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E. do REGO

IL EXISTE MILLE MANIERES DE MENTIR, MAIS UNE SEULE DE DIRE LA VERITE.

Le Mensonge peut courir un an, la vérité le rattrape en un jour, dit le sage Haoussa .

Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse continueront de glorifier le chasseur.










Saturday, May 29, 2010

VIDÉOS À VOIR


  Vidéos

Shlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé

Shlomo Sand revient sur la polémique qu'il a soulevée avec son ouvrage "Comment le peuple juif fut inventé" et raconte la genèse de cette oeuvre. 


Amazigh Kateb soutient le Tribunal Russel pour la Palestine

Ne manquez pas la soirée de soutien au Tribuanl Russel ce jeudi 20 mai 2010 au Cabaret Sauvage à Paris.



Chavez explique le socialisme du 21ème siècle à des entrepreneurs

Petite leçon d'économie avec le professeur Chavez qui lance un appel à des entrepreneurs vénézuéliens. 


Alerte à Babylone

Un agronome nous explique pourquoi la catastrophe du crétacé est ridicule par rapport à ce que nous vivons actuellement. 



Solutions locales pour un désastre global

Bande-annonce du nouveau film de Coline Serreau qui explore les alternatives possibles à l'agro-industrie et ses désastres. 

Norman Finkestein et la carte de l'holocauste 

Norman Finkelstein répond à une jeune étudiante qui n'accepte pas des critiques à l'encontre de l'Etat israélien à cause de la souffrance de l'holocauste. 



Corvéables

Sur l’exploitation des sans papiers maliens autour de Montreuil et le rôle de Bouygues et des grandes entreprises dans cet esclavage moderne. 




Palestine occupée, Dexia impliquée

Documentaire réalisé, par Bruno Fr. et Pierre Lemp., pour la campagne "Palestine Occupée, Dexia impliquée".
Ce petit film explique en moins d'un quart d'heure ce qu'est une colonie israélienne, comment ces dernières fonctionnent, et pourquoi Dexia trouve son compte à les financer.



La stratégie du choc

Bande-annonce du film basé sur l'excellent livre de Naomi Klein. Pour comprendre comment le capitalisme du désastre tire profit des pires catastrophes.

Keny Arkana : Jeunesse du monde (clip illustré)

Extrait du premier album de la rappeuse marseillaise "Entre ciment et belle étoile". Keny Arkana est une chanteuse militante qui a notamment participé à la formation des collectifs "La rage du peuple" et l'"Appel des sans voix". Une artiste comme on aimerait en voir plus souvent.
 

Défilé de mode militaire chez H&M

La société suédoise de mode H&M a décidé d’ouvrir un second magasin à Jérusalem, sur les lieux même d’un ancien village palestinien détruit en 1948, Malha, et dont les anciens habitants et leurs descendants sont encore aujourd’hui réfugiés. Le profit et les droits de l’homme ne font pas toujours bon ménage.

 
  

On bosse ici ! On vit ici ! On reste ici !

réalisé par le Collectif des cinéastes pour les "sans-papiers" pour appeler à la régularisation des travailleurs sans papiers.

Chavez interviewé par Larry King sur CNN

Il démolit, à cette occasion, les médiamensonges largement répandus sur lui et sa politique. Il évoque la tentative d’assassinat, ses relations avec l’Iran, la guerre contre Gaza…

Pour un Chavez à la française VOSTFR
envoyé par librepenseur007. - L'actualité du moment en vidéo.

L'affaire Coca-Cola

Depuis 2002, en Colombie, plus de 470 leaders ouvriers ont été abattus par des milices paramilitaires à la solde de compagnies prêtes à tout pour empêcher leurs employés de se syndiquer dont... Coca-Cola ! Voir le site du film

Frédéric Taddéï défend la liberté d'expression face aux censeurs

Norman Finkelstein

Cette fois nous sommes allés trop loin La vérité et les conséquences sur l'invasion de Gaza

Bande annonce de Defamation

film documentaire sur l'antisémitisme de Yoav Shamir. Film entier sous titré en français sur Dailymotion

NIQUE LA FRANCE (Le clip)

Z.E.P featuring Busta Robert & Mc Jean Pierre

NIQUE LA FRANCE (Le clip)
envoyé par zep_zep. - Regardez plus de clips, en HD !

To shoot an elephant trailer

Réalisé par Alberto Arce et Mohammed Rujailah, ce documentaire est un témoignage sur les attaques d'Israël de l'hiver dernier à Gaza. Alors que l'armée israélienne interdisait aux journalistes étrangers d'entrer dans la Bande, Arce a réussi à y rester et a filmé comment les équipes médicales et les hôpitaux étaient pris pour cibles par les forces israéliennes alors qu'ils étaient en service.
Le film est visible gratuitement dans sa version intégrale et en français sur toshootanelephant.com

De la servitude moderne

Bande annonce du film documentaire de Jean-François Brient sur le système totalitaire marchand dans lequel nous vivons soumis. Le film est visible dans son intégralité sur delaservitudemoderne.org

Licenciement pour cause de boycottage

Un ingénieur marocain s’est fait licencier de son travail pour avoir boycotté une formation imposée par sa société française au Maroc (Sofrecom). Cette formation était dispensée par une société israélienne. La police marocaine s’en est prise violemment à lui et aux personnes qui l’ont soutenu. Ci-dessous le reportage d’Al Jazeera :

« Rachel »

Documentaire sur la mort de la pacifiste américaine Rachel Corrie, 22 ans, écrasée par un bulldozer israélien en mars 2003. Sortie en Belgique (Flagey) le 5 janvier. Voir les dates en France sur son site simonebitton.com

Des soldats américains partagent leur prise de conscience

Une intervention remarquée de Mike Prysner, jeune vétéran de la guerre d'Irak, lors d'un colloque organisé par l'association "Vétérans d'Iraq contre la guerre" (IVAW) appelant la population à la lucidité. Celle de reconnaître qui sont les véritables instigateurs de ces guerres, initiées et entretenues sur base de motifs fallacieux, au mépris de toute dignité humaine et dans l'hypocrisie générale. Sous-titrage : Jean-Luc Guilmot - www.vigli.org

Marcheurs pour Gaza au Caire

Les manifestants de la Marche pour Gaza ont été bloqués en Egypte et n'ont pas pu rejoindre la Palestine. Mais il en fallait plus pour leur faire baisser les bras. Ils ont donc manifesté au Caire, bloquant les principaux axes de la ville et attirant l'attention des médias du monde entier.

La Fin de la Pauvreté ? De Philippe Diaz

Avec la voix de Charles Berling - Sortie le 16 Décembre 2009 - Distributeur : Cargo Films - Voir l'article de Damien Millet

Chomsky et Compagnie ou comment on fabrique l’opinion publique en démocratie

Documentaire d’Olivier Azam et de Daniel Mermet, produit par les Mutins de Pangée. Chomsky le scientifique, le grand linguiste et l’intellectuel engagé, le Don Quichotte de la propagande. Plus qu’un portrait, un reportage itinérant de Boston à Montréal, de Toronto à Paris ; avec des interventions d’autres penseurs comme Jean Bricmont, scientifique et essayiste belge, ou le Québécois Normand Baillargeon.

L'île aux fleurs

Douze minutes : c'est le temps durant lequel nous suivons le parcours d'une tomate, depuis sa production dans la plantation de M. Suzuki, jusqu'à son point d'arrivée, décharge publique de l'île aux Fleurs. Film pamphlet, systématique et grinçant, ce court métrage dénonce la sous-humanité qu'entraîne l'économie de marché et les 22% de Brésiliens qui meurent de faim.

