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IL EXISTE MILLE MANIERES DE MENTIR, MAIS UNE SEULE DE DIRE LA VERITE.

Le Mensonge peut courir un an, la vérité le rattrape en un jour, dit le sage Haoussa .

Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse continueront de glorifier le chasseur.










Wednesday, May 29, 2013

L'Afrique doit reprendre la main sur ses ressources naturelles


Le Monde.fr |  • Mis à jour le 


Le potentiel du continent est affaibli par l'hémorragie de capitaux – souvent due à l'évasion fiscale et la manipulation des prix de transfert par les sociétés pétrolières, gazières et minières, et ce avec la complicité de fonctionnaires corrompus (une mine en Afrique du Sud).

Plusieurs pays africains comptent actuellement parmi les économies les plus dynamiques au monde, avec une croissance alimentée, dans plusieurs cas, par les nouvelles découvertes de réserves de pétrole, de gaz naturel et de minerais stratégiques.

Sur le continent, l'extrême pauvreté est en recul et la progression vers les objectifs du Millénaire pour le développement s'est accélérée. Plusieurs pays africains très pauvres, dont le Malawi, la Sierra Leone et l'Éthiopie, ont dernièrement considérablement réduit les inégalités de revenus.
Pourtant, des millions d'Africaines et d'Africains ne bénéficient pas de la croissance impressionnante que connaît le continent.
Un tiers des personnes les plus pauvres de la planète vivent en Afriquesubsaharienne, laquelle compte six des dix pays les plus inégalitaires au monde. Là où les inégalités de revenus sont importantes, les bienfaits de la croissance économique demeurent inaccessibles aux couches pauvres de la population. La pauvreté et l'exclusion nuisent à la stabilité sociale, entravant la productivité des investissements et jusqu'à la croissance même.
Le potentiel du continent est en outre affaibli par l'hémorragie de capitaux – souvent due à l'évasion fiscale et la manipulation des prix de transfert par lessociétés pétrolières, gazières et minières, et ce avec la complicité de fonctionnaires corrompus. En 2010, les exportations africaines de pétrole, de gaz et de minerais s'élevaient à 333 milliards de dollars.
FLUX ILLICITES DE CAPITAUX
Mais selon les estimations, l'Afrique perdrait jusqu'à 200 milliards de dollars par an dans le cadre de flux illicites de capitaux. En comparaison, l'aide au développement reçue paraît dérisoire. Les inégalités de revenus et les flux illicites de capitaux dépouillent l'Afrique de ses richesses et de précieux moyens d'investirdans l'éducation, l'agriculture et la santé – des secteurs essentiels à une population active.
Les dirigeants d'entreprises et les responsables politiques africains réunis au Cap du 8 au 10 mai à l'occasion du Forum économique mondial sur l'Afrique doivententendre le message suivant : pour que l'Afrique puisse réaliser tout son potentiel,vous devez soutenir les millions de laissés-pour-compte de la croissance économique. Sinon, le progrès social et économique restera au ralenti sur le continent.
Le mois dernier, l'Union européenne est parvenue à un accord sur une réglementation qui imposera aux sociétés pétrolières, gazières, minières et forestières de déclarer les sommes versées aux autorités publiques des pays dans lesquels elles opèrent. Cet accord vient renforcer une législation récemment promulguée aux États-Unis dans le cadre de la loi de réforme financière Dodd-Frank, et je m'en réjouis.
La transparence est un excellent outil ; elle va pousser les gouvernements àrendre compte de la façon dont ils dépensent les fonds qu'ils reçoivent à titre de droits d'exploitation et de royalties.
LOI SUR LA GESTION DES RECETTES PÉTROLIÈRES AU GHANA
Quelques États africains prennent des mesures pour gérer leur patrimoine naturel de façon responsable. Au Ghana, la loi sur la gestion des recettes pétrolières nationales rend obligatoire la déclaration trimestrielle des paiements et des volumes de production, tandis qu'au Liberia, l'Initiative volontaire pour la transparence dans les industries extractives (EITI) a désormais force obligatoire.
Mais l'Afrique ne pourra pas s'en sortir seule. Moteur de l'économie africaine, le secteur privé détient, s'il se comporte de manière responsable, la clé d'un développement économique équitable et durable. Les politiques et les pratiques des entreprises doivent respecter les droits des populations des pays où elles opèrent. Les sociétés doivent informer et consulter les communautés locales touchées par les projets d'extraction et leur accorder la possibilité d'approuver ou de rejeter un projet avant le début des opérations.
Pour leur part, les partenaires du développement de l'Afrique peuvent apporter une aide qui favorisera la bonne gouvernance et donnera à la société civile les moyens de rappeler les dirigeants à leur obligation de rendre des comptes.
Nous assistons à une ruée sur les ressources naturelles de l'Afrique, qui n'est pas sans rappeler l'époque de la révolution industrielle en Europe. Il est urgent et impératif que, dans chaque pays, des politiques se mettent en place pour protéger les droits et les intérêts des Africaines et Africains, et plus particulièrement celles et ceux qui vivent dans la pauvreté.
Si l'on veut maintenir des taux de croissance élevés, la priorité doit aller à l'établissement de politiques inclusives qui garantissent le caractère durable et équitable de la croissance. Il faut injecter une part autrement plus importante des revenus générés par le boom des ressources naturelles directement dans l'éducation, la santé et la nutrition. Sinon, nous risquons de saper les efforts visant à stimuler la croissance économique de manière durable.
Il est temps de changer la donne pour les populations pauvres d'Afrique, de leuraccorder plus d'équité pour que les ressources de l'Afrique bénéficient à tous ses habitants.

