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Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse continueront de glorifier le chasseur.










Saturday, May 22, 2010

France-Algérie : "La simple reconnaissance des faits commis est très importante"


Benjamin Stora, historien, spécialiste du Maghreb
L'historien et sociologue Benjamin Stora à Paris en février 2005.
LE MONDE pour Le Monde.fr | 21.05.10 | 17h12  •  Mis à jour le 21.05.10 | 22h34

ucien : Bonjour. Cela fait plusieurs années que les Français ne voient plus les jeunes Allemands comme des nazis. Pourquoi ne pourrait-il pas en être autant entre les Algériens et les Français ?

Benjamin Stora : La question des rapports franco-algériens est beaucoup plus complexe que celle des rapports franco-allemands, dans la mesure où l'Algérie a existé et émergé comme nation dans une guerre contre la France. Pour les Français, au contraire, l'Algérie était partie intégrante du territoire français. Pour la France, la perte de l'Algérie a été vécue comme un drame national intérieur. Pour les Algériens, la guerre a été vécue comme un acte fondateur de la nation. C'est pourquoi les points de vue semblent si lointains et irréconciliables à première vue. Cela n'a pas été une guerre entre deux nations constituées. Mais une guerre livrée par un parti nationaliste contre une présence jugée coloniale.
Houda : Pourquoi, près de cinquante ans après la déclaration d'indépendance de l'Algérie, les deux pays ont-ils toujours du mal à faire sereinement la lumière sur leur passé ?
Dans chacun des deux pays, cette guerre a été un moyen de légitimation politique. En France, ne l'oublions pas, la guerre d'Algérie a été le moment de la construction des institutions de la Ve République, qui a donné de grands pouvoirs au président de la République – pour conduire une guerre, par exemple – et a abaissé le rôle du Parlement. La France d'aujourd'hui fonctionne sur des institutions qui ont été créées au temps de cette guerre.
En Algérie, c'est la guerre qui légitime le pouvoir politique, et non pas l'établissement d'un régime démocratique par les urnes. Le poids de l'histoire est donc pesant dans le rapport aux institutions politiques dans les deux pays. En France, c'est là un "secret" de cette origine des institutions. L'oubli de cette séquence fondatrice domine. En Algérie, au contraire, c'est la "surcommémoration" qui domine ; le trop-plein d'histoire, quelques fois falsifiée, qui légitime le pouvoir et envahit tout l'espace public.
Aurélie : A propos de l'écriture d'une histoire commune, travaillez-vous avec des chercheurs et historiens d'Algérie?
Je travaille avec des historiens algériens, dont une partie vit en France et une partie vit en Algérie. Parmi les historiens algériens qui vivent en France, il y a bien sûr Mohammed Harbi, qui a dirigé un ouvrage collectif rassemblant trente historiens français et algériens publié en 2004. Il y a aussi des historiens qui sont en Algérie et qui travaillent dans des conditions difficiles, comme Daho Djerbal, qui dirige une revue traitant de sujets tabous en Algérie.
Mais aujourd'hui, ce qui est à mon sens le plus important en Algérie, ce sont les témoignages, les autobiographies d'acteurs, qui sont publiées en grand nombre depuis une quinzaine d'années. Ce sont des documents exceptionnels, en français ou en arabe, qui nous disent la vie quotidienne des Algériens pendant cette période, les motivations d'engagement, les duretés et les faiblesses dans les maquis ou à l'extérieur de l'Algérie, ou la vie des immigrés algériens en France. Cette masse autobiographique fabrique des archives très précieuses pour l'historien. Et puis il y a aussi les témoignages oraux : par exemple, pour les besoins de mon Dictionnaire biographique de militants nationalistes algériens [L'Harmattan, 1985], j'ai recueilli plus d'une centaine de témoignages de militants algériens, dont beaucoup ont aujourd'hui disparu.
Mali : "Présence jugée comme coloniale"… peut-elle être jugée autrement ?