Gazastrophe

Images de Gaza, Palestine, pays qui ressemble de plus en plus à une métaphore.
Gaza au lendemain de la dernière guerre et découvrons, l'étendue de la « gaza-strophe ».
Les récits de dizaines de témoins de la guerre israélienne contre Gaza, nous font entrer dans le cauchemar palestinien. Malgré cela, nos amis Gazaoui nous ont offert des poèmes, des chants...
http://www.gaza-strophe.com


François CLUZET parle de Salah HAMOURI

Sarkozy avait promis d'aller chercher n'importe quel Français, quoiqu'il ait fait, où qu'il soit. François Cluzet le prend au mot et défend en direct sur France 2 la cause de Salah Hamouri, dont nous avions déjà parlé ici. Mais pourquoi le prétendu BNCVA (Bureau National de Vigilance Contre l'Antisémitisme) attaque-t-il Cluzet en Justice ? Manifestement, il n'a aucune chance de gagner un procès d'une telle mauvaise foi? Le but véritable est ailleurs : nuire à la carrière de l'acteur, décourager les réalisateurs de l'engager encore. Pour contrer de tels chantages, la meilleure riposte consiste à diffuser la vidéo, soutenir Cluzet et nous aider à investiguer sur les agissements du lobby sioniste y compris dans les milieux artistiques. 
Blog pour soutenir Salah Hamouri

Le vrai visage de Daniel Cohn-Bendit

Clip M.A.P. "La chasse est ouverte"



Comment l'Europe tue l'Afrique sournoisement





Chavez: "il faut éviter que la Colombie ne devienne l'Israël de l'Amérique latine"





Oliver Stone: la vérité sur Hugo Chávez

South of the Border ("Au Sud de la frontière") est le dernier film du réalisateur Oliver Stone réalisé lors d'un voyage au Venezuela où il a rencontré le président Chavez. Le documentaire dénonce la diabolisation par les médias et le gouvernement de son pays du président vénézuélien et de la gauche sud-américaine.


Clip du groupe dub militant, KillaSoundYard sur la Palestine et le
massacre de Gaza


KillaSoundYard voit le jour en 2006, créé par deux étudiants en histoire lors du mouvement anti-CPE dont l'université de Tolbiac, dans laquelle ils étudient alors, fut l'un des principaux foyers de contestation. Deux passionnés de dub UK et de early digital décident alors le lancement du projet qui rappelons-le, s'inscrit avant tout dans une démarche militante, anticapitaliste, antifasciste et autogestionnaire.
Rapidement, Adi, clarinettiste, rejoint l'équipe KillaSoundYard en enrichissant la composition musicale et les arrangements mélodiques des productions stepper.
Par la suite, en 2007, les membres du KillaSoundYard rencontrent deux rappeurs, 2MWA et M.A ; tous se rejoignent sur la volonté de diffuser un message politique intransigeant et radical. C'est alors que se développe le projet rap du KillaSoundYard, indépendant, underground et autoproduit, dont les instrumentales sont réalisées par le groupe et par un camarade portugais, Fabio.
Vous pouvez télécharger le clip sur le site KillaSoundYard




Wikio

La Banque mondiale favorise l’accaparement des terres africaines



Ouestafnews   



Un rapport accablant, produit par un « think tank » (centre de recherche) américain a accusé la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale) de faciliter « l’accaparement des terres » en Afrique par des groupes privés étrangers.


Le rapport, obtenu par Ouestafnews, passe en revue les réformes foncières dans près d’une trentaine de pays, dont près d’une vingtaine en Afrique et une demi-douzaine en Afrique de l’Ouest, dénonce l’action de la Banque mondiale à travers sa composante privée, la SFI.
Ce rapport est produit à un moment où l’insécurité alimentaire se pose avec acuité dans les pays du Sahel, ramenant à l’ordre du jour la question de l’accaparement des meilleures terres agricoles en Afrique, à la faveur de la nouvelle ruée vers ce continent, favorisée par les politiques libérales imposées par la Banque mondiale aux Etats africains.
« Suite à la crise alimentaire et financière de 2008, la Banque devait jouer un rôle central dans ce qui aurait dû être une offensive en faveur de la sécurité alimentaire dans les pays en développement», affirme les deux rédactrices du rapport de l’Oakland Institute, Anuradha Mittal et Shepard Daniel.
Basé aux Etats Unis, le Oakland Institute s’est donné comme mission de favoriser « la participation publique et un débat démocratique sur les problèmes cruciaux au plan social , économique et environnemental », à l’échelle nationale ou internationale.
Toutefois, accusent les deux auteurs, « les faits révèlent que le Groupe de la Banque mondiale est justement en train de faire le contraire, par le biais de ses programmes "Access to land’"(accès à la terre) et "Land market for investment" (marché foncier pour l’investissement) ».
Les agissements de la SFI, notamment la promotion des « investissements directs dans le secteur agricole, posent la dangereuse question de la terre dans des pays déjà parmi les plus vulnérables », note par exemple Shepard Daniel, co-auteur du rapport.
« Près de 50 millions d’hectares de terres cultivables dans les pays en développement sont actuellement aux mains d’investisseurs privés », a-t-elle encore affirmé.
Ces accusations sont corroborées par des informations obtenues par Ouestafnews à partir d’autres sources.
Ainsi, selon un article daté du 25 mai 2009 et publié sur le site internet du journal « Les Afriques », depuis 2004, ce sont « au total de 2,49 millions d’hectares de terres qui ont fait l’objet de transactions, soit des concessions, soit des ventes » rien que dans cinq pays africains, dont deux en Afrique de l’Ouest.

Les cinq pays concernés sont l’Ethiopie, le Ghana, Madagascar, le Mali et le Soudan.
L’article en question cite un rapport commandité par le Fonds international pour le développement agricole (Fida) et l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (Fao), qui averti contre le risque d’accentuation de la situation de pauvreté dans laquelle se trouve des populations déjà démunies.
Ces transactions, à l’origine de la dépossession des petits propriétaires africains, sont rendues possibles, selon le rapport de l’Oakland Institute, par les pratiques de la SFI, qui pousse les Etats à modifier leur législation en matière d’investissement dans le but de faciliter l’implantation de groupes privés issus des pays du nord.
En Afrique de l’ouest, le texte cite les cas de la Sierra Leone et du Liberia où « 21 modifications ont été opérées sur les textes régissant les affaires en un temps record de quatre mois» et au Mali où le programme de réforme de l’environnement des affaires imposé au gouvernement n’avait d’autre but que de « favoriser l’investissement privé dans le secteur de l’agro-business, du tourisme et des mines…»
D’autres pays ouest africains (Guinée Bissau, Bénin), où l’action de la Banque mondiale et de sa filiale a des effets néfastes sur la propriété et le contrôle des terres, sont aussi cités dans le document.
Les accusations de collusion entre les intérêts de la Banque mondiale et ceux du secteur privé, que ne sont pas nouvelles, sont fondés sur le fait que sa filiale SFI a parfois des intérêts dans les projets d’investissements ou détient des parts dans les sociétés qui investissent.
«La SFI conseille ainsi les gouvernements en étant dans la position d’un investisseur et dans le but d’accroître et de renforcer non seulement les investissements directs étrangers mais aussi son propre programme d’investissement et de croissance », affirment les auteurs du rapport.
Interrogés par Ouestafnews, les responsables de la SFI n’ont pas totalement nié les accusations sur la question des investissements privés étrangers dans les terres. 

Elle a plutôt tenté de minimiser les accusations, en arguant que la question foncière est « compliquée », assurant même vouloir aider la Sierra Leone, par exemple à « atteindre son objectif de créer 25.000 emplois directs dans les zones rurales ». 

« Notre objectif premier est de favoriser les investissements privés, qu’il soient locaux ou étrangers afin d’encourager la croissance économique et la création d’emplois », a affirmé la SFI dans sa réponse transmise par email à Ouestafnews.
La même source précise qu’au Libéria tout comme en Sierra –Léone, le but est de «simplifier la (procédure pour) la création d’entreprises.»
Pourtant selon le Oakland Institute, « plusieurs exemples de grands projets » existent qui prouvent que les terres vont aux étrangers.
Au Mali par exemple, plus de « 160.000 hectares » ont été cédés à un groupe privé pour développer la culture du Jatropha, plante utilisée dans la production de biocarburants.
En Sierra –Leone, une multinationale helvétique va produire « 100.000 mètres cubes de bioéthanol à partir de la canne à sucre locale».
Cette compétition entre biocarburants et produits alimentaires est l’un des gros arguments de ceux qui s’opposent à l’expropriation des petits exploitants agricoles.
En dehors de ces deux pays d’Afrique de l’ouest, ailleurs sur le continent, les rapporteurs ont mis en relief le cas éthiopien « un pays où plus de 13 millions de personnes souffrent de la faim et paradoxalement où le gouvernement a mis plus de 7,5 millions d’acres (soit un peu plus de 3 millions d’ha) de terres aux mains de groupes étrangers qui exportent la nourriture vers leurs propres pays ».
En République démocratique du Congo (RDC), le gouvernement devrait « céder à partir de 2009 près de dix millions d’hectares de terres cultivables à des exploitants étrangers ».