Friday, May 17, 2013

Euro Espoirs de football en Israël, les droits des Palestiniens piétinés



Israël accueille du 5 au 18 juin 2013 le championnat d’Europe de football des moins de 21 ans. De nombreuses voix s’élèvent contre l’impunité dont jouit le pays sur la scène internationale et appellent à boycotter l’événement.
par Olivier Pironetmercredi 15 mai 2013
« Nous les avons acceptés en Europe et leur avons garanti les conditions d’adhésion (1), ils doivent respecter le message des lois et réglementations sportives internationales, faute de quoi leur présence en Europe n’aura pas lieu d’être. Je vais peser de tout mon poids pour mettre un terme à la souffrance du joueur palestinien, notamment au football. (…) Israël n’a qu’un seul choix : laisser le sport palestinien se développer ou il doit assumer tout seul les conséquences de son attitude » (2).
Ainsi s’exprimait M. Michel Platini, le président de l’Union européenne des associations de football (UEFA), au sortir d’un entretien avec M. Jibril Rajoub, son homologue de la fédération palestinienne (PFA), le 22 septembre 2010, au siège de l’UEFA, en Suisse. L’ancien footballeur français semblait alors résolu à prendre à bras-le-corps le problème des restrictions sur la liberté de mouvement imposées par les autorités israéliennes aux joueurs palestiniens et celui du blocage par Tel-Aviv des fonds et des équipements sportifs offerts à la Palestine par les donateurs internationaux ou l’UEFA elle-même.
Pourtant, moins de six mois plus tard, le 27 janvier 2011, Israël se voyait confier par le bureau exécutif — dirigé par le même Platini — de l’instance européenne du ballon rond l’organisation de la phase finale du championnat d’Europe des moins de 21 ans (Euro Espoirs 2013), qui verra s’affronter huit pays du 5 au 18 juin. A l’été 2011, une quarantaine de clubs de football palestiniens signaient une déclaration commune pour faire part de leur consternation de voir Israël « récompensé pour son oppression de [leur] peuple, en toute impunité, par le privilège d’accueillir » la compétition, et demandaient à M. Platini de revenir sur sa décision. Ils entendaient lui rappeler qu’Israël, qui « pratique un mélange, unique au monde, d’occupation, de colonisation et d’apartheid dirigé contre la population indigène, c’est-à-dire les Palestiniens », n’est pas « un pays comme les autres » (3). L’initiative n’a pas permis de faire fléchir M. Platini.
Le 14 juin 2012, ce fut au tour de Jibril Rajoub de manifester son incompréhension dans une lettre ouverte au président de l’UEFA diffusée par les médias et accueillie froidement par l’intéressé. Le patron de la PFA y évoquait notamment le sort du jeune footballeur gazaoui Mahmoud Sarsak, arrêté par l’armée israélienne au cours de l’été 2009, torturé et incarcéré sans procès ni jugement (lire « Mahmoud Sarsak, une jeunesse brisée »), comme beaucoup des milliers de Palestiniens détenus en Israël (4). Quatre jours plus tard, M. Platini confirmait auprès du président de l’Association israélienne de football (IFA), M. Avraham Luzon, le maintien de l’épreuve dans son pays et se disait certain « que ce sera une belle fête du football, qui, une fois de plus, rassemblera les gens ».
Le 29 novembre 2012, au lendemain du tirage au sort de la phase finale de l’Euro (qui détermine les poules), il rencontrait le chef de l’Etat israélien, M. Shimon Peres, dans sa résidence de Jérusalem. Trois semaines plus tôt — les 8 et 11 novembre, soit quelques jours avant le début de l’opération militaire « Pilier de défense » contre la bande de Gaza (14-21 novembre 2012, plus de 180 morts du côté palestinien, en grande majorité des civils, dont une cinquantaine d’enfants) —, quatre adolescents étaient tués par des bombardements israéliens alors qu’ils jouaient au ballon rond à Gaza, sans que cela ne suscite aucune réaction de sa part. S’il suit l’actualité, M. Platini aura peut-être été interpellé par la récente décision de l’astrophysicien Stephen Hawking — qui provoque des remous en Israël — de ne plus participer à la conférence internationale placée sous l’égide de M. Peres, « Faire face à demain 2013 », organisée à Jérusalem du 18 au 20 juin, alors qu’il avait dans un premier temps accepté l’invitation lancée par le président israélien. Le célèbre scientifique britannique, qui entend par là protester contre la situation des Palestiniens et l’occupation de leurs terres, a également rejoint le boycott universitaire et culturel d’Israël (5).
Ironie du sort, la compétition se déroulera, entre autres, dans l’enceinte du stade Bloomfield (ex-Basa), qui fut autrefois celui du club palestinien Shabab Al-Arab de Jaffa, expulsé en janvier 1949 au profit du club israélien de l’Hapoël Tel-Aviv, et dans celle du stade Teddy de Jérusalem, situé tout près du village arabe d’Al-Maliha, vidé de ses habitants en juillet 1948 par les troupes israéliennes et presque entièrement rasé (6). Le stade Teddy est l’antre du club du Beitar Jérusalem, proche du Likoud (droite nationaliste). Ses supporters, ouvertement racistes et violents — deux de leurs slogans favoris sont « Mort aux Arabes » et « Beitar pur pour toujours » —, ont récemment créé la polémique en protestant contre l’arrivée dans l’équipe de deux joueurs tchétchènes de confession musulmane, allant jusqu’à mettre le feu au siège administratif du club, le 8 février dernier — les deux nouvelles recrues du Beitar, qui ne comptait jusqu’alors dans ses rangs que des joueurs juifs, sont systématiquement huées et insultées lorsqu’elles touchent la balle. Pour autant, le cas du Beitar Jérusalem est loin d’être isolé. Le football israélien est fortement touché par le racisme anti-arabe, des « ratonnades » se déroulant même régulièrement en marge des matchs de championnat (7).