Oui, on peut utiliser d'autres mots que "présence" : on peut parler d'un système colonial, qualifié "d'injuste" par le président de la République Nicolas Sarkozy, dans son discours à Constantine en décembre 2007.
La pomme : Avez-vous vu le film de Rachid Bouchareb, Hors-la-loi ? 
Je n'ai pas pu voir ce film. Il n'a pas été projeté devant des critiques ou des historiens avant sa projection aujourd'hui à Cannes.
Fati : Peut-on réellement être objectif en matière d'histoire ?
L'objectivité est un but à atteindre, bien sûr ; il faut s'approcher au plus près de la vérité historique, et avoir le courage de la dire, comme le disait Jean Jaurès.  Et en même temps, entre en jeu une part de subjectivité dans l'écriture de l'histoire – le vécu, les engagements, les désirs de connaissance à partir du présent…
Victor : Le souvenir de la guerre d'Algérie est-il encore présent chez les populations d'origine algérienne vivant en France ?
Oui. Les immigrés algériens en France, dans leur immense majorité, ont été des partisans du nationalisme algérien pendant la guerre, que ce soit dans le soutien au FLN [Front de libération nationale] ou au MNA [Mouvement national algérien, rival du FLN]. J'ai trouvé dans les archives de police, établi en 1961, le chiffre de 130 000 cotisants à la fédération de France du FLN. C'est un chiffre énorme, rapporté au chiffre de 350 000 Algériens vivant en France à ce moment-là. Il y avait certes de la contrainte dans cette levée d'un impôt révolutionnaire, mais aussi beaucoup d'enthousiasme et d'espoir pour l'indépendance de l'Algérie. La déception a été grande après 1962 – en particulier avec l'établissement d'un régime autoritaire –, mais le sentiment nationaliste ne s'est pas affaibli et s'est transmis aux jeunes générations.
Charles : Bonjour. Je suis fils de harki. Mon père m'a élevé dans l'amour de l'Algérie, malgré son histoire et le comportement des autorités algériennes et françaises. J'ai des amis algériens et eux-mêmes sont choqués du traitement que la France a infligé à nos parents. Ils sont aussi tristes devant le malaise des autorités algériennes quand il s'agit d'évoquer la question des harkis. Pourquoi la France et l'Algérie refusent-elles d'aborder cette page douloureuse ? N'est-ce pas les gouvernants de ces deux Etats qui entretiennent cette guerre des mémoires ?
Oui, vous avez raison, les harkis apparaissent comme les témoins que l'on cherche à dissimuler de ce drame terrible. Ils avaient choisi la France, pas seulement par amour du drapeau français, mais aussi et plus simplement parce qu'ils voulaient rester attachés à leur village et à leur culture. La plupart, lorsqu'ils sont arrivés en France, connaissaient moins bien le français que les immigrés algériens présents en métropole depuis dix ans. Ils étaient des paysans, en armes, contre d'autres paysans en armes, qui eux avaient choisi le camp de l'indépendance et de la nation algérienne. La tragédie des harkis a été cachée et dissimulée pendant très longtemps.
Edith : Quelle mesure venant du gouvernement français aiderait les Algériens à dépasser leur frustration ou leur douleur ?
Il y a des gestes symboliques forts qui peuvent exister au niveau de la reconnaissance des actes qui ont été commis, notamment pendant la guerre d'indépendance algérienne – comme par exemple les disparus de la bataille d'Alger (3 000 Algériens disparus en 1957), comme le déplacement des populations civiles (près d'un million de paysans algériens ont été déplacés par l'armée entre 1956 et 1961)… Sans oublier les expériences atomiques au Sahara, dans les années 1960. La simple reconnaissance de ces faits est pour moi quelque chose de très important et permettrait d'envisager cette sorte de réconciliation mémorielle. Les discours des ambassadeurs de France en Algérie en 2005 et en 2008, caractérisant des événements effectifs comme des massacres épouvantables, sont des signes qui vont dans cette voie.
Louis : Le Monde a consacré une double page et son édito à cette mémoire et en même temps publie une publicité honteuse d'un collectif sur la "vérité sur les crimes du FLN". Connaissez-vous ce collectif ?