Selon certains analystes, cette dépossession des terres est porteuse de réels dangers pour le continent.
Ainsi dans sa préface au rapport de l’ Oakland Institute, Howard G. Buffet, homme d’affaires, philanthrope, avertit que si « l'Afrique a besoin d'investissements dans l'agriculture », elle n’a pas besoin, par contre, « de politiques qui permettent aux investisseurs étrangers de cultiver et d’exporter la nourriture vers leurs propres peuples au détriment de la population locale ». 

« Je vais être encore plus audacieux », écrit le préfacier, par ailleurs fils du milliardaire Warren Buffet : « de telles politiques vont nuire à l’Afrique, en aggravant les conflits liés à l'eau, à la terre » avant de rappeler que « l'Afrique n'est pas une marchandise avec une étiquette ‘ouverte à tous’ ».
Ce n’est pas la première fois que la SFI est accusée de collusion avec les intérêts privés, dans des secteurs où elle sert aussi de « conseiller » aux Etats, en Afrique principalement.

Avant le foncier et l’agriculture, de pareilles objections étaient apparues dans ses opérations dans le secteur minier africain, où certains experts du continent ont souvent dénoncé une véritable situation de « conflit d’intérêts ».

Source: Ouestaf


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Saturday, May 22, 2010

France-Algérie : "La simple reconnaissance des faits commis est très importante"


Benjamin Stora, historien, spécialiste du Maghreb
L'historien et sociologue Benjamin Stora à Paris en février 2005.
LE MONDE pour Le Monde.fr | 21.05.10 | 17h12  •  Mis à jour le 21.05.10 | 22h34

ucien : Bonjour. Cela fait plusieurs années que les Français ne voient plus les jeunes Allemands comme des nazis. Pourquoi ne pourrait-il pas en être autant entre les Algériens et les Français ?

Benjamin Stora : La question des rapports franco-algériens est beaucoup plus complexe que celle des rapports franco-allemands, dans la mesure où l'Algérie a existé et émergé comme nation dans une guerre contre la France. Pour les Français, au contraire, l'Algérie était partie intégrante du territoire français. Pour la France, la perte de l'Algérie a été vécue comme un drame national intérieur. Pour les Algériens, la guerre a été vécue comme un acte fondateur de la nation. C'est pourquoi les points de vue semblent si lointains et irréconciliables à première vue. Cela n'a pas été une guerre entre deux nations constituées. Mais une guerre livrée par un parti nationaliste contre une présence jugée coloniale.
Houda : Pourquoi, près de cinquante ans après la déclaration d'indépendance de l'Algérie, les deux pays ont-ils toujours du mal à faire sereinement la lumière sur leur passé ?
Dans chacun des deux pays, cette guerre a été un moyen de légitimation politique. En France, ne l'oublions pas, la guerre d'Algérie a été le moment de la construction des institutions de la Ve République, qui a donné de grands pouvoirs au président de la République – pour conduire une guerre, par exemple – et a abaissé le rôle du Parlement. La France d'aujourd'hui fonctionne sur des institutions qui ont été créées au temps de cette guerre.
En Algérie, c'est la guerre qui légitime le pouvoir politique, et non pas l'établissement d'un régime démocratique par les urnes. Le poids de l'histoire est donc pesant dans le rapport aux institutions politiques dans les deux pays. En France, c'est là un "secret" de cette origine des institutions. L'oubli de cette séquence fondatrice domine. En Algérie, au contraire, c'est la "surcommémoration" qui domine ; le trop-plein d'histoire, quelques fois falsifiée, qui légitime le pouvoir et envahit tout l'espace public.
Aurélie : A propos de l'écriture d'une histoire commune, travaillez-vous avec des chercheurs et historiens d'Algérie?
Je travaille avec des historiens algériens, dont une partie vit en France et une partie vit en Algérie. Parmi les historiens algériens qui vivent en France, il y a bien sûr Mohammed Harbi, qui a dirigé un ouvrage collectif rassemblant trente historiens français et algériens publié en 2004. Il y a aussi des historiens qui sont en Algérie et qui travaillent dans des conditions difficiles, comme Daho Djerbal, qui dirige une revue traitant de sujets tabous en Algérie.
Mais aujourd'hui, ce qui est à mon sens le plus important en Algérie, ce sont les témoignages, les autobiographies d'acteurs, qui sont publiées en grand nombre depuis une quinzaine d'années. Ce sont des documents exceptionnels, en français ou en arabe, qui nous disent la vie quotidienne des Algériens pendant cette période, les motivations d'engagement, les duretés et les faiblesses dans les maquis ou à l'extérieur de l'Algérie, ou la vie des immigrés algériens en France. Cette masse autobiographique fabrique des archives très précieuses pour l'historien. Et puis il y a aussi les témoignages oraux : par exemple, pour les besoins de mon Dictionnaire biographique de militants nationalistes algériens [L'Harmattan, 1985], j'ai recueilli plus d'une centaine de témoignages de militants algériens, dont beaucoup ont aujourd'hui disparu.
Mali : "Présence jugée comme coloniale"… peut-elle être jugée autrement ?
Oui, on peut utiliser d'autres mots que "présence" : on peut parler d'un système colonial, qualifié "d'injuste" par le président de la République Nicolas Sarkozy, dans son discours à Constantine en décembre 2007.
La pomme : Avez-vous vu le film de Rachid Bouchareb, Hors-la-loi ? 
Je n'ai pas pu voir ce film. Il n'a pas été projeté devant des critiques ou des historiens avant sa projection aujourd'hui à Cannes.
Fati : Peut-on réellement être objectif en matière d'histoire ?
L'objectivité est un but à atteindre, bien sûr ; il faut s'approcher au plus près de la vérité historique, et avoir le courage de la dire, comme le disait Jean Jaurès.  Et en même temps, entre en jeu une part de subjectivité dans l'écriture de l'histoire – le vécu, les engagements, les désirs de connaissance à partir du présent…
Victor : Le souvenir de la guerre d'Algérie est-il encore présent chez les populations d'origine algérienne vivant en France ?
Oui. Les immigrés algériens en France, dans leur immense majorité, ont été des partisans du nationalisme algérien pendant la guerre, que ce soit dans le soutien au FLN [Front de libération nationale] ou au MNA [Mouvement national algérien, rival du FLN]. J'ai trouvé dans les archives de police, établi en 1961, le chiffre de 130 000 cotisants à la fédération de France du FLN. C'est un chiffre énorme, rapporté au chiffre de 350 000 Algériens vivant en France à ce moment-là. Il y avait certes de la contrainte dans cette levée d'un impôt révolutionnaire, mais aussi beaucoup d'enthousiasme et d'espoir pour l'indépendance de l'Algérie. La déception a été grande après 1962 – en particulier avec l'établissement d'un régime autoritaire –, mais le sentiment nationaliste ne s'est pas affaibli et s'est transmis aux jeunes générations.
Charles : Bonjour. Je suis fils de harki. Mon père m'a élevé dans l'amour de l'Algérie, malgré son histoire et le comportement des autorités algériennes et françaises. J'ai des amis algériens et eux-mêmes sont choqués du traitement que la France a infligé à nos parents. Ils sont aussi tristes devant le malaise des autorités algériennes quand il s'agit d'évoquer la question des harkis. Pourquoi la France et l'Algérie refusent-elles d'aborder cette page douloureuse ? N'est-ce pas les gouvernants de ces deux Etats qui entretiennent cette guerre des mémoires ?
Oui, vous avez raison, les harkis apparaissent comme les témoins que l'on cherche à dissimuler de ce drame terrible. Ils avaient choisi la France, pas seulement par amour du drapeau français, mais aussi et plus simplement parce qu'ils voulaient rester attachés à leur village et à leur culture. La plupart, lorsqu'ils sont arrivés en France, connaissaient moins bien le français que les immigrés algériens présents en métropole depuis dix ans. Ils étaient des paysans, en armes, contre d'autres paysans en armes, qui eux avaient choisi le camp de l'indépendance et de la nation algérienne. La tragédie des harkis a été cachée et dissimulée pendant très longtemps.
Edith : Quelle mesure venant du gouvernement français aiderait les Algériens à dépasser leur frustration ou leur douleur ?
Il y a des gestes symboliques forts qui peuvent exister au niveau de la reconnaissance des actes qui ont été commis, notamment pendant la guerre d'indépendance algérienne – comme par exemple les disparus de la bataille d'Alger (3 000 Algériens disparus en 1957), comme le déplacement des populations civiles (près d'un million de paysans algériens ont été déplacés par l'armée entre 1956 et 1961)… Sans oublier les expériences atomiques au Sahara, dans les années 1960. La simple reconnaissance de ces faits est pour moi quelque chose de très important et permettrait d'envisager cette sorte de réconciliation mémorielle. Les discours des ambassadeurs de France en Algérie en 2005 et en 2008, caractérisant des événements effectifs comme des massacres épouvantables, sont des signes qui vont dans cette voie.
Louis : Le Monde a consacré une double page et son édito à cette mémoire et en même temps publie une publicité honteuse d'un collectif sur la "vérité sur les crimes du FLN". Connaissez-vous ce collectif ?
Non, je ne connais pas ce collectif. Il y a une multitude de petits collectifs qui continuent d'entretenir la flamme de l'Algérie française, mais que je ne connais pas personnellement. Certains de ces collectifs sont liés à l'extrême droite.
Barkat : Pourquoi le gouvernement français ne dépasserait-il pas la vision de l'extrême droite, en ouvrant le débat sur un véritable travail de mémoire avec les Algériens ?
Le gouvernement envoie des signaux contradictoires. D'un côté, il y a la remise [en 2007] aux autorités algériennes des cartes indiquant les mines posées aux frontières marocaines et tunisiennes pendant la guerre d'Algérie ; la restitution par l'INA d'archives audiovisuelles sur l'Algérie. De l'autre côté, il y a des discours affirmant le rôle positif de la colonisation française en Algérie. Cela désoriente les opinions publiques françaises et algériennes.
Rym : Quel rôle pourraient jouer les binationaux (jeune génération) ?
Ils peuvent jouer un rôle très important dans le dépassement de ces conflits mémoriels. Ils n'ont pas vécu cette guerre et son cortège d'atrocités. Ils peuvent jouer un rôle également sur le terrain de leur appartenance culturelle multiple, ce qui peut être un enrichissement pour les deux sociétés. C'est ce potentiel humain que les deux pays devraient utiliser, plutôt que de se lancer dans une interminable guerre de mots.
Attanasio Eric : J'appartiens à une famille européenne d'Algérie essentiellement ouvrière, où certains ont été membres du Parti communiste algérien et incarcérés pendant la période vichyste. Toutes ces familles étaient très modestes, pour ne pas dire pauvres. Une fois en France, ils sont devenus exploiteurs, grands propriétaires fonciers. N'y-a-t-il pas un travail d'histoire à effectuer afin de rétablir une certaine vérité sur la question du peuplement européen ?
Vous avez parfaitement raison d'évoquer ce problème social, de cette image collée aux Européens de "colons", alors que la plupart avaient un niveau de vie inférieur aux habitants de la métropole. Cela, je l'ai écrit il y a déjà vingt ans dans mes ouvrages, à la suite, bien sûr, des écrits d'Albert Camus, qui, lui-même issu d'un milieu très pauvre, expliquait la destinée des Européens d'Algérie à travers ses livres, notamment Le Premier Homme. Mais Camus a aussi eu la force de "traverser le miroir" et d'évoquer la misère des Algériens dans Misère de la Kabylie. Le travail de l'histoire, c'est de restituer toutes les souffrances, de tenter de rétablir des vérités, mais de ne pas entrer dans la concurrence des mémoires en privilégiant une mémoire plutôt qu'une autre. Le drame de l'écriture de l'histoire de l'Algérie, de mon point de vue, c'est le glissement vers un communautarisme mémoriel.
Jarjar :  La Coupe du monde va jeter une lumière intéressante sur ce sujet. C'est étonnant de voir combien les Algériens, qui supportent leur équipe, soutiennent aussi les Bleus. On ne peut pas dire la même chose des supporteurs français… Pensez-vous cependant que ce type d'événement contribue à forger une unité nationale, à fédérer, comme on a pu le dire du Mondial 1998 ?
Il est vrai que les Algériens aujourd'hui connaissent bien mieux la société française, ses élites politiques ou ses équipes sportives, alors que les Français eux ne connaissent pratiquement rien des élites culturelles algériennes, des écrivains ou sportifs, des chefs d'entreprise ou hommes politiques. Il y a là un déséquilibre. Mais je ne crois pas que le simple exercice footballistique permettra de surmonter ce déséquilibre. D'abord parce que le football devient de plus en plus un sport transnational : les équipes, les clubs, dans chacun des pays, sont composées de joueurs venus des quatre coins du monde, et chacune des équipes nationales est maintenant composée de joueurs qui pour la plupart évoluent dans des clubs étrangers. Je vois mal comment le nationalisme pourrait éclore avec la dispersion de tous ces joueurs à l'étranger…
Benjamin Stora est historien spécialiste du Maghreb et auteur de l'ouvrage La Gangrène et l'Oubli (éditions La Découverte).