Une coalition européenne d’organisations de défense des droits humains multiplie les actions pour tenter d’attirer l’attention de l’opinion publique et des dirigeants politiques (8). Elles ont mis sur pied la campagne Carton rouge pour l’apartheid israélien afin d’obtenir l’annulation de l’épreuve, sous peine de « renforce[r] le sentiment d’impunité » prévalant en Israël, et ce malgré les violations répétées des droits humains et les crimes commis par son armée à Gaza et en Cisjordanie, qui lui ôtent « toute légitimité à accueillir des événements sportifs internationaux ». La campagne est adossée au mouvement mondial Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS), créé en 2005 sur le modèle de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, qui avait notamment abouti à l’exclusion du pays de toute compétition sportive. Elle a reçu le soutien de nombreuses personnalités, dont l’intellectuel américain Noam Chomsky, le musicien britannique Roger Waters (ex-Pink Floyd), l’ancienne star française du ballon rond Eric Cantona, ou encore le cinéaste Ken Loach.
De leur côté, des footballeurs professionnels se sont également mobilisés, sous la houlette de l’attaquant franco-malien Frédéric Kanouté. Celui-ci est à l’origine d’un appel à boycotter l’Euro Espoirs, adressé à l’UEFA le 29 novembre dernier et signé par une soixantaine de joueurs internationaux. Ils y témoignaient notamment de « leur solidarité avec le peuple de Gaza qui vit depuis trop longtemps en état de siège, et dont on refuse les droits humains les plus fondamentaux : la dignité et la liberté. » — certains d’entre eux, parmi lesquels des joueurs de l’équipe de France et l’Ivoirien Didier Drogba, se sont depuis rétractés ou ont démenti faire partie des signataires, à la suite, selon M. Kanouté, de pressions exercées sur eux et sur leurs clubs respectifs (9).
Rares sont les politiques à s’être saisis de la question, à l’exception notable de Mme Marie-George Buffet. Il y a peu, la députée communiste de Seine-Saint-Denis et ancienne ministre des sports (1997-2002) a adressé un courrier à M. Platini pour dénoncer la tenue du tournoi dans un pays dont les « pratiques » sont « incompatibles avec les valeurs du sport » (10). A notre connaissance, elle n’a obtenu aucune réponse officielle.
Le 25 janvier dernier, une délégation de militants venus de plusieurs pays (France, Royaume-Uni, Suisse, etc.) se sont rendus au siège de l’UEFA pour réclamer des explications à M. Platini. Ils se sont vus rétorquer que « le sport ne peut se mêler de politique, c’est pourquoi l’UEFA n’envisage pas de prendre des sanctions contre Israël » (11). Michel Platini feint-il d’ignorer que l’Afrique du Sud, pendant le régime d’apartheid (avec lequel collabora Israël, au mépris des sanctions internationales), fut suspendue de toutes les compétitions de football dès 1964, puis exclue des Jeux olympiques à partir de 1970, et n’a pu les réintégrer qu’après l’abolition du système ségrégationniste ? A l’époque, il est vrai, l’Europe avait pris part au boycott économique, académique et sportif du régime de Pretoria, tandis qu’elle fait preuve aujourd’hui d’une grande complaisance à l’égard d’Israël, dont les liens avec l’Union européenne n’ont cessé de se renforcer ces dernières années, malgré la poursuite de l’occupation militaire et de la colonisation en Palestine (12).
Emboîtant le pas de l’Union européenne, l’UEFA se serait-elle à son tour rangée au principe du « deux poids, deux mesures » ?
Voir aussi : « Mahmoud Sarsak, une jeunesse brisée ».
(1) Israël participe aux compétitions de football en Europe depuis 1989, après avoir quitté la Confédération asiatique (AFC) en 1974. Il est devenu membre à part entière de la fédération européenne (UEFA) en 1994.
(2) Cité dans la brochure On ne peut pas s’en foot  !, CAPJPO - EuroPalestine, Paris, 2012.
(3) «  Appel des sportifs palestiniens à l’UEFA  », 22 juin 2011.
(4) Près de 4 900 Palestiniens, dont 236 enfants, sont emprisonnés en Israël, parmi lesquels plusieurs ont cessé de s’alimenter. Certains ont récemment péri en détention, comme Maysara Abou Hamdiya (65 ans), mort d’un cancer le 2 avril dernier, faute de traitement, ou Arafat Jardat (30 ans), décédé le 23 février 2013, après un interrogatoire. Sur la situation des prisonniers palestiniens en Israël, voir les données et informations fournies par l’organisation Addameer.
(5) «  Stephen Hawking joins academic boycott of Israel  », The Guardian, 8 mai 2013.
(6) Comble du cynisme, la communauté palestinienne de Jérusalem-Est, victime de la politique discriminatoire menée par Israël, dénoncée en particulier par les Nations unies, a été mise à contribution à hauteur de 100 millions de shekels (plus de 20 millions d’euros) pour financer les travaux de rénovation du stade Teddy.
(7Cf. Todd Warning, «  Israel’s Arab-Free Soccer Team  », Tablet, 14 mai 2012. Lire également Robert Kissous, «  UEFA 2013 – lettre à Michel Platini  », Association France Palestine Solidarité (AFPS), 26 avril 2012.
(8) Un rassemblement de protestation est notamment prévu à Londres le 24 mai, à l’occasion du congrès annuel de l’UEFA organisé dans la capitale britannique.
(11) «  Coupe de foot junior en Israël : l’UEFA sommée de s’expliquer  », CAPJPO - EuroPalestine, 26 janvier 2013.
(12) Lire à ce sujet «  Comment l’Union européenne renforce les colonies israéliennes  », par Alain Gresh, Nouvelles d’Orient (Les blogs du Diplo), 30 octobre 2012.

