant ses capacités d'architecte et d'ingénieur, en particulier en matière militaire. Seules les supplications de ses amis le convainquent de rajouter qu'il est aussi peintre !
Yves Chenal
Créateur malchanceux
Et, de fait, aussi surprenant que cela nous paraisse aujourd'hui, ce n'est pas comme peintre que Léonard est alors célèbre, mais comme organisateur de fêtes. Là, il déploie tout son génie d'inventeur pour développer des machines et mettre en place des spectacles comme personne n'en avait jamais vu.Mais son ambition est autre : il désire plus que tout réaliser le monument équestre que Ludovic veut faire construire pour son père défunt. Après plusieurs années d'humiliation, il est enfin chargé de l'œuvre qui doit assurer sa réputation. Représenter un cheval cabré est un défi technique inouï ; des tonnes de bronze s'accumulent dans la ville, mais voici qu'en 1494, le roi de France Charles VIII entreprend une expédition en Italie. Le métal est alors utilisé pour l'artillerie et le projet équestre ne sera jamais réalisé.
L'alerte passée, Ludovic demande à Léonard de peindre la Cène pour le monastère Santa Maria delle Grazie. L'œuvre obtient enfin un succès général, mais le destin frappe à nouveau : quelques années plus tard, elle commence à se détériorer, victime de l'humidité et des techniques trop innovantes et mal maîtrisée que le peintre a tenu à employer. Les couleurs passent et la peinture se décolle. Décidément, Léonard est maudit.
À Venise, il ne reste que quelques mois, sans parvenir à «percer» ; à Florence, grâce à l'entremise de Machiavel, on lui confie la réalisation d'un tableau à la gloire de la ville, La Bataille d'Anghiari, un combat qui a vu en 1440 la victoire de Florence sur Milan. L'affrontement en lui même n'a rien eu d'extraordinaire, le seul mort est tombé de cheval. Mais Léonard va le transformer en une victoire épique.
Ses cartons fascinent tous les spectateurs, mais les problèmes techniques le dépassent et il n'achève pas l'œuvre, d'autant que la ville a en même temps embauché Michel-Ange, qui le déteste, pour peindre à l'autre bout de la salle, une Bataille de Cascina : durant plusieurs mois, la cohabitation est houleuse !
Toujours à Florence, un marchand, Francisco del Giocondo, lui commande un portrait de sa femme. Il ignore qu'il est à l'origine du plus célèbre tableau du monde, la Joconde. Pour une fois, Léonard n'abandonne pas son œuvre, bien au contraire. Il refuse de s'en séparer et, jusqu'à sa mort, ne cesse de la retoucher. Tant pis pour le mari.
Après un séjour à Rome, il se rend finalement en France en 1516, à la demande pressante de François 1er, qui a pour lui le plus grand respect et lui donne le manoir du Clos-Lucé, près d'Amboise. Il ébauche le plan du futur château de Chambord et meurt trois ans plus tard, non sans avoir réglé ses obsèques dans le plus grand détail. La légende veut que le jeune roi de France ait recueilli son dernier soupir : «aucun homme ne vint au monde qui en sût autant que Léonard», dit le roi en manière d'épitaphe.
Génie pictural
Inventeur touche-à-tout, Léonard de Vinci occupe une place de premier plan dans la peinture en raison de sa maîtrise du fondu. Il est l'inventeur du sfumato, un procédé pictural qui adoucit les contours des ombres et les fond dans la lumière ambiante.Sa manière révolutionnaire d'estomper les formes et de créer l'indécision des ombres et de la lumière va influencer les grands peintres du clair-obscur, au premier rang desquels Rembrandt, un siècle plus tard.
La vie de Léonard : un échec ?
Par son génie, Léonard symbolise la Renaissance italienne. Pourtant, il est aussi une figure tout à fait exceptionnelle et à part. Il n'a pas reçu de formation poussée et connaît mal les œuvres antiques. Il n'est jamais parvenu à s'établir comme ses contemporains Botticelli, Michel-Ange ou Raphaël, et le nombre de tableaux qui lui sont attribués avec certitude se compte sur les doigts des deux mains.Il a projeté de rédiger 120 traités sur les sujets les plus divers, sans jamais en écrire un seul. Les inventions techniques qu'on lui attribue, comme le parachute par exemple, posent également de nombreux problèmes : elles sont dessinées sur les milliers de pages de carnets que Léonard a noircis tout au long de sa vie, mais on ne sait pas s'il s'agit réellement d'inventions ou s'il se contente de noter les idées d'autres.
Bibliographie
Pour aller plus loin, nous vous recommandons Léonard de Vinci (Folio) de Sophie Chauveau, qui se lit comme un roman, et pour cause : l'auteur est aussi romancière (citons du même auteur, pour rester dans l'histoire de l'art, La Passion Lippi ou Le Rêve Botticell, tous deux disponibles en Folio).Passionnante aussi la biographie du spécialiste italien Carlo Vecce : Léonard de Vinci (Flammarion, 2001). Elle met l'accent sur la vie personnelle tourmentée du génie.
Wikio
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