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Wednesday, May 19, 2010

Sahara Occidental: Le gouvernement français empêche la résolution du conflit








Jean-Paul Le Marec  
Chaque année depuis 1991, date du cessez-le-feu entre le Maroc et le Front Polisario, le Conseil de Sécurité des Nations unies adopte une résolution sur le Sahara occidental pour  réaffirmer le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination mais la solution entre les parties doit être "mutuellement acceptable". Cette contrainte laisse donc la possibilité au Maroc de bloquer toute solution qui ne lui plait pas. Et il ne s'en prive pas! Après avoir mis en cause le recensement des électeurs sahraouis, il a refusé tous les plans de l'ONU (comme le plan Baker) qui débouchaient sur un référendum d'autodétermination. En 2007, il a repris sa proposition ancienne d'autonomie sous souveraineté marocaine qu'il veut aujourd'hui imposer au centre des négociations directes qui se sont ouvertes en 2007 sous l'égide des Nations unies.

Le 30 avril 2009, le Conseil de sécurité de l'ONU avait adopté la résolution 1871 qui prolongeait d'un an le mandat de la mission des Nations unies au Sahara occidental (MINURSO) mise en place en 1991 pour surveiller le maintien du cessez-le-feu et préparer...le référendum. Des pays membres du Conseil de sécurité, choqués par la répression de la population sahraouie dans les territoires occupés, avaient demandé que la résolution ne se contente pas de répéter les formules habituelles sur "l'autodétermination" mais aborde clairement la question des droits de l'homme. La France s'y était fermement opposée.