DANS « LE MONDE DIPLOMATIQUE » :

  • « Israël, le tribunal Russell contre l’impunité », Sharon Weill, La valise diplomatique, 22 janvier, janvier 2013
    Fondé pour répondre à l’inaction de la communauté mondiale, ce tribunal d’opinion vise à attirer l’attention sur les complicités et les manquements de l’Union européenne, des Nations unies, des Etats-Unis et des entreprises dans les violations des droits du peuple palestinien par Israël.
  • « Tout est simple à Gaza... », Serge Halimi, décembre 2012
    Depuis des années, les mêmes travers scandent la relation des événements en Palestine, comme celui qui accorde l’impunité à un belligérant doté d’une supériorité militaire écrasante se grimant en victime, juste avant d’enclencher une nouvelle escalade armée.
  • « Goldstone, la justice et la “recherche de la Palestine” », Alain Gresh, Nouvelles d’Orient (Les blogs du Diplo), 4 avril 2011.
    Le juge sud-africain Richard Goldstone a publié dans le Washington Post, en avril 2011, une tribune dans laquelle il fait machine arrière et se livre à une (auto)critique du rapport qui porte son nom. Que signifie cette rétractation ?
  • « Coupe du monde de football : passion, diversion, répression », Olivier Pironet, La valise diplomatique, 11 juin 2010, juin 2010
    Loin d’être un événement rassembleur, la Coupe du monde sert avant tout de vitrine au capitalisme mondialisé, dont le sport en général et le football en particulier constituent un élément emblématique.
  • « Intouchables parrains du football mondial », David Garcia, juin 2010 APERÇU
    La FIFA affiche une prospérité insolente. Cependant les critiques abondent : autoritarisme, pratiques douteuses dont se rendraient coupables ses dirigeants, achats de votes, pots-de-vin... M. Blatter, son président, concentre les reproches.
  • « Gaza, crimes de guerre, crimes contre l’humanité », A. G., Nouvelles d’Orient (Les blogs du Diplo), 16 septembre 2009.
    A écouter les commentateurs des médias, le rapport de la mission des Nations unies sur les événements de Gaza semblerait renvoyer dos à dos Israël et le Hamas. En fait, rien n’est plus faux. Et la lecture du document est accablante avant tout pour Israël.
  • « Regards sud-africains sur la Palestine », Alain Gresh, août 2009APERÇU
    La guerre de Gaza a suscité indignation et protestations aux quatre coins du monde. En Afrique du Sud, la solidarité avec la Palestine s’est exprimée avec une vigueur particulière. Ici, on n’oublie pas l’alliance sans faille qui a uni le régime de l’apartheid et Israël.

TOUJOURS DISPONIBLE :

  • « Histoires d’Israël », Manière de voir nº 98, avril-mai 2008.
    Israël a soixante ans : retour sur les origines de l’Etat juif, les étapes du conflit avec le monde arabe et les évolutions économiques et sociales du pays.

Thursday, May 16, 2013

Histoire universelleVous avez dit «civilisations» ?...