Non, je ne connais pas ce collectif. Il y a une multitude de petits collectifs qui continuent d'entretenir la flamme de l'Algérie française, mais que je ne connais pas personnellement. Certains de ces collectifs sont liés à l'extrême droite.
Barkat : Pourquoi le gouvernement français ne dépasserait-il pas la vision de l'extrême droite, en ouvrant le débat sur un véritable travail de mémoire avec les Algériens ?
Le gouvernement envoie des signaux contradictoires. D'un côté, il y a la remise [en 2007] aux autorités algériennes des cartes indiquant les mines posées aux frontières marocaines et tunisiennes pendant la guerre d'Algérie ; la restitution par l'INA d'archives audiovisuelles sur l'Algérie. De l'autre côté, il y a des discours affirmant le rôle positif de la colonisation française en Algérie. Cela désoriente les opinions publiques françaises et algériennes.
Rym : Quel rôle pourraient jouer les binationaux (jeune génération) ?
Ils peuvent jouer un rôle très important dans le dépassement de ces conflits mémoriels. Ils n'ont pas vécu cette guerre et son cortège d'atrocités. Ils peuvent jouer un rôle également sur le terrain de leur appartenance culturelle multiple, ce qui peut être un enrichissement pour les deux sociétés. C'est ce potentiel humain que les deux pays devraient utiliser, plutôt que de se lancer dans une interminable guerre de mots.
Attanasio Eric : J'appartiens à une famille européenne d'Algérie essentiellement ouvrière, où certains ont été membres du Parti communiste algérien et incarcérés pendant la période vichyste. Toutes ces familles étaient très modestes, pour ne pas dire pauvres. Une fois en France, ils sont devenus exploiteurs, grands propriétaires fonciers. N'y-a-t-il pas un travail d'histoire à effectuer afin de rétablir une certaine vérité sur la question du peuplement européen ?
Vous avez parfaitement raison d'évoquer ce problème social, de cette image collée aux Européens de "colons", alors que la plupart avaient un niveau de vie inférieur aux habitants de la métropole. Cela, je l'ai écrit il y a déjà vingt ans dans mes ouvrages, à la suite, bien sûr, des écrits d'Albert Camus, qui, lui-même issu d'un milieu très pauvre, expliquait la destinée des Européens d'Algérie à travers ses livres, notamment Le Premier Homme. Mais Camus a aussi eu la force de "traverser le miroir" et d'évoquer la misère des Algériens dans Misère de la Kabylie. Le travail de l'histoire, c'est de restituer toutes les souffrances, de tenter de rétablir des vérités, mais de ne pas entrer dans la concurrence des mémoires en privilégiant une mémoire plutôt qu'une autre. Le drame de l'écriture de l'histoire de l'Algérie, de mon point de vue, c'est le glissement vers un communautarisme mémoriel.
Jarjar :  La Coupe du monde va jeter une lumière intéressante sur ce sujet. C'est étonnant de voir combien les Algériens, qui supportent leur équipe, soutiennent aussi les Bleus. On ne peut pas dire la même chose des supporteurs français… Pensez-vous cependant que ce type d'événement contribue à forger une unité nationale, à fédérer, comme on a pu le dire du Mondial 1998 ?
Il est vrai que les Algériens aujourd'hui connaissent bien mieux la société française, ses élites politiques ou ses équipes sportives, alors que les Français eux ne connaissent pratiquement rien des élites culturelles algériennes, des écrivains ou sportifs, des chefs d'entreprise ou hommes politiques. Il y a là un déséquilibre. Mais je ne crois pas que le simple exercice footballistique permettra de surmonter ce déséquilibre. D'abord parce que le football devient de plus en plus un sport transnational : les équipes, les clubs, dans chacun des pays, sont composées de joueurs venus des quatre coins du monde, et chacune des équipes nationales est maintenant composée de joueurs qui pour la plupart évoluent dans des clubs étrangers. Je vois mal comment le nationalisme pourrait éclore avec la dispersion de tous ces joueurs à l'étranger…
Benjamin Stora est historien spécialiste du Maghreb et auteur de l'ouvrage La Gangrène et l'Oubli (éditions La Découverte).

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