Un an plus tard, en avril 2010, le Conseil de sécurité de l'ONU réexamine la question du Sahara occidental pour adopter une nouvelle résolution. Pendant plusieurs semaines, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, et les 15 membres du Conseil de sécurité ont été submergés de pétitions, courriers, appels émanant de personnalités (José Saramago, Eduardo Galeano...), d'élus et d'associations internationales des droits de l'homme (Amnesty International , Human Rights Watch, Front Line...) pour demander l'inclusion de la surveillance des droits de l'homme dans les compétences de la MINURSO.
De nombreux pays européens (Grande-Bretagne, Autriche), sud-américains (Brésil, Mexique) et africains (Nigeria, Ouganda) y étaient favorables. Les Sahraouis avaient enfin l'espoir de pouvoir sortir du cycle de la répression, des procès et des emprisonnements. C'était une fois de plus sans compter avec la France dont le représentant à l'ONU a bloqué toute référence à un mécanisme de surveillance des droits de l'homme dans la résolution adoptée le 30 avril 2010. Laissons les Sahraouis exprimer leur colère après ce coup de poignard par la voix d'Abdeslam Omar Lahsen, président de l'Association des Familles de prisonniers et de disparus sahraouis (AFAPREDESA), dans une "lettre ouverte au peuple français": " C'est avec consternation et stupeur que nous avons appris que le gouvernement français s'est opposé farouchement à toute mention des droits de l'homme dans la résolution. Le pire, c'est que la France était le seul pays du Conseil à montrer, avec autant d'acharnement, une telle opposition (...)
Désormais tout est clair: la France officielle est le principal obstacle à la paix au Sahara Occidental. Elle ne s'est pas contentée d'utiliser ses jaguars sophistiqués contre le peuple sahraoui en détresse dans les années 70, d'armer jusqu'aux dents une force d'agression qui viole la légalité internationale, de financer un régime qui viole systématiquement les droits de l'homme du peuple sahraoui et du peuple marocain frère et de signer des accords illicites qui pillent les ressources naturelles du Sahara Occidental. En plus de tout cela, le gouvernement français vient de priver le peuple sahraoui de la simple surveillance des droits de l'homme par la mission des Nations unies pour le référendum au Sahara Occidental (MINURSO)".
Résultat, la MINURSO (dont le mandat est prolongé jusqu'au 30 avril 2011) reste la seule mission de maintien de la paix des Nations unies sans prérogative de surveillance des droits de l'homme dans le cadre de son mandat. Les Sahraouis peuvent être tabassés devant les bureaux de la MINURSO à El Aaiun, les responsables onusiens ne bougent pas, n'interviennent pas; ils empêchent même les Sahraouis victimes des violences policières de se réfugier dans leurs locaux!


A l'ONU, la France ne s'est pas contentée de bloquer le dossier des droits de l'homme. Son représentant s'est fait l'avocat du Maroc en soutenant ouvertement sa proposition d'autonomie qui bafoue la légalité internationale fondée sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Voici le compte-rendu officiel du Département de l'information du Conseil de sécurité: "Le représentant de la France a indiqué que le statu quo n'est pas acceptable à long terme. Il a rappelé l'importance de la proposition d'autonomie, avancée par le Maroc en 2007, qui forme, de l'avis de la France, une base de négociation viable pour parvenir à un accord".
Sans faire référence au droit à l'autodétermination, le représentant de la France a relayé dans les instances internationales la réponse donnée par le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, le 7 avril devant la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, au député communiste Jean-Paul Lecoq: " A l'instar de l'ONU, nous avons salué comme une avancée la proposition d'autonomie déposée par les Marocains sur la table du secrétaire général des Nations unies". En se faisant le porte-parole du Maroc, le gouvernement français empêche la résolution du conflit sahraoui et devient l'obstacle principal à la paix dans cette région du Maghreb.


Après 35 ans d'occupation marocaine ou d'exil dans les camps de réfugiés à Tindouf, le peuple sahraoui ne supporte plus ce statu quo, il aspire à vivre normalement et à recouvrer sa souveraineté sur son territoire. Le Sahara occidental est le dernier pays colonisé d'Afrique. A l'occasion du 50ème anniversaire de l'indépendance des pays d'Afrique, il est temps de mener jusqu'à son terme le processus de décolonisation en Afrique. Cela passe par le référendum d'autodétermination qui permettrait au peuple sahraoui de décider librement de son avenir.
Aujourd'hui, il ne suffit plus  de faire référence au droit à l'autodétermination dans les déclarations et les résolutions onusiennes, il faut des actes d'une grande fermeté et exercer des pressions sur le Maroc, pouvant aller si nécessaire jusqu'à des sanctions, pour qu'il respecte ses engagements et applique le droit international. Si leurs droits continuent d'être bafoués de façon aussi choquante, les Sahraouis ne risquent-ils pas de répondre à cette véritable provocation des instances internationales en choisissant d'autres moyens que la diplomatie et la négociation.
Ne faut-il pas prendre au sérieux l'avertissement de Mohamed Abdelaziz, secrétaire général du Front Polisario, en décembre 2009 à l'ouverture du 7ème congrès de la Jeunesse sahraouie: " Au moment où nous annonçons au monde entier que notre option est celle de la paix, nous affirmons notre engagement à continuer notre lutte pour recouvrer tous nos droits nationaux reconnus dans le cadre des accords internationaux (...) Le combat sera mené par tous les moyens autorisés, y compris la lutte armée".
Source: Investig'Action

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Sénégal : Ces prix de misère qui ruinent les paysans et tuent l’agriculture



par Sidy Bâ   
Depuis la période coloniale, l'arachide a été la mamelle nourricière du monde rural sénégalais, la principale source de revenus des paysans. Aujourd'hui, produire dans ce secteur revient à entamer un chemin de croix. L'Etat, qui assurait la stabilité des prix et la sécurité des revenus pour les producteurs, s'est effacé pour laisser ces derniers entre les mains des industriels de l'huilerie et les intermédiaires qui jouent avec les prix sur le marché. La campagne de commercialisation de cette année vient de s'achever et n'échappe pas à la règle. Encore une fois, note Sidy Bâ, les paysans ont travaillé à perte.

Les années se suivent et se ressemblent pour les producteurs d’arachides du Sénégal. Cette campagne 2009 /2010, ils ont travaillé dur pour faire des productions records. Mais pour récompenser leurs efforts, les huiliers, grands maîtres du jeu au sein du Comité National Interprofessionnel de l’Arachide (CNIA) ont fixé le prix du kilogramme à 165 francs CFA. Tous les producteurs ont manifesté leur déception à l’annonce de ce prix qui les appauvrit et accentue leur misère.


Pour rappel, le Cadre Concertation des Producteurs d’Arachide (CCPA) organisation faîtière, leader de la filière arachide au Sénégal, a commandité une étude sur les coûts de production de l’arachide d’huilerie, menée par une institution indépendante, l’Ecole Nationale Supérieure d’Agriculture, avec le soutien du CECI une ONG canadienne basé au Sénégal. L’étude a révélé que le prix du kilogramme d’arachide est de 192 francs CFA bord champ.


Les producteurs se sont rendu compte qu’ils travaillent à perte depuis la nuit des temps. Seules les huiliers, qui alignent leurs prix sur le cours mondial des oléagineux (soja et colza) qui sont de 120 francs le kilogramme, et les intermédiaires, tirent de super profits sur le dos des braves agriculteurs. A titre d’exemple, cette année, le Sénégal a eu une production estimée à 1 million 175 000 tonnes. Les huiliers n’achèteront que 300 000 t, correspondant au montant de la subvention de 13,5 milliards de francs accordé par l’état, ce qui ouvre la voie à une spéculation préjudiciable au producteur.


Sur chaque kilogramme vendu à 165 francs, le producteurs perd 27 francs. Soit une perte sèche de 8 milliards de francs pour la présente campagne. Elle allait être de 21, 6 milliards, n’eut été la subvention de 45 francs par kg consentit par le contribuable sénégalais.


On peut affirmer que les industriels travaillent objectivement pour la mort de l’arachide. Les profits qu’ils tirent de la vente de «l’or du Sénégal», ils ne le réinvestissent pas dans la filière. L’état du Sénégal devait obliger la SUNEOR (société d’huilerie) à respecter son cahier de charges et acheter au moins plus de la moitié de la production nationale, le reste de la production étant écoulé au niveau des autres unités industrielles que sont NOVASEN, le CAIT, ou par l’autoconsommation et les réserves personnelle de semences.


Le décret 2010 -15 du 13 janvier 2010, portant libéralisation de l’exportation des arachides de bouche et d’huilerie, est une solution très simpliste et un aveu d’échec de taille du régime libéral sénégalais pour une filière qui régente la vie de tout un peuple depuis plus deux siècles. Et si par malheur les productions chutent l’année suivante, on prendra certainement un autre décret pour protéger la SUNEOR.


Le CNIA est un précieux cadre pour les huiliers et les intermédiaires, pour faire valoir les décisions qu’ils prennent à l’encontre des masses paysannes laborieuses. L’essor de l’arachide avait permis au monde paysan de connaître des mutations importantes dans le sens de l’amélioration du niveau de vie en milieu rural et avait fortement contribué à la stabilité économique des ménages paysans. Mais aujourd’hui, le constat est amer. Car, selon le rapport du Service Régional de la Statistique et de la Démographie de Kaolack en cours de validité, les surfaces cultivées en arachide ont connu une baisse drastique de 28%, passant de 288 406 ha en 2007 à 207 417 ha en 2008. Cette région est la principale productrice d’arachide au Sénégal.