À Paris, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant a déclaré le 4 février 2012, devant des représentants d’une association étudiante : «Contrairement à ce que dit l'idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas (…). Celles qui défendent l'humanité nous paraissent plus avancées que celles qui la nient. Celles qui défendent la liberté, l'égalité et la fraternité, nous paraissent supérieures à celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique».
Le propos a fait polémique en raison du flou qui entoure le mot «civilisations» (au pluriel). Que recouvre ce mot, que le ministre français a employé sciemment en lieu et place du mot «sociétés» ?
André Larané, avec la contribution d'Isabelle Grégor
Un menuet aux îles Marquises, auteur inconnu, Le Charivari, 1843

Pas de «civilisation» avant le XVIIIe siècle !

Bien que d’apparence commune, le mot «civilisation» n’a que trois siècles d’existence. Il est issu du latin civis, c'est-à-dire citoyen, et de civitas, qui désigne la cité, autrement dit l’ensemble des citoyens. Il apparaît d’abord dans le vocabulaire juridique pour désigner le fait de rendre civile une matière criminelle.
Au siècle des Lumières, il commence à se montrer dans un sens moderne. On le repère en 1758 dans L’Ami des Hommes, un essai politique de Victor Riqueti de Mirabeau, le père du tribun révolutionnaire : «C'est la religion le premier ressort de la civilisation», c'est-à-dire qui rend les hommes plus aptes à vivre ensemble.
On le retrouve en 1770 dans L’Histoire des Deux Indes, un ouvrage majeur du siècle des Lumières, attribué à l’abbé de Raynal et plus probablement à Diderot : «La civilisation d'un empire est un ouvrage long et difficile».
Dans cet ouvrage, le mot «civilisation» est employé comme synonyme de «rendre policé» (de poliscité en grec). Il exprime le processus qui permet aux hommes de s’élever au-dessus de l’état de nature, en corrélation avec le développement des villes. À ce propos, il n’est pas anodin d’observer que les adjectifs apparentés «civilisé»,«policé» et «urbain» (au sens d’urbanité) viennent de mots latins ou grecs qui désignent tous la ville ou la cité : civitaspolisurbs.
En 1795, à la fin de la Révolution, le mot civilisation a les honneurs du dictionnaire de l'Académie française avec la définition suivante : «Action de civiliser, ou état de ce qui est civilisé».
L'édition de 1872 est plus précise : «État de ce qui est civilisé, c'est-à-dire ensemble des opinions et des mœurs qui résulte de l'action réciproque des arts industriels, de la religion, des beaux-arts et des sciences». Elle ne porte pas de jugement de valeur ni n’établit de comparaison entre différentes formes de civilisations.

Le barbare n'est pas celui qu'on croit...

Les jugements de valeur ont longtemps été étrangers à la pensée occidentale. Quand les anciens Grecs inventent le mot barbare, il s’agit simplement d'une onomatopée par laquelle ils désignent les gens qui ne parlent pas leur langue.
Le sens du mot évolue à la fin de l’Antiquité quand, choqués par la violence des invasions germaniques, les Romains commencent à opposer sauvagerie et civilisation(humanitas). Le mot barbare prend alors une consonance péjorative en désignant l'ensemble des peuples hostiles qui vivent aux confins de l'empire.
Mais les Romains et leurs héritiers, chrétiens à l’ouest, majoritairement musulmans à l’est, demeurent étrangers aux jugements de valeur et plus encore aux catégories raciales. Au Moyen Âge, pour les disciples du Christ comme pour ceux de Mahomet, tous les hommes ont vocation à rejoindre leur foi.
À ce propos, retenons l’observation ironique de l'historien britannique Arnold Toynbee, publiée en 1972 : «Au lieu de diviser l’humanité comme nous le faisons, en hommes de race blanche et en hommes de couleur, nos ancêtres les divisaient en chrétiens et en païens. Nous ne pouvons manquer d’avouer que leur dichotomie valait mieux que la nôtre tant sur le plan de l’esprit que de la morale» (L’Histoire, Elsevier, 1972, traduction : 1978).
Curieux de tout, les Européens du Moyen Âge, une fois qu’ils ont fait le tour de leur monde imaginaire (bestiaire, gargouilles…), s’échappent de l’étroite «fin de terre» dans laquelle ils sont piégés. Ils empruntent la seule voie qui leur est ouverte, la voie océanique, et ainsi découvrent «monter en un ciel ignoré/Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles» (José Maria de Heredia).
La rencontre avec les peuples du Nouveau Monde est brutale, d’autant plus meurtrière que s’immisce le fléau des épidémies. Elle révèle aussi aux Européens l’infinie diversité de la condition humaine : «Mais quoi, ils ne portent point de hauts-de-chausses !»Cette réflexion amusée conclut le passage des Essais rédigé par Montaigne après sa rencontre avec trois Indiens du Brésil, à Rouen, en 1562.
Montaigne ne s’en tient pas là. Décrivant les mœurs cruelles des «cannibales», il ajoute : «Je trouve, pour revenir à mon propos, qu’il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu’on m’en a rapporté : sinon que chacun appelle barbarie, ce qui n’est pas de son usage». Et précise : «Je pense qu’il y a plus de barbarie à manger un homme vivant qu’à le manger mort, à déchirer par tourments et par géhennes, un corps encore plein de sentiment, à le faire rôtir par le menu».
La critique vise ses contemporains qui se déchirent dans les guerres de religion. Montaigne les amène à réfléchir sur leur conduite par une mise en parallèle avec une autre conduite, le cannibalisme, que son éloignement permet d’observer avec détachement. Cette démarche sera reprise un siècle plus tard par Montesquieu dans les Lettres persanes. Ses deux héros, Usbek et Rica, par leur questionnement sur la société française, amènent les lecteurs à remettre en question leurs certitudes.
Pour ces penseurs éclairés, il s’agit non pas de condamner ou réprouver mais simplement de faire progresser des pratiques figées dans l’habitude et la routine.
En prévenant les Occidentaux contre le péché d’arrogance et le sentiment qu’ils n’ont rien à apprendre de quiconque, l’ouverture aux sociétés étrangères devient un moteur de l’innovation. Elle s’avère efficace si l’on en juge par la liste des emprunts étrangers dans les sociétés de la Renaissance et du siècle des Lumières, depuis le tabac, originaire du Brésil, jusqu’au recrutement des hauts fonctionnaires par concours, selon la pratique chinoise du mandarinat.

L'Autre sous le projecteur des Lumières

Les Lumières ont su aussi observer les autres peuples, tantôt avec dégoût ou admiration, toujours avec étonnement. C'est le temps des grands voyages d'exploration à but non plus uniquement militaire ou commercial mais également scientifique. Les circumnavigateurs (Bougainville, Cook, Lapérouse...) s'empressent de coucher dans leurs carnets de route leurs observations sur les peuples rencontrés, bien conscients qu’elles allaient être épluchées par les grands esprits de l'époque.
Le XVIIIe siècle est en effet celui de l'étude de l'Homme, à la fois dans sa singularité et dans sa diversité.
Les voyageurs croient trouver au-delà des mers l'«état de nature» décrit parRousseau de façon purement théorique : les Tahitiens ne sont-ils pas de «bons sauvages» vivant dans un pays paradisiaque et ignorant la propriété, la violence, le besoin ? Malgré les mises au point de Bougainville puis de Diderot, le mythe prend de l'ampleur, faisant des Polynésiens les représentants d'une humanité primitive idéale.
Cette empathie pour l’Autre se prolonge jusqu’à la moitié du XIXe siècle. Ainsi en attestent les peintures de la société algérienne par Fromentin et Delacroix et les écrits de voyageurs en Orient, de Chateaubriand à Nerval. On la retrouve aussi dans la lutte pour l’abolition de l’esclavage.
Cette ignominie est venue du contact entre Méditerranéens de tous bords sur les marchés du Maghreb et de l’Orient au XVe siècle. Quand ils ont voulu exploiter les terres du Nouveau Monde, Espagnols et Portugais y ont tout naturellement transporté le système des grandes plantations sucrières esclavagistes qu’ils avaient découvert en Orient. Les Anglais ont pris le relais et, pour se protéger du risque de se dissoudre dans le métissage face à un flux grandissant d’Africains, ont érigé au XVIIe siècle la barrière du racisme.
Mais en Europe même, l’esclavage a été condamné par le pape dès le XVe siècle et le racisme n’a jamais eu de prise sur la société jusque dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Le mouvement en faveur de son abolition débute bien avant la Révolution. L’abbé de Raynal, dans l’Histoire des Deux Indes déjà citée, en appelle à un nouveau Spartacus. Dès son avènement, le jeune roi Louis XVI demande à Turgot d’abolir cette institution mais il doit reculer devant les menaces des planteurs. À l’ouverture des états généraux, en 1789, il récidive et par la voix de son ministre Necker, émet le vœu qu’il y soit mis fin.
L’on commence aussi au XVIIIe siècle à cultiver le désir de policer les sociétés «sauvages» et les amener à la civilisation. L’Europe se passionne pour l'expérience menée par les Jésuites au Paraguay, au cœur du continent sud-américain, où ils ont rassemblé les Indiens dans des communautés paisibles et ordonnées : «Rien ne fait plus honneur à la religion que d'avoir civilisé ces nations», dit le naturaliste Buffon, admiratif devant les résultats des missions religieuses.
Peuples océaniens, in Meyer Konversation Lexikon, 1897