L’arachide reste au cœur de l’économie rurale sénégalaise et même celle de l’ensemble du Sénégal. En milieu rural, plus de 350 000 exploitations familiales sont engagées dans la culture de l’arachide, ce qui lui confère un rôle essentiel dans la lutte contre la pauvreté. Plus de 4 millions de Sénégalais tirent leurs revenus de l’arachide et la région de Kaolack en est la locomotive.


Avec les politiques d’ajustement structurel, l’État s’est désengagé de la culture de l’arachide depuis le début des années 1980, avec ce qui fut l’application de la Nouvelle Politique Agricole (NPA). L’option choisie alors par les huiliers, pour ce qui est la principale filière agricole au Sénégal, pourvoyeuse de revenus monétaires pour la majorité des paysans, a été d’importer de l’huile végétale (huile brute de soja ou colza Ogm) pour la consommation nationale et d’exporter l’huile et les tourteaux d’arachide.


Par conséquent, les revenus des producteurs ne cessent de s’éroder, parce que les prix qu’ils reçoivent ne reflètent pas leurs coûts. Cette érosion des revenus empêche la majorité des exploitations familiales de réaliser des gains de productivité et de faire des investissements. Il s’en suit que le marché des intrants, des semences, des engrais et du matériel agricole n’arrive pas non plus à se structurer adéquatement. Par ailleurs, faute de pouvoir fournir les garanties de paiement exigées, cette baisse de revenus limite grandement l’accès au crédit.


Voici la vraie raison qui vide nos campagnes, encourage l’exode rural et l’immigration clandestine. Aucun entrepreneur, fut-il agriculteur ne veut et ne peut travailler à perte. Pour joindre les deux bouts dans l’année, ils sont obligés de vendre les productions des cultures vivrières (mil, niébé et sorgho). Ce qui risque de compromettre la souveraineté alimentaire des ménages en milieu rural.
 
Sidy Bâ est secrétaire général du Cadre de Concertation des Producteurs d’Arachides du Sénégal
Source: Pambazuka 
Wikio

Monday, May 17, 2010

17 mai 1642 Naissance de Montréal

17 mai 1642
Naissance de Montréal
par 
Alban Dignat.




Montréal, métropole de l'actuelle province du Québec, est née le 17 mai 1642 sur une grande île située au confluent du fleuve Saint-Laurent et de la Rivière-des-Prairies.

Une idée de Samuel de Champlain
En 1615, Samuel de Champlain, qui a déjà fondé l'«Abitation de Québec» le 3 juillet 1608, émet l'idée d'un poste sur le fleuve Saint-Laurent en vue de promouvoir la religion catholique parmi les Indiens de la Nouvelle-France... et de développer le commerce de la fourrure.

L'idée est reprise sous le règne de Louis XIII par le baron de Fancamp et Jérôme de la Dauversière, un habitant de La Flèche. Ils songent à une grande île sur le fleuve, à 1500 km à l'intérieur des terres, que l'explorateur Jacques Cartier a repérée un siècle plus tôt, le 2 octobre 1535, et baptisée «Mons realis» (Mont royal en latin). En vue de sa colonisation, ils fondent la «Société de Notre-Dame de Montréal pour la conversion des sauvages de la Nouvelle-France» (le mot sauvage vient du latin salvaticus et désignait à l'époque celui qui habite dans les bois, sans connotation péjorative comme aujourd'hui).

Le 9 mai 1641, deux navires quittent La Rochelle pour la Nouvelle-France (le Québec actuel). La colonie ne compte encore que 400 Français. À bord des navires, une cinquantaine de personnes sous la direction de deux catholiques fervents, le gentilhomme Paul de Chomedey de Maisonneuve et l'infirmière Jeanne Mance.

L'expédition passe l'hiver à Québec et atteint le site de Montréal l'année suivante. Elle débarque près du village huron d'Hochelaga, dont un quartier actuel de Montréal perpétue le nom. L'endroit est aujourd'hui connu sous le nom de «pointe à Callière», et un très beau musée d'archéologie et d'histoire y rappelle l'événement...

Des débuts pénibles
Sitôt arrivés, les colons construisent une clôture. La messe de fondation a lieu le lendemain, dimanche 18 mai 1642. Le nouvel établissement est consacré à la Vierge et prend le nom de Ville-Marie (une dizaine d'années plus tard, il ne sera plus connu que sous le nom de Montréal). Il se dote d'un hôtel-dieu (hôpital) à l'initiative de Jeanne Mance.

Mais les débuts sont très pénibles et la ville doit se défendre contre les Iroquois, farouches ennemis des Français depuis leur rencontre malheureuse avec Samuel de Champlain. L'arrivée de nouveaux colons permet de fortifier la colonie. En 1647, par décision du gouvernement français, les armateurs sont contraints d'amener un immigrant pour chaque tonne de fret. En 1653, le gouverneur Maisonneuve ramène de France une centaine de soldats pour mieux protéger sa ville. Celle-ci connaît enfin la sérénité avec la Grande Paix de 1701 conclue avec les Indiens.

Montréal devient bientôt la plaque tournante du commerce des fourrures, «l'or de la Nouvelle-France».

Le temps des Anglais

Mais arrive la guerre de Sept Ans... La ville est assiégée par trois armées anglaises et se rend sans combattre le 18 septembre 1760. Comme l'ensemble de la Nouvelle-France, elle passe dès lors à la couronne britannique. Deux siècles après sa naissance, elle compte 45.000 habitants.

Au milieu du XIXe siècle, c'est une cité en pleine expansion, qui tire sa richesse non plus du commerce des fourrures mais de son port fluvial accessible aux navires transatlantiques.

Beaucoup d'immigrants y affluent et le maire de la ville prend acte de cette nouvelle réalité en dotant la ville d'un drapeau qui rappelle la diversité de ses habitants avec la fleur de lys française, la rose anglaise, le chardon écossais et le trèfle irlandais.

Capitale éphémère du Canada

En 1847, Montréal est choisie en raison d'une situation géographique exceptionnelle pour devenir le siège du gouvernement du Haut-Canada (à majorité anglophone) et du Bas-Canada (à majorité francophone). Mais sa vocation de capitale tourne court après le drame du 25 avril 1849. Ce jour-là, à l'hôtel du Parlement, le gouverneur général du Canada sanctionne (ou entérine) une loi du Premier ministre du Bas-Canada, Louis-Hippolyte La Fontaine.
Cette loi vise à indemniser les victimes de la répression des rébellions qui se sont produites douze ans plus tôt dans les provinces francophones. Les commerçants anglophones de la ville se soulèvent aussitôt. Ils brûlent la résidence du Premier ministre et surtout l'hôtel du Parlement et sa riche bibliothèque. C'est ainsi qu'en 1857, la reine Victoria choisit Ottawa de préférence à Montréal pour être la capitale du Canada-Uni.
Aujourd'hui, Montréal conserve la satisfaction d'être la ville la plus vivante du Canada. Mais elle a dû céder à Toronto (4,5 millions d'habitants) la primauté économique.

Avec 3 millions d'habitants pour l'ensemble de son agglomération, dont une majorité qui ont le français pour langue maternelle, elle reste la deuxième ville francophone du monde après Paris.

Elle s'honore d'un très beau musée des Beaux-Arts et de quatre universités : Sherbrooke, McGill, UQÀM (Université de Québec à Montréal) et la plus réputée de toutes, l'Université de Montréal. Le site des Jeux Olympiques de 1976 est aujourd'hui occupé par l'un des principaux jardins botaniques du monde et un intéressant «Biodôme». L'île du Saint-Laurent sur laquelle s'est tenue l'exposition universelle de 1969 est devenue un grand parc d'attractions.

Monday, May 10, 2010

Travail des enfants, les leçons des pays émergents



De nouvelles statistiques du Bureau international du Travail (BIT) (1) viennent de rappeler que la main-d’œuvre enfantine constitue un volant persistant de la population active mondiale. Depuis la fin des années 1990, le nombre d’enfants de moins de 14 ans « économiquement actifs » oscille entre 176 et 211 millions, auxquels s’ajoutent une centaine de millions d’enfants de 15 à 17 ans. En dépit d’une diminution progressive, le maintien d’une main-d’œuvre enfantine à cette échelle s’explique par les limites rencontrées par les politiques de scolarisation et surtout par la permanence de la pauvreté (2,7 milliards d’humains survivent avec moins de deux dollars par jour, et un milliard souffrent de la faim). Les enfants contribuent à la subsistance de leurs familles, en travaillant aux champs ou en se déployant dans les petits métiers du secteur informel (vendeurs de rue, trieurs de déchets...), leur contribution pouvant atteindre 20 % ou 25 % du revenu familial. Dans les sociétés du Sud, dépourvues de protection sociale, leurs revenus viennent aussi partiellement amortir l’insécurité des familles : la perte d’activité ou le départ du chef de famille, une mauvaise récolte, un désastre naturel, l’arrivée d’une maladie ou tout autre aléa de la vie suffisent à mettre les enfants au travail.
A ce titre, la crise économique risque d’accroître encore le nombre d’enfants actifs, en aggravant la précarité du travail des adultes. Le BIT estime en effet qu’entre 2008 et 2009, 41 à 109 millions d’actifs sont allés rejoindre les rangs des travailleurs vulnérables, dont le nombre avoisine désormais 1,5 milliard de personnes, soit la moitié de la main-d’œuvre mondiale (2).
Déjà en 1998, la crise asiatique avait entraîné une hausse de l’abandon scolaire et du nombre d’enfants actifs aux Philippines, en Thaïlande et en Indonésie, et aujourd’hui, les mêmes effets pourraient se reproduire. « Depuis la faillite de Dubaï, observe par exemple Kailash Satyarthi, qui anime à New Delhi la Coalition d’Asie du Sud contre la servitude des enfants (SACCS), l’Inde et le Pakistan voient revenir des milliers de travailleurs émigrés qui faisaient vivre leurs familles depuis l’émirat. Sans travail, ils devront sûrement solliciter leurs enfants pour contribuer à la survie ».
S’il augmente en temps de crise, le travail des enfants régresse-t-il avec le retour de la prospérité, comme on pourrait le penser ? Pas si simple : les fruits de la croissance restant inégalement distribués. Nulle part l’essor économique des années 2000 n’a pu venir à bout des poches de pauvreté profonde, véritables réservoirs d’enfants travailleurs. Il suffit d’observer les pays où l’économie n’a jamais été aussi prospère, comme en Asie, où plus de 96 millions d’enfants de moins de 14 ans travaillent encore. En réalité, ce phénomène n’est pas tant lié au degré de développement économique qu’au niveau de revenu et de protection sociale de ses habitants : il est même un indicateur assez pertinent du degré de fragilité des individus dans des économies qui se portent bien. Les groupes sociaux contraints de faire travailler leurs enfants sont en effet les exclus permanents de la prospérité, qui cumulent pauvreté, endettement, illettrisme, et absence de protection sociale. C’est-à-dire des centaines de millions d’urbains sans travail, de paysans sans terres échoués dans les bidonvilles, de travailleurs pauvres, de migrants intérieurs aux enfants déscolarisés, de familles monoparentales et de membres de minorités ethniques ou de basses castes. La vulnérabilité de ces populations ouvre la voie à toutes formes d’exploitation, dont certaines sont extrêmes (servitude des enfants pour dette, trafics). En Inde, par exemple, les planteurs de coton de la prospère région du Gujarat envoient des intermédiaires recruter des enfants dans les zones tribales pauvres du Rajasthan voisin. Au Nicaragua et au Honduras, ce sont aussi les enfants des minorités indigènes qui sont exploités dans les mines, rappelle le BIT, tandis qu’au Brésil, les routes du trafic de main-d’œuvre enfantine passent par la région pauvre du Nordeste.
En fait, le travail des enfants se maintient surtout parce qu’il se montre utile dans un modèle économique fondé sur la compression des coûts du travail. Le très faible niveau de salaire des enfants – environ la moitié de celui des adultes, et toujours inférieur aux minima légaux – encourage les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre à les utiliser dans les fabrications manuelles peu qualifiées (artisanat, briqueteries, chantiers...). L’emploi de cette main-d’œuvre flexible, docile et de faible coût, reflète d’ailleurs de manière significative le profil des économies nationales. Au XIXe siècle en Europe, il a accompagné la révolution industrielle dans le secteur minier et textile. C’est encore vrai aujourd’hui : dans les pays exportateurs, la main-d’œuvre enfantine est chroniquement présente dans la production de matières premières vitales, comme les cultures de rente (cacao, tabac, coton, café...) en Afrique, Amérique latine et Asie, ainsi que dans l’extraction de pierres et de minerais. Selon le BIT, plus d’un million d’enfants de 5 à 17 ans (fillettes comprises) travaillent dans des mines d’or, de sel, de charbon, de gypse ou de diamants.
Dans l’Asie émergente, ce type de travail épouse les récentes évolutions économiques, en opérant un glissement partiel de l’agriculture vers l’industrie, ainsi que de l’industrie vers le tertiaire. Les secteurs miniers et manufacturiers (textile, petite mécanique, verreries, briqueteries...) utilisent ainsi une part avérée d’ouvriers de moins de 14 ans, souvent venus des campagnes pauvres, en Inde et au Bangladesh, et de moins de 16 ans au Cambodge ou en Chine ; même le fabricant d’ordinateurs Apple a reconnu, en février 2010, la présence de quelques ouvriers de 15 ans dans ses unités d’assemblage asiatiques.

Le petit domestique,
un signe affiché d’accès à la prospérité

La migration vers le tertiaire, elle, s’observe notamment dans les sociétés dotées d’une forte tradition de domesticité (Brésil, Costa Rica, Indonésie, Sri Lanka, Philippines, Thaïlande, Inde...). Le recrutement d’enfants domestiques a en effet été dopé par l’expansion des classes moyennes et leur demande accrue en services. En Inde, par exemple, engager un petit domestique est unstatus symbol, un signe affiché d’accès à la prospérité. En mars 2010, le ministre indien du travail, Mallikarjun Kharge, a d’ailleurs indiqué, sur la base de chiffres partiels, que le pays comptait désormais moins d’enfants actifs dans les ateliers de tapis que dans les cuisines, récurant les casseroles des nouveaux consommateurs indiens. Chez les particuliers comme dans la restauration. Le développement des zones industrielles et commerciales urbaines a entraîné la multiplication des snacks-bars de bord de rue (dhabas) qui assurent la restauration rapide des employés. Et la plupart de ces dhabas emploient des enfants, pour certains très jeunes, qui préparent le thé et lavent la vaisselle.
Loin de disparaître avec la prospérité, l’emploi d’enfants se redéploie en périphérie des nouveaux secteurs de croissance. Dopé par leur activité, il les accompagne en amont (production de matières premières) et en aval (services aux particuliers, réparation automobile, tri des déchets industriels (3), tout en restant présent dans les tâches de sous-traitance (broderie à domicile, assemblage de petites pièces artisanales et industrielles...).
Il ne s’agit donc pas d’un phénomène archaïque, isolé du reste du marché du travail : avec 60 % des enfants actifs présents dans l’agriculture, 25,6 % dans les services et 7 % dans l’industrie, il constitue bien un rouage de l’économie et contribue à la richesse des pays concernés, même si c’est de manière marginale et si aucun indicateur n’est actuellement susceptible de le mesurer.
Ce qui revient aussi à dire qu’en dépit des chartes éthiques et autres engagements des fabricants et des distributeurs, le consommateur mondial achète tous les jours des produits où des mains d’enfants sont intervenues à un stade ou un autre de la fabrication (cacao, thé, sucre, fruits, tabac, coton…).