Quand la science s'en mêle

Le siècle des Lumières est aussi le siècle de la raison et de la science. Dans L’Esprit des Lois (1748), Montesquieu emprunte au grec Hippocrate la «théorie des climats»pour expliquer de façon «rationnelle» les différences entre les sociétés humaines :«Les peuples des pays chauds sont timides comme les vieillards le sont ; ceux des pays froids sont courageux comme le sont les jeunes gens (…)». On entre ici dans le jugement de valeur.
Dans son Histoire naturelle, qu’il écrit à partir de 1749, Buffon traite du règne animal. Comme le botaniste suédois Linné, il se pique de mettre en fiches la Nature. Travail utile. Mais il n'oublie pas l'homme et effectue une étude approfondie des «Variétés dans l'espèce humaine». L'homme, qui se distingue de l'animal par sa capacité à réfléchir, lui est aussi supérieur par son désir de créer des sociétés et de les développer. Mais si l'homme est unique, ajoute Buffon, il varie en fonction de la couleur, de la taille et des mœurs. Certains représentants «paraissent avoir dégénéré de l'espèce humaine», notamment à cause des conditions climatiques, de la nourriture et des coutumes. Pour s'améliorer, l'homme doit donc être capable de se détacher de son milieu naturel.
C'est pourquoi, pour Buffon, on trouve au sommet les peuples d'Europe «policés», sociables, capables de développement, puis au bas de l'échelle les groupes américains «grossiers»«brutes», vivant nus en pleine nature, y compris sous les climats rigoureux (Fuégiens). Pour asseoir sa réflexion, le savant se base sur une différence des cultures et non des corps : le degré de perfection des sociétés se mesure à l’éloignement par rapport à «l'état de nature» en prenant toujours comme repère idéal la société européenne.
L’aboutissement de ces travaux de classification, c’est d'abord en 1854 la publication par le comte de Gobineau de l'Essai sur l'inégalité des races humaines (tout est dit dans le titre) puis, en 1859, la publication de L’Origine des Espèces. Cette théorie de la sélection naturelle, exposée avec brio par Charles Darwin, est pleinement acceptée par l'opinion publique qui y voit le fondement de ses conceptions politiques et sociales, alors que triomphent le libéralisme et la foi dans le progrès, sur fond d'agnosticisme.
Die Zivilisierung Europas, Caricature d'un tirailleur sénégalais tirée du journal  Kladderadatsch, n° 30, paru le 23 juillet 1916L’Europe est alors au sommet de sa puissance et ses élites ne doutent plus de la supériorité de «leur»civilisation. Le mot lui-même se décline désormais au pluriel et l’on regarde avec condescendance ou mépris les autres grandes civilisations universelles qui, au même moment, sont au plus mal, qu’il s’agisse des Indes, de la Chine ou des empires musulmans, pour ne rien dire de l’Afrique. Leurs différences et leur retard paraissent trop grands pour qu’elles puissent un jour rattraper l’Occident.
Revenus de leurs illusions après le cataclysme de la Grande Guerre, les Européens prêtent davantage d’attention aux travaux des pionniers en ethnologie et anthropologie qui mettent en évidence la richesse symbolique des sociétés dites primitives. Les préhistoriens montrent que le génie inventif de Cro-Magnon supporte la comparaison avec celui de l’Occidental.
La psychanalyse donne à penser, suprême humiliation, que les performances de nos sociétés seraient le fruit de nos frustrations. C’est en tout cas ce qu’affirme Sigmund Freund en 1929 dans Malaise dans la civilisation (en allemand : Das Unbehagen in der Kultur).
Un Européen de la Compagnie des Indes, Londres, Victoria and Albert Museum
Après la Seconde Guerre mondiale et ses horreurs, l’ethnologue Claude Lévi-Strauss en rajoute en réduisant les différences entre les sociétés humaines à des variations de structures élémentaires (préférences matrimoniales…).
Plus fort que tout, bien sûr, le formidable rattrapage de l’Occident par le Japon, la Chine, l’Inde et quelques pays musulmans renvoie aux oubliettes l’arrogance passée de la bourgeoisie européenne. Il remet en selle la vision d’un monde multipolaire, fragmenté entre plusieurs aires de civilisation. Fragmenté ou soudé ?

Une civilisation mondialisée ?