Les leçons de l’expérience brésilienne

Si, jusqu’alors, la pléthore de lois prohibant le travail des enfants n’a pas réussi à le faire disparaître, c’est qu’il ne suffit pas de l’interdire : encore faut-il briser les mécanismes qui le sous-tendent. Et dans ce domaine, les leçons venues des pays émergents se révèlent instructives.
Dans ces pays (Brésil, Inde, Mexique, Chine...), ni la croissance élevée ni le recul relatif de la pauvreté n’ont mécaniquement fait décroître le travail des enfants. Seul un élément a fait la différence : la mise en place de politiques ciblant la vulnérabilité des plus pauvres.
Le gouvernement brésilien a lancé en 2003 des bourses aux familles démunies, les Bolsa Familia, qui bénéficient aujourd’hui à 46 millions de Brésiliens pauvres (près d’un quart de la population). De 2003 à 2006, le nombre d’habitants vivant avec moins d’un dollar par jour a baissé d’environ 20 %, et l’indice des inégalités de revenus a diminué de 4,7 % entre 1995 et 2004, selon le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) (4). En parallèle, le Brésil, qui avait déjà lancé au milieu des années 1990 des programmes ciblés de retrait des enfants du travail et rehaussé l’âge minimal au travail à 16 ans, a fortement investi dans l’éducation de base, permettant aux inscriptions dans le secondaire d’augmenter de 10 % par an depuis 1995 – un niveau inégalé ailleurs (5). Au final, le nombre de petits travailleurs de 5 à 17 ans est passé de 8,2 millions à 5 millions entre 1992 et 2004, selon le BIT.
Au Mexique, un programme comparable, Oportunidades, bénéficie à 25 millions de personnes à faible revenu (un quart de la population) qui, en contrepartie d’allocations, doivent garantir la scolarisation et le suivi sanitaire de leurs enfants. Comme au Brésil,Oportunidades a contribué à réduire de 5 % les inégalités sociales et à faire reculer le travail infantile. En réalité, ces programmes ne sont que les habits neufs d’un système qui, au siècle dernier, avait signé la fin du travail infantile en Europe : des allocations liées à l’assiduité scolaire et qui améliorent les très bas revenus, rendant inutile l’apport financier de leurs enfants.
Dans la région, des expériences similaires ont été lancées au Chili (Chile Solidario), au Nicaragua (Red de Protección Social) ou en Colombie (Familias en acción), avec là encore, selon la Banque Mondiale, une hausse de la fréquentation scolaire de plus de 30 %.
De son côté, l’Inde a mis sur pied en 2006 un programme de lutte contre la pauvreté rurale. Le National Rural Employment Guarantee Act (NREGA) garantit aux familles démunies une activité rémunérée allant jusqu’à 100 jours par an dans des travaux d’intérêt public et un salaire minimum. En dépit d’une mise en route inégale, ce programme a, en quatre ans, amélioré les revenus de 52 millions de familles rurales, selon le ministère indien du développement rural. Son impact sur le travail des enfants et leur scolarisation n’est toutefois pas encore mesurable, car à la différence du Brésil, ce supplément de revenu n’est pas conditionné à l’assiduité scolaire. Par ailleurs, l’Inde n’a pas montré le même investissement que le Brésil envers le réseau d’écoles publiques. Mais le NREGA affiche des effets prometteurs : il a touché plus de femmes que prévu (elles sont 48 % des bénéficiaires, notamment des mères seules) et il bénéficie aux basses castes (scheduled castes, 30 %) et aux populations tribales (scheduled tribes, 20 %), catégories fournissant de forts effectifs d’enfants travailleurs. Ce programme semble également avoir limité l’exode saisonnier des sans-terre, qui abonde les flux de main d’œuvre enfantine exploitable. New Delhi a aussi créé diverses assurances pour faire face à la vieillesse (Indira Gandhi National Old Age Pension Scheme), au handicap et au décès du chef de famille (Sanjay Gandhi Niradhar Yojna, Aam Admi Beema Yojna, National Family Benefit Scheme...). La mise en œuvre de ces allocations, très variable selon les régions, témoigne de la volonté de l’Etat de prendre en compte une vulnérabilité qui fait jouer aux enfants le rôle d’assurance sociale.
De son coté, l’Afrique du Sud réfléchit à un programme analogue, tandis que la Chine a l’intention d’améliorer le revenu des familles rurales et de compléter le système de sécurité sociale et de retraite.

Changement de perspectives
pour les pays du Sud

Bien sûr, ces suppléments de revenus ne changent pas radicalement la vie des plus pauvres et encore moins les structures sociales des pays concernés. Mais ils jettent indéniablement les bases d’un système de protection sociale. Ils montrent aussi que dans les pays émergents, l’enrichissement visible de la classe moyenne n’est socialement – et politiquement – pas tenable si rien n’est fait en faveur de ceux qui regardent passer le train de la prospérité sans pouvoir y monter. L’expérience du Brésil montre qu’un pays du Sud peut développer avec pertinence ses propres stratégies ; ce dernier a d’ailleurs lancé une coopération Sud-Sud pour le travail des enfants, en partenariat avec le BIT. Dans les instances internationales, cette expérience a fait évoluer le regard porté sur les services publics, en rappelant les bénéfices de bons équipements éducatifs. Au final, son mérite est d’avoir mis en évidence la nocivité du laissez-faire économique et d’avoir réhabilité le rôle de l’Etat social.
Pour autant, tout n’est pas réglé, ni au Brésil ni dans les très inégalitaires sociétés d’Amérique latine et d’Asie, qui continuent d’abriter des millions d’enfants actifs. Et l’on objectera, avec raison, que si les pays émergents ont les moyens de prendre des mesures en faveur de plusieurs dizaines de millions d’habitants, tel n’est pas le cas des pays moins avancés, comme ceux d’Afrique subsaharienne – seule région au monde où la main-d’œuvre enfantine continue d’augmenter (58,2 millions de moins de 14 ans en 2008, contre 49,3 millions en 2004, selon le BIT) ; plus d’un d’enfant sur quatre (28,4 %) travaille. Des micro-expériences de revenu minimum menées en Namibie et au Malawi ont montré, elles aussi, une amélioration des taux de scolarité. Les pays pauvres, qui dépendent de l’aide au développement et des transferts de fonds des migrants, ne disposent pas des budgets nécessaires pour lancer de telles politiques à grande échelle.
Mais tel n’est pas le cas de leurs bailleurs de fonds. Et ces institutions internationales, qui leur ont si longtemps imposé une amputation des dépenses sociales, avec de lourdes conséquences sur le niveau de pauvreté et le délabrement de l’école publique, seraient aujourd’hui bien inspirées de se raviser et d’aider massivement ces pays à emprunter la voie brésilienne. Ce n’est qu’à ce prix que la fin du travail des enfants cessera d’être une utopie hors de portée des pays du Sud, pour devenir, à terme, un objectif raisonnablement envisageable.
Bénédicte Manier
(3) L’essor des nouvelles technologies et de l’automobile en Asie a élargi les activités des petits travailleurs des décharges : en plus des métaux et des chiffons, il trient désormais les déchets informatiques et les pièces de voitures.


  • « Où vont tous ces enfants ? », par Claire Brisset, novembre 2009.
    Malnutrition, travail éreintant, absence d’éducation, abandon, violences de toutes sortes : de par le monde, des millions d’enfants connaissent des conditions de vie lourdes de conséquences pour leur avenir.
  • « Géographie de l’enfance », par Philippe Rekacewicz, Vision cartographiques, 28 octobre 2009.
    Les enfants âgés de 0 à 14 ans sont aujourd’hui 1,9 milliards et la moitié d’entre eux n’ont accès à aucun des services fondamentaux auxquels ils ont droit : l’alimentation, la santé, l’éducation, la protection contre les abus.
  • « Ikea en Inde, un emploi démontable », par Olivier Bailly, Jean-Marc Caudron et Denis Lambert, décembre 2006.
    Entre 1994 et 1997, trois reportages des télévisions allemande et suédoise ont accusé l’entreprise d’employer dans des conditions dégradantes des enfants en Inde, ainsi qu’au Pakistan, au Vietnam et aux Philippines.
  • « Tout est cousu d’enfance » (C. B.), janvier 2001.
    Cent cinquante mille enfants placés, plusieurs dizaines de milliers d’enfants violentés, battus, maltraités par des mots ou par des coups. Où, quand, cela se passe-t-il ? En France, aujourd’hui.

Toujours disponible

  •  « Les révoltés du travail », Manière de voirnº 103, février - mars 2009.
    Quoi de commun entre tous les révoltés du travail ? Pas grand-chose, si ce n’est que tous ont su au cours des décennies écoulées jouer les invités-surprises dans une histoire qui se serait volontiers écrite sans eux.



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