Héritier de l’historiographie européenne du XIXe siècle, Arnold Toynbee (1889-1975) est l'auteur d’une magistrale Étude de l’Histoire en 12 volumes. Il a consacré sa vie à disséquer les civilisations. Comment se définissent-elles ? Comment grandissent-elles et meurent-elles ?
Villégiature d'hiver en Afrique centrale, L'Illustration, 1905L’historien en a recensé une trentaine au cours des cinq millénaires qui se sont écoulés depuis l’apparition des premières cités-États, dont plusieurs qui ont avorté. Par exemple la civilisation nestorienne, issu d’un rameau oriental du christianisme : elle était sur le point de séduire l’Asie centrale quand elle a été détruite par l’irruption de l’islam.
Parmi les civilisations les plus durables, il y a la civilisation chinoise et ses satellites : les civilisations vietnamienne, coréenne et japonaise ; la civilisation occidentale et la civilisation orthodoxe, la civilisation russe, cousine de la précédente ; la civilisation pharaonique et la civilisation hellénique, qui a réuni la Grèce et Rome… C’est beaucoup moins que le nombre de cultures et de sociétés.
La distinction entre civilisation, culture et société ne va pas de soi. Le concept de «culture» est issu du mouvement romantique allemand ; il désigne tout ce qui fait l’essence d’une société humaine : langue, mœurs, habitudes, rites et souvenirs communs…
Au sein d’une civilisation peuvent cohabiter plusieurs variantes culturelles. Arnold Toynbee définit une «civilisation» comme «un champ intelligible d’études historiques». Ainsi l’Angleterre a une culture propre, avec sa langue, ses rituels sportifs et sa gastronomie particulière, son humour so british, mais elle ne constitue pas pour autant une civilisation parce que son Histoire est incompréhensible si on ne la relie pas à celle de ses voisins européens.
Toynbee n’en admet pas moins des affinités et des passerelles plus ou moins intenses entre les civilisations elles-mêmes. Ainsi entre la civilisation occidentale, la civilisation orthodoxe et la civilisation islamique, toutes les trois issues de ce qu’il appelle le rameau syro-hellénique (pensée grecque et monothéismes orientaux).
On peut porter un jugement de valeur sur une société et considérer par exemple que la société fédérale allemande est plus estimable que la société hitlérienne. On le peut d’autant mieux qu’une société se définit par des choix politiques (au sens large) et que tout individu est en mesure de récuser ceux-ci, par la révolte ou la fuite.
Il n’en va pas de même d’une civilisation ou d’une culture, qui sont partie intégrante de chaque individu. Dès les premiers jours de l’existence, nous sommes imprégnés par la langue, les bruits, les odeurs, les couleurs et les rituels de notre culture. Nous ne pouvons nous en défaire mais nous pouvons l’enrichir de notre expérience.
Un pays comme la France peut faire bon accueil au couscous et accepter la préférence d'une fraction de ses habitants pour la nourriture halal ou kasher. Il est par contre impensable - sauf à se mutiler - qu'elle mette à l'index les fêtes et traditions issues de son héritage chrétien ou encore les paroles de la Marseillaise, si rudes qu'elles nous paraissent.
En ce XXIe siècle mondialisé, peut-on concevoir que se forge une civilisation planétaire ? L’idée est suggérée par certains penseurs mais l’analyse des échanges et des mentalités permet d’en douter.
À mesure que se précise le rattrapage économique de l’Occident par l’Extrême-Orient, ce dernier se redéfinit comme un monde clos : la mer de Chine devient un foyer d’échanges privilégié entre Japon, Chine et Corées, à l’égal de la mer du Nord pour l’Europe, et ces deux extrémités de l'Eurasie tendent à se tourner le dos. Le sous-continent indien a quant à lui toujours conservé son identité ; il limite ses échanges avec l'extérieur et vit en quasi-autarcie. 
Si l’on regarde sur un planisphère les pays qui mettent en avant les droits des homosexuels ou abolissent la peine de mort, ils coïncident à quelques exceptions près avec l’ancien monde européen (Europe, Amériques, Océanie), preuve que les idées politiques elles-mêmes ont une universalité toute relative. Enfin, le rêve d'un idiome universel, le «globish», version appauvrie de l’anglo-américain, ne devrait pas survivre au déclin des États-Unis.

Conclusion très provisoire

Les différentes civilisations de ce IIIe millénaire n'ont sans doute pas dit leur dernier mot. 
La civilisation chinoise et ses satellites (Japon, Corée...) montrent une étonnante capacité à se maintenir envers et contre tout (invasions, guerres civiles, cataclysmes et infécondité...), sans doute grâce à des anticorps que l'on appelle de ce côté-ci de la planète ethnocentrisme
C'est ce que donne à croire l'historien Serge Gruzinski (L'Aigle et le Dragon, Fayard, 2012) dans un entretien au Nouvel Observateur (9 février 2012) : «(...) les Chinois n'éprouvaient aucun intérêt ni attirance pour l'étranger, qu'il soit européen ou mongol (...). Par l'intermédiaire de leur bureaucratie tentaculaire et xénophobe, les Chinois se sont constitués de formidables défenses immunitaires contre les Portugais. En revanche, l'empereur aztèque Moctezuma est tombé dans le piège de sa curiosité envers l'autre castillan, le conquistador, arrivé par bateau de nulle part. Moctezuma a accordé une place à l'étranger et cela lui fut fatal».
Largement ouverte aux influences étrangères (invasions islamo-mongoles, colonisation britannique), la civilisation indienne a quant à elle su les digérer sans rien perdre de son identité plurimillénaire.
Paul Valéry (1871-1945)La civilisation occidentale, moins ancienne que les précédentes puisqu'elle n'a que dix à quinze siècles d'existence, aura-t-elle la même capacité de résistance que l'Extrême-Orient, tirera-t-elle de nouveaux profits de son ouverture au monde comme les Indes, ou succombera-t-elle à sa curiosité insatiable comme le Mexique des Aztèques ?
Nul ne peut le dire mais l'on peut conclure sans trop de risque sur une antienne :«Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, d'empires coulés à pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins ; descendus au fond inexplorable des siècles avec leurs dieux et leurs lois, leurs académies et leurs sciences pures et appliquées (...). Tout ne s'est pas perdu mais tout s'est senti périr. Un frisson extraordinaire a couru la moelle de l'Europe (...)». Publié en avril 1919 dans La Crise de l'esprit, ce texte a été inspiré à Paul Valéry par la catastrophe de la Grande Guerre